« À partir du mois de septembre, l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme, qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi. »
Une phrase clé que l’on retrouve dans le roman autobiographique d’Annie Ernaux, sorti en 1992, ainsi que dans le 5ème long métrage de la réalisatrice Danielle Arbid avec Laetitia Dosch, révélée au Festival de Cannes dans « Jeune Femme (Montparnasse Bienvenüe) » de Léonor Serraille, Caméra d’Or 2017, et le danseur de ballet ukrainien-russe Sergei Polunin, vu dans Red Sparrow, de Francis Lawrence, en 2018.
Elle, quarantenaire, professeure de littérature, lui, marié, diplomate russe.
Une histoire comme tant d’autres, dirait-on. La simplicité d’une passion. Simplicité qui renferme toute la complexité des émotions humaines, vécues intensément, sans honte, sans culpabilité, jusqu’à la limite de soi, dans une suspension du temps. « Il rythmait ma vie. Je mesurais le temps en fonction de lui. » Dans le film, l’actrice commence à relater son histoire à l’imparfait. C’est le temps qu’a adopté Annie Ernaux dans son roman « pour éterniser les choses » dit-elle. Imparfait. Comme cette passion imparfaite - les passions le sont toujours ! - vécue à pleins poumons, à pleines dents, à pleines âmes, entre parenthèses. Combien de parenthèses rythment une vie ?
Pour Annie Ernaux, « écrire ce n’est jamais de l’impudeur. » En effet, l’actrice principale Laëtitia Dosch atteste dans l’émission d’Hélène Roussel « L’invité de 7h50 » : « Annie Ernaux est une autrice qui m’a beaucoup fait grandir en tant que femme. »
À l’écran, au-delà des mots et de notre imagination impudique, on voit. Dans le film de Danielle Arbid, tourné en 16 mm, les corps sont magnifiés dans des mouvements de danse ou des tableaux figés. La lumière est poésie qui accompagne ces corps entremêlés, sensuels, sans pudeur, mais loin d’être vulgaires. La musique est une mosaïque de chansons qui transpose la mélancolie du moment et le vide de l’absence en notes paisibles que l’on fredonne tout au long du film, comme un clin d’œil extérieur, un souffle familier.
Avec les mouvements de la caméra et les choix méticuleux de Danielle Arbid et de la cheffe opératrice Pascale Granel, on est près des visages, on participe à leur transformation et l’on comprend, sans rationaliser. On ne voit ni bourreau ni victime. Juste un homme et une femme. Une femme libre qui se laisse emporter par le tourbillon dangereux et salvateur d’une passion. À regarder ces deux êtres dans leur cocon, en proie à la fièvre d’une rencontre, à voir de si près leurs corps fusionnels, on en oublie les corps sociaux.
Des rencontres physiques. Existe-t-il seulement, le physique sans aucun sentiment ? Les corps, ne dialoguent-ils pas ? Les regards, les enlacements, les attouchements, et le reste, (beaucoup) moins soft, ne seraient-ils pas l’expression de pulsions humaines, donc une expression de soi, et, par le fait même, des confidences partagées dans la sueur des corps qui se croisent et se lâchent, dans les mots tus au fin fond des regards et des demi-sourires ?
Autant les rencontres passionnelles, « purement » physiques, transportent le spectateur, autant les entre-deux, les attentes du prochain rendez-vous, du coup de fil qui tarde à venir, lui assènent une réalité crue. Rien que dans ces détails ordinaires, dans cet « inventaire » comme le désigne Annie Ernaux, on assiste aux mille transformations du visage d’une femme... en toute grâce. Dévorée par la passion, transportée par l’amour, mais aussi incapable de concentration, oubliant jusqu’à ses responsabilités, dans l’attente d’un être qui reviendra encore, et encore une fois, peut-être.
Dans cette élasticité de l’attente, la réalisatrice se veut fidèle aux détails du livre ; le choix des vêtements pour l’occasion, le supermarché pour remplir le frigo, la recherche d’histoires semblables à la sienne dans les romans, son incapacité à rédiger sa thèse, le bruit du sèche-cheveux qui l’empêcherait d’entendre la sonnerie du téléphone… Tout gravite autour de cet homme. Elle-même gravite et est en transe. Et le désir physique, le toucher, demeure sa seule certitude. Tout est dans l’instant. Présent. À jamais.
« À son insu, il m’a reliée davantage au monde », dit Annie Ernaux dans son roman. Hélène répète : « Sans qu’il sache, cet homme m’a reliée davantage au monde. »
Et puis encore dans le film pour projeter l’image d’une femme libre assumant sa douleur et la richesse de son vécu :
« - C’était bien ?
