Juliette Elamine, la plume qui interroge ses racines libanaises
Elle écrit depuis toute petite et aime un pays, le Liban, qu’elle a visité sans jamais y vivre. Juliette Elamine est une auteure franco-libanaise qui s’est lancée dans l’aventure de l’édition en tâtonnant. Elle se retrouve aujourd’hui éditée pour son ouvrage Le Nom de mon père- Essem abi qui a connu moult aventures avant cette dernière qui propulse le livre et son auteure dans le monde de la littérature, et ceci n’est qu’un début. Son ouvrage est déjà en librairie en France depuis le 9 juin et une séance de dédicace aura lieu le 16 juin à 19h30 à la librairie Les Champs magnétiques, 80, rue du rendez-vous, Paris 12e. Par ailleurs, Juliette Elamine collabore avec Ici Beyrouth à travers sa rubrique «Les chroniques de l’imaginaire». Entretien.

Comment est né votre amour pour l’écriture? 

J’écris depuis que je suis en âge de le faire. Cet amour a démarré grâce aux livres. Ma mère m’a plongée dedans enfant et m’a transmis le goût des mots, de la lecture, et progressivement, l’écriture s’est imposée à moi. Des poèmes d’enfant à la création d’un quotidien de nouvelles, à l’écriture d’une histoire pour enfants (restée inachevée) et jusqu’à un premier roman, à l’adolescence. Mon idole était Joséphine March et ses manuscrits écornés, qu’elle écrivait à la lueur de sa chandelle dans le grenier.

Vous êtes franco-libanaise née en France. Quelles sont vos relations avec vos racines libanaises? 

Je suis très attachée à mes racines libanaises qui ont toujours été une fierté, que je chéris précieusement. Le Liban m’inspire dans mon travail d’écriture. Mon père est libanais et ma mère française, je suis baignée dans cette double culture depuis l’enfance. J’ai découvert le Liban à 5 ans et demi et eu un véritable coup de foudre pour ce pays! J’aime tout de lui, son patrimoine, son climat, ses paysages, sa gastronomie (particulièrement!), sa langue roulante et séduisante, sa musique, ses traditions et son peuple si généreux et accueillant… Ma famille, à l’époque nombreuse à Beyrouth, m’a transmis cet amour pour le pays. Ils sont les racines mêmes de mon attachement au Liban. En France, notre vie a toujours été ce beau mélange franco-libanais.

J’ai connu le Liban merveilleux avec mes yeux de petite fille et, malgré tout ce qu’il traverse, bien trop pour un seul pays, son image demeure intacte et permet à l’espoir d'exister toujours en moi.

Votre roman Le Nom de mon père- Essem abi a connu plusieurs aventures, racontez-nous l’histoire de ce périple littéraire. 

Tout a commencé en 2006 lorsque la guerre des 33 jours a éclaté au Liban. J’étais âgée de 17 ans, je n’étais pas au Liban cet été-là, mais je me souviens de l’inquiétude et de la terreur ressenties pour les miens, pour mon pays. J’ai conscientisé ce que signifiait «guerre», j’ai commencé à comprendre beaucoup de choses au sujet du Liban, de son histoire complexe, de sa situation géographique délicate… Je l’ai d’abord compris grâce à mon père puis aux lectures qu’il m’a conseillées ou que j’ai dénichées.

Cet été là, pour exorciser la peur, j’ai commencé à écrire l’histoire d’un homme libanais contraint de fuir son pays à cause d’une guerre dont il ne voulait pas, qui le dépassait, qui allait tout lui prendre… J’ai écrit une dizaine de chapitres durant les vacances, puis j’ai laissé mon manuscrit de côté. Je n’avais plus suffisamment de temps et le baccalauréat à préparer. Mais je n’ai pas oublié l’histoire.

En août 2018, l’envie de la retrouver est revenue de façon fulgurante. Mais cette fois-ci, si le synopsis allait rester le même, je souhaitais lui donner une dimension particulière. J’ai voulu rendre hommage à l’histoire personnelle de mon père, en m’inspirant de ses récits, de ses souvenirs et de sa transmission de nos origines libanaises. J’ai alors librement transformé et dissimulé tout cela dans le roman.

