La jalousie – (2) Est-elle normale?
La jalousie fait partie des affects qui aiguillonnent toute rencontre, dès lors que des liens se créent entre des personnes. Elle est ainsi présente dès les premiers moments de la vie, elle imprègne toutes les relations humaines, quelle que soit leur nature: les relations familiales et, plus tard, amicales, professionnelles et amoureuses en particulier. Sa naissance coïncide avec l’émergence du sentiment d’attachement et en particulier, comme nous le verrons par la suite, avec le premier objet d’amour.

Elle peut donc être qualifiée de commune, de «normale», pourvu qu’elle se maintienne dans des proportions contrôlables. Car, justement, la différence entre une jalousie «normale» et une jalousie pathologique est uniquement une différence de degrés.

Lorsqu’elle est contenue, la jalousie peut même s’avérer bénéfique: elle peut stimuler la curiosité à rechercher des réponses aux émotions qu’elle suscite, elle peut guider un sujet à s’interroger sur l’amour, sur l’attachement et ses ambiguïtés, sur la précarité du lien, la relation à soi et aux autres, etc.

La jalousie mesurée est retenue dans ses manifestations. L’enfant ou l’adulte a appris que la société généralement ne voit pas d’un bon œil les signes de la jalousie. D’où les sentiments de honte ou de culpabilité que l’on a tendance à vouloir cacher sans que cela signifie pour autant l’absence d’une souffrance. Celle-ci peut demeurer enfouie, empreinte d’une frustration qui, parfois, s’exprime par une colère déviée vers un objet de substitution ou encore, comme chez un membre de la fratrie, par une conduite opposée qui fait l’admiration des parents. Tel est le cas lorsqu’un frère ou une sœur, par exemple, se montre aimant, protecteur envers celui ou celle qui est à l’origine de sa jalousie, cachant bien profondément son animosité à son égard.


Sous sa forme pathologique, elle s’exprime intensément, passionnément. Elle est le fruit de l’imaginaire exacerbé, progressant parfois vers la violence, sous des formes verbales ou physiques, suscitant désarroi, incompréhension et culpabilité aussi bien chez le sujet jaloux que chez celui vers lequel est projetée sa colère dévastatrice. Elle fait éclater en pointes acérées toute certitude, tout sentiment d’une sécurité existentielle, fragilise l’équilibre maintenu tant bien que mal jusque-là, accentue le sentiment d’angoisse lié à la précarité des liens d’attachement.

Une remarque fondamentale pour terminer cette première partie: comme tout état affectif, la jalousie est liée au désir. Non pas un besoin que l’on peut satisfaire concrètement, mais un désir qui est unique, nous rappelle Freud, «un désir indestructible et fondamentalement inconscient». Ce désir ne peut jamais être satisfait concrètement parce qu’il est, à l’origine, fantasmé, créé par un sentiment de manque. Il n’y a de désir que sur fond de perte, nous le savons déjà. Le jaloux est demeuré fixé aux premiers balbutiements de ce désir, n’ayant pu tolérer l’absence, la perte, le manque, pourtant constitutifs de notre structure psychique la plus intime.

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