- Oui ! »
Le film de Danielle Arbid est une sculpture vivante de la rencontre de deux corps, en dehors des êtres sociaux, qui se consument au feu d’une passion simple et le portrait d’une femme en attente… jusqu’au moment où. Et l’on attend ce moment… Et dans une fin sublimée, il nous répond…
Une phrase clé que l’on retrouve dans le roman autobiographique d’Annie Ernaux, sorti en 1992, ainsi que dans le 5ème long métrage de la réalisatrice Danielle Arbid avec Laetitia Dosch, révélée au Festival de Cannes dans « Jeune Femme (Montparnasse Bienvenüe) » de Léonor Serraille, Caméra d’Or 2017, et le danseur de ballet ukrainien-russe Sergei Polunin, vu dans Red Sparrow, de Francis Lawrence, en 2018.
Elle, quarantenaire, professeure de littérature, lui, marié, diplomate russe.
Une histoire comme tant d’autres, dirait-on. La simplicité d’une passion. Simplicité qui renferme toute la complexité des émotions humaines, vécues intensément, sans honte, sans culpabilité, jusqu’à la limite de soi, dans une suspension du temps. « Il rythmait ma vie. Je mesurais le temps en fonction de lui. » Dans le film, l’actrice commence à relater son histoire à l’imparfait. C’est le temps qu’a adopté Annie Ernaux dans son roman « pour éterniser les choses » dit-elle. Imparfait. Comme cette passion imparfaite - les passions le sont toujours ! - vécue à pleins poumons, à pleines dents, à pleines âmes, entre parenthèses. Combien de parenthèses rythment une vie ?
Pour Annie Ernaux, « écrire ce n’est jamais de l’impudeur. » En effet, l’actrice principale Laëtitia Dosch atteste dans l’émission d’Hélène Roussel « L’invité de 7h50 » : « Annie Ernaux est une autrice qui m’a beaucoup fait grandir en tant que femme. »
À l’écran, au-delà des mots et de notre imagination impudique, on voit. Dans le film de Danielle Arbid, tourné en 16 mm, les corps sont magnifiés dans des mouvements de danse ou des tableaux figés. La lumière est poésie qui accompagne ces corps entremêlés, sensuels, sans pudeur, mais loin d’être vulgaires. La musique est une mosaïque de chansons qui transpose la mélancolie du moment et le vide de l’absence en notes paisibles que l’on fredonne tout au long du film, comme un clin d’œil extérieur, un souffle familier.
Avec les mouvements de la caméra et les choix méticuleux de Danielle Arbid et de la cheffe opératrice Pascale Granel, on est près des visages, on participe à leur transformation et l’on comprend, sans rationaliser. On ne voit ni bourreau ni victime. Juste un homme et une femme. Une femme libre qui se laisse emporter par le tourbillon dangereux et salvateur d’une passion. À regarder ces deux êtres dans leur cocon, en proie à la fièvre d’une rencontre, à voir de si près leurs corps fusionnels, on en oublie les corps sociaux.
Des rencontres physiques. Existe-t-il seulement, le physique sans aucun sentiment ? Les corps, ne dialoguent-ils pas ? Les regards, les enlacements, les attouchements, et le reste, (beaucoup) moins soft, ne seraient-ils pas l’expression de pulsions humaines, donc une expression de soi, et, par le fait même, des confidences partagées dans la sueur des corps qui se croisent et se lâchent, dans les mots tus au fin fond des regards et des demi-sourires ?
Autant les rencontres passionnelles, « purement » physiques, transportent le spectateur, autant les entre-deux, les attentes du prochain rendez-vous, du coup de fil qui tarde à venir, lui assènent une réalité crue. Rien que dans ces détails ordinaires, dans cet « inventaire » comme le désigne Annie Ernaux, on assiste aux mille transformations du visage d’une femme... en toute grâce. Dévorée par la passion, transportée par l’amour, mais aussi incapable de concentration, oubliant jusqu’à ses responsabilités, dans l’attente d’un être qui reviendra encore, et encore une fois, peut-être.
Dans cette élasticité de l’attente, la réalisatrice se veut fidèle aux détails du livre ; le choix des vêtements pour l’occasion, le supermarché pour remplir le frigo, la recherche d’histoires semblables à la sienne dans les romans, son incapacité à rédiger sa thèse, le bruit du sèche-cheveux qui l’empêcherait d’entendre la sonnerie du téléphone… Tout gravite autour de cet homme. Elle-même gravite et est en transe. Et le désir physique, le toucher, demeure sa seule certitude. Tout est dans l’instant. Présent. À jamais.
« À son insu, il m’a reliée davantage au monde », dit Annie Ernaux dans son roman. Hélène répète : « Sans qu’il sache, cet homme m’a reliée davantage au monde. »
Et puis encore dans le film pour projeter l’image d’une femme libre assumant sa douleur et la richesse de son vécu :
« - C’était bien ?
- Oui ! »
Le film de Danielle Arbid est une sculpture vivante de la rencontre de deux corps, en dehors des êtres sociaux, qui se consument au feu d’une passion simple et le portrait d’une femme en attente… jusqu’au moment où. Et l’on attend ce moment… Et dans une fin sublimée, il nous répond…
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