Je m’y suis plongée sur chaque plage de temps libre et j’ai achevé le manuscrit en novembre 2020. Nous étions quelques mois après la double explosion du port de Beyrouth et le pays s’enfonçait dans une crise sans précédent depuis plusieurs mois déjà.

Même si j’avais soumis mon manuscrit à différentes maisons d’édition, j’ai décidé d’autoéditer mon roman et de verser les bénéfices des ventes que je réussirais à obtenir à une œuvre solidaire pour notre pays et son peuple. C’est ainsi qu’en cherchant, j’ai découvert les belles actions d’Omar Abodib et ses équipes à Étretat. D’abord «Ensemble pour Beyrouth» en mars 2020 puis la création du fonds de dotation Le Cèdre Solidarity, dans lequel je me suis vivement engagée, et l’opération «Mon cœur est au Liban». Nous avons voyagé au Liban dans ce cadre fin mars 2022.

Mon roman s'est frayé un joli chemin en autoédition et j’ai récolté environ 500 euros de dons. Puis un jour, Katia Kaloun, directrice éditoriale de la maison d’édition Frison-Roche Belles-lettres m’a contactée… Mon texte et mon engagement pour le Liban avaient touché le comité de lecture. Elle m'a fait l’honneur de me proposer un contrat d’édition… Après plusieurs semaines de travail éditorial, Le Nom de mon père est né une seconde fois. Publié chez une maison d’édition le 9 juin dernier, il est actuellement disponible dans toutes les librairies et les magasins culturels! Un rêve réalisé…


Bien sûr, je continuerai à verser une partie des bénéfices de mes ventes au Cèdre Solidarity, dans lequel mon engagement ne faiblit pas.

Votre nouvelle «La Dame du quatrième» a été récompensée par le Prix littéraire des abeilles de Guerlain, organisé par la maison Guerlain et les éditions du Cherche-Midi, et fait partie de l’ouvrage collectif intitulé Parfums d’amour. Parlez-nous de cette belle aventure. 

Une aventure magique! Une véritable parenthèse enchantée qui a donné un coup de pouce important à mon travail d’écriture et m’a donné le goût de l’effort et de la persévérance.

J’ai décidé de participer au concours dont le thème était «Parfums d’amour». J’étais alors en pleine écriture de mon deuxième roman et j’ai choisi de développer une nouvelle autour d’un personnage, secondaire dans le roman, mais qui aurait sa propre histoire dans la nouvelle. Ce personnage est «la dame du quatrième», titre de la nouvelle. Je me suis, comme toujours, inspirée du Liban. J’ai eu l’immense honneur d’être sélectionnée par un jury d’exception, aux côtés de 19 autres lauréats, parmi plus de 700 participants! Ma «Dame du quatrième» a alors été publiée par les éditions du Cherche-Midi.

Cette année, pour l’édition 2022 du concours, les éditrices du Cherche-Midi, Pom Bessot et Nathalie Courtois, m’ont proposé d’intégrer le jury et de participer au choix des nouvelles qui figureront dans le recueil Jardin secret. Je les remercie de tout cœur car c’est une expérience enrichissante et extraordinaire.



Quels sont vos projets pour le futur proche? 

Pour le moment, je me concentre sur les multiples projets que j’essaie de monter autour de mon premier roman. Ce temps de promotion est important et c’est un véritable voyage littéraire! Je devrais intervenir auprès de collégiens et lycéens, dans le cadre d’ateliers de lecture et d'écriture, et d’ateliers créatifs basés sur mon texte. Plusieurs intervenants très intéressants se joignent à moi et cela promet d’être passionnant! Je souhaite tisser un lien franco-libanais, franco-oriental, franco-arabe… Je veux continuer à valoriser le Liban grâce à mon texte et mes engagements.

J’écris toujours des romans. Je travaille encore le deuxième, un premier jet est né, mais il mérite d’être repris et repensé. Il n’a rien à voir avec Le Nom de mon père, c’est une histoire et une construction différentes. J’ai l’espoir de le voir publié également.

J’aime toujours écrire des nouvelles et je poursuis mon travail d’écriture des «Chroniques de l’imaginaire» pour Ici Beyrouth, chaque quinzaine.

Enfin, je suis engagée avec Le Cèdre Solidarity et je continue les actions solidaires avec Omar Abodib et toutes ses équipes du Cèdre Hospitality, basées à Étretat. Nous préparons déjà le prochain voyage en 2023.

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