Le samedi 28 mai, Beit Tabaris, la nouvelle résidence d'artistes fondée par la musicographe libanaise Zeina Saleh Kayali, a accueilli un récital de musique (dite) classique, donné par six étudiants de piano, un concert qui fait suite à quatre jours de masterclass animée par le pianiste libano-français Abdel Rahman el-Bacha et son épouse, la violoncelliste belge Suzanne Vermeyen. À la suite du concert, le virtuose libanais, lauréat du Grand prix international Reine Elizabeth en 1978, a accordé à Ici Beyrouth un entretien exclusif.
https://youtu.be/0DmjazwQ8WE
Accablé par un marasme socio-politique sempiternel et embourbé dans une récession économique et une débâcle financière, le Liban sombre, jour après jour, dans une déliquescence généralisée. Dans ce contexte de déficit budgétaire, les autorités libanaises ont privilégié certains secteurs économiques au détriment de la culture et de l’art. Cela s’est malheureusement traduit par une détérioration, voire une médiocratisation du niveau de la musique d’art occidentale, notamment avec le départ des musiciens et des professeurs de musique étrangers, abandonnant le Conservatoire national supérieur de musique mais également (et surtout) l’Orchestre philharmonique du Liban à leur triste sort. Face à cette déplorable réalité et cet alanguissement sans fin, la résilience et la résistance artistiques deviennent un devoir, un devoir national, l’identité culturelle du pays étant sacrifiée sur l’autel d’idéologies mortifères et pervertisseuses. Platon le disait d’ailleurs si bien: «Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique.» Toutefois, cette résistance ne s'acquiert pas sur un lit de plumes, elle se conquiert grâce à des personnes de bonne volonté comme Zeina Saleh Kayali qui navigue, avec acharnement, dans les torrents de ce pays qui se mue en enfer.
Ayant récemment fondé Beit Tabaris, une résidence d’artiste dédiée à la musique d’art européenne, dite classique, la musicographe libanaise espère raviver la flamme de l’art au pays du Cèdre en organisant des masterclasses gratuites, destinées à des musiciens en herbe, avec des artistes de renom. Ainsi, le pianiste libano-français Abdel Rahman el-Bacha et son épouse, la violoncelliste belge Suzanne Vermeyen, ont inauguré le 24 mai le cycle de ces masterclasses, en offrant, pendant quatre jours d'affilée, des cours intensifs d’interprétation musicale à de jeunes pianistes et violoncellistes libanais. Cette rencontre musicale s’est achevée le 28 mai par un concert donné par les six pianistes participants: Joseph Abboud Alisa Baaklini, Nicolas Ghandour, Jawad Hamadani, Elena Khoury et Emmanuel Sebali.
Les six étudiants de piano avec Abdel Rahman el-Bacha et Suzanne Vermeyen
«Je salue cette initiative extraordinaire, particulièrement pour notre pays qui souffre le martyre; je vous rends grâce, à vous qui y vivait, de tenir bon et de venir écouter de la musique qui, quelque part, est un moment de paradis», a déclaré Abdel Rahman el-Bacha dans son mot d’ouverture suite auquel les six étudiants se sont succédé au clavier du somptueux Bösendorfer que feu le pianiste virtuose libano-français Henri Goraïeb chérissait particulièrement. L’auditoire a donc été convié, ce soir-là, à un impressionnant florilège musical, à forte teneur romantique, teinté à la fois d’énergie et de poésie, et magnifié par une palette de couleurs infinie, tantôt nocturnes, tantôt lumineuses; tantôt sereines, tantôt révolutionnaires; tantôt berçantes, tantôt dansantes, naviguant ainsi l’océan symphonique contrasté d’Apollon, teinté parfois d’orientalisme et imprégné constamment d’occidentalisme. Tout au long du concert, les six pianistes se sont donnés corps et âme dans l’interprétation de douze chefs-d’œuvre musicaux soigneusement sélectionnés et sont parvenus à déployer toute la précision nécessaire pour convaincre pleinement. Le jeune Emmanuel Sebali a toutefois réussi à sortir du lot en déroulant, avec audace et méticulosité, un jeu polychrome atteignant un apogée de sensibilité et de vélocité, alliant l’ambivalence capricieuse mais ô comme exquise du Mazurka op 17 no 4 en la mineur de Fréderic Chopin, à la puissance virtuose de la musique russe avec le prélude op 23 no 5 en sol mineur de Sergueï Rachmaninov.
