«Une enquête est menée par la BDL sur un possible délit d’initié lié au défaut de paiement du Liban.»

Il l’avait affirmé à Ici Beyrouth en novembre dernier. Il le répète aujourd’hui: le défaut de paiement sur les eurobonds, décidé par le gouvernement libanais de Hassane Diab en mars 2020, a été une erreur.

Dans une interview accordée vendredi à Ici Beyrouth, le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, confie que la BDL a lancé une enquête pour déterminer s’il existe un délit d’initié lié au défaut de paiement du Liban, c’est-à-dire si des individus ont fait fortune à travers ce procédé dont ils avaient été informés à l’avance et auquel il s’était d’ailleurs vivement opposé en raison de ses conséquences sur le pays. Un mois plus tard, en avril 2020, une campagne de dénigrement en bonne et due forme était menée contre lui. La suite des événements, notamment l’effondrement du pays que rien ne semble pouvoir freiner, devait lui donner raison. «Le défaut de paiement a coupé le Liban de ses sources de financement», déplore Riad Salamé.

Le gouverneur déconstruit la campagne de diabolisation menée contre lui, visant un double objectif: faire assumer à ses politiques la responsabilité totale de l’effondrement dans lequel le pays est engagé et monter contre lui les déposants que l’État s’apprête à pénaliser. Sa force, il la puise dans les chiffres dont il dispose et qui, contrairement aux discours, ne mentent pas. «Je ne sais pas si c’est par ignorance ou par malveillance qu’on essaie de dévier les pertes vers la Banque centrale», commente Riad Salamé qui détaille les résultats d’un audit des comptes de la BDL, entre 2010 et 2021, pour expliquer comment l’État a ponctionné durant cette période 62 milliards de dollars frais à la Banque centrale. Autant de dépenses engagées, sans politique rationnelle des charges et sans réformes, sur base de lois promulguées à la pelle à la demande du gouvernement. Riad Salamé, qui s’était farouchement opposé à plusieurs dépenses engagées par l’Exécutif, dont notamment celles prévues pour la majoration des salaires de 2018 dans le secteur public, insiste sur ce point: les pertes sont strictement le résultat des dépenses exigées par le cabinet sur base de lois. «Ce ne sont pas des pertes de la Banque centrale, mais des pertes infligées à la banque centrale», explique-t-il. Il donne l’exemple des emprunts contractés, toujours sur base d’une législation, auprès de la BDL à 1% d’intérêt ou des lois promulgués pour que les autorités n’aient pas à payer des intérêts sur la dette que la BDL détient sur l’État.


«On essaie de dévier les pertes vers la Banque centrale, mais il y a aussi une déviation pour monter les déposants contre la BDL alors qu’elle appliquait les lois», insiste le gouverneur qui répond en ces termes à ceux qui lui reprochent d’avoir financé l’État: «Nous n’étions pas les seuls à le financer. Des organismes arabes et internationaux ont continué de le faire. Si on devait arrêter, tout le monde alors devait arrêter.» Et d’ajouter: «Entre 2017 et mars 2022, la BDL a remboursé aux banques des dollars frais. Nous avons remboursé en plus 24 milliards de dollars frais. Que personne ne vienne donc nous dire que c’est la BDL qui a perdu l’argent des déposants.»

Pour lui, ce dont le Liban a surtout besoin, c’est d’une «stabilité politique nécessaire pour relancer l’économie, parce que cette relance va ramener l’argent aux banques et donc aux déposants».

Concernant l’argent de ces derniers, il relève qu’il dépend du plan que le gouvernement adoptera. «Le plan actuel comprend de grandes lignes, mais pas de détails. Historiquement, il n’y pas eu dans le monde de programmes de redressement qui ont pénalisé les déposants du secteur bancaire d’un pays», en affirmant espérer que les autorités libanaises retiendront ce point dans leurs négociations avec le Fonds monétaire international. «L’intérêt du Liban est d’avoir un programme avec le FMI. Les déposants sont donc un peu à la merci des négociations entre le gouvernement et le FMI», constate Riad Salamé qui réaffirme son opposition à la vente de l’or et qui expose le mécanisme adopté par la BDL pour stabiliser le taux de change. Il confirme à ce propos que les réserves de la banque centrale sont de 11,8 milliards de dollars: «Nos réserves de 12 milliards sont toujours à ce niveau, précisément de 11,8 milliards. La dégradation de 200 millions est due au fait que dans nos réserves, il y a des euros et que la valeur de l’euro par rapport au dollar a baissé.»
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