Emmanuel Sebali au piano
Le concert s’est finalement terminé dans la liesse générale avec un vibrant hommage rendu par Abdel Rahman el-Bacha et son épouse, la violoncelliste belge Suzanne Vermeyen, au père du virtuose libanais, feu le compositeur Toufic el-Bacha. Armé d’une éloquence musicale charmeuse, le duo est parvenu à miroiter la splendeur des sonorités quasi orchestrales de deux œuvres de Toufic el-Bacha, imprégnées d’un délectable romantisme, où la profondeur du son et la richesse harmonique exaltent. Au lyrisme frémissant du violoncelle a répondu le cantabile presque divin du pianiste où la délicatesse, la passion et la gracilité étaient au rendez-vous. C’est avec le prélude et le chant andalous d’Abdel Rahman el-Bacha, le compositeur, c'est clôturée la soirée, dans un délice de couleurs teintées d’orientalisme. La dextérité du lauréat du Grand prix international Reine Elizabeth en 1978, ainsi que ses phrasés onctueux parés de nuances méditatives, avec des piani particulièrement délicieux, ont offert au public des moments de statisme enivrant.
Le pianiste franco-libanais Abdel Rahman el-Bacha au piano
À la fin du concert, Abdel Rahman el-Bacha a accordé, à Ici Beyrouth, un entretien exclusif dans lequel il s’est notamment exprimé sur le rôle et l’importance de la musique en ces moments de crises, faisant implicitement référence à la célèbre citation de Friedrich Nietzsche: «La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil.»
Retrouvez l’intégralité de l’entretien exclusif d’Abdel Rahman el-Bacha, accordé à Ici Beyrouth, dans la vidéo ci-dessus.
https://youtu.be/0DmjazwQ8WE
Accablé par un marasme socio-politique sempiternel et embourbé dans une récession économique et une débâcle financière, le Liban sombre, jour après jour, dans une déliquescence généralisée. Dans ce contexte de déficit budgétaire, les autorités libanaises ont privilégié certains secteurs économiques au détriment de la culture et de l’art. Cela s’est malheureusement traduit par une détérioration, voire une médiocratisation du niveau de la musique d’art occidentale, notamment avec le départ des musiciens et des professeurs de musique étrangers, abandonnant le Conservatoire national supérieur de musique mais également (et surtout) l’Orchestre philharmonique du Liban à leur triste sort. Face à cette déplorable réalité et cet alanguissement sans fin, la résilience et la résistance artistiques deviennent un devoir, un devoir national, l’identité culturelle du pays étant sacrifiée sur l’autel d’idéologies mortifères et pervertisseuses. Platon le disait d’ailleurs si bien: «Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique.» Toutefois, cette résistance ne s'acquiert pas sur un lit de plumes, elle se conquiert grâce à des personnes de bonne volonté comme Zeina Saleh Kayali qui navigue, avec acharnement, dans les torrents de ce pays qui se mue en enfer.
La flamme de l’art
Ayant récemment fondé Beit Tabaris, une résidence d’artiste dédiée à la musique d’art européenne, dite classique, la musicographe libanaise espère raviver la flamme de l’art au pays du Cèdre en organisant des masterclasses gratuites, destinées à des musiciens en herbe, avec des artistes de renom. Ainsi, le pianiste libano-français Abdel Rahman el-Bacha et son épouse, la violoncelliste belge Suzanne Vermeyen, ont inauguré le 24 mai le cycle de ces masterclasses, en offrant, pendant quatre jours d'affilée, des cours intensifs d’interprétation musicale à de jeunes pianistes et violoncellistes libanais. Cette rencontre musicale s’est achevée le 28 mai par un concert donné par les six pianistes participants: Joseph Abboud Alisa Baaklini, Nicolas Ghandour, Jawad Hamadani, Elena Khoury et Emmanuel Sebali.
Les six étudiants de piano avec Abdel Rahman el-Bacha et Suzanne Vermeyen
Océan symphonique contrasté
«Je salue cette initiative extraordinaire, particulièrement pour notre pays qui souffre le martyre; je vous rends grâce, à vous qui y vivait, de tenir bon et de venir écouter de la musique qui, quelque part, est un moment de paradis», a déclaré Abdel Rahman el-Bacha dans son mot d’ouverture suite auquel les six étudiants se sont succédé au clavier du somptueux Bösendorfer que feu le pianiste virtuose libano-français Henri Goraïeb chérissait particulièrement. L’auditoire a donc été convié, ce soir-là, à un impressionnant florilège musical, à forte teneur romantique, teinté à la fois d’énergie et de poésie, et magnifié par une palette de couleurs infinie, tantôt nocturnes, tantôt lumineuses; tantôt sereines, tantôt révolutionnaires; tantôt berçantes, tantôt dansantes, naviguant ainsi l’océan symphonique contrasté d’Apollon, teinté parfois d’orientalisme et imprégné constamment d’occidentalisme. Tout au long du concert, les six pianistes se sont donnés corps et âme dans l’interprétation de douze chefs-d’œuvre musicaux soigneusement sélectionnés et sont parvenus à déployer toute la précision nécessaire pour convaincre pleinement. Le jeune Emmanuel Sebali a toutefois réussi à sortir du lot en déroulant, avec audace et méticulosité, un jeu polychrome atteignant un apogée de sensibilité et de vélocité, alliant l’ambivalence capricieuse mais ô comme exquise du Mazurka op 17 no 4 en la mineur de Fréderic Chopin, à la puissance virtuose de la musique russe avec le prélude op 23 no 5 en sol mineur de Sergueï Rachmaninov.
Emmanuel Sebali au piano
Tel père, tel fils
Le concert s’est finalement terminé dans la liesse générale avec un vibrant hommage rendu par Abdel Rahman el-Bacha et son épouse, la violoncelliste belge Suzanne Vermeyen, au père du virtuose libanais, feu le compositeur Toufic el-Bacha. Armé d’une éloquence musicale charmeuse, le duo est parvenu à miroiter la splendeur des sonorités quasi orchestrales de deux œuvres de Toufic el-Bacha, imprégnées d’un délectable romantisme, où la profondeur du son et la richesse harmonique exaltent. Au lyrisme frémissant du violoncelle a répondu le cantabile presque divin du pianiste où la délicatesse, la passion et la gracilité étaient au rendez-vous. C’est avec le prélude et le chant andalous d’Abdel Rahman el-Bacha, le compositeur, c'est clôturée la soirée, dans un délice de couleurs teintées d’orientalisme. La dextérité du lauréat du Grand prix international Reine Elizabeth en 1978, ainsi que ses phrasés onctueux parés de nuances méditatives, avec des piani particulièrement délicieux, ont offert au public des moments de statisme enivrant.
Le pianiste franco-libanais Abdel Rahman el-Bacha au piano
À la fin du concert, Abdel Rahman el-Bacha a accordé, à Ici Beyrouth, un entretien exclusif dans lequel il s’est notamment exprimé sur le rôle et l’importance de la musique en ces moments de crises, faisant implicitement référence à la célèbre citation de Friedrich Nietzsche: «La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil.»
Retrouvez l’intégralité de l’entretien exclusif d’Abdel Rahman el-Bacha, accordé à Ici Beyrouth, dans la vidéo ci-dessus.
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