Il fallait réparer des cassures, des blessures, des désillusions, trois années de réclusions entre pandémie, Beyrouth atomisée et j’en passe.
Sortir de prison est plus difficile que d’y entrer: on s’accoutume à renoncer, à supporter nos boulets, à s’accommoder du pire, de pire en pire… cette pente vertigineuse vers un néant consternant, il devenait aisé de l’accepter comme une fatalité incontournable.
Il y a eu bien sûr l’effervescence fugace des législatives et une presque victoire qui nous a renvoyés à nos chaînes. La révolution a bon dos. À l’heure des choix cruciaux, certains Judas ont pactisé avec le diable. À un vote près. Tout est redevenu comme avant, comme toujours…
Parce que l’espoir du «changement» nous a bluffés pour quelques courts jours. Mais voilà que nous tournons de nouveau en rond avec les mêmes qui font les compromissions qui les arrangent, en se servant du citoyen lambda comme une proie de guerre. Il faut dire que les dents des charognards sont bien aiguisées.
La sortie de cet enfer s’est faite dans la douleur au sens propre du terme: dos bloqué, nuit blanche, envie de tout laisser tomber… un peu comme quelqu’une qui avait perdu l’usage de ses jambes et qui devait réapprendre à marcher… au soleil, à l’air libre, sans masque…
Il y avait trois énormes chocs partagés avec mes concitoyens à reléguer, l’espace d’un voyage, à la salle d’attente de la mémoire: la pandémie, la tragédie libanaise, l’atomisation de Beyrouth.
Il y avait, sur le plan personnel, des deuils qui ne seront jamais dépassés…
Arriver enfin à Napoli qui a accueilli une blessée de la vie en morceaux. Un puzzle d’émotions à rassembler. La tâche était dure.
Mais le miracle a opéré. Le faiseur de miracles s’appelle Gabriele Di Grezia, mon «fratello» napolitain. Celui qui me reçoit à sa casa comme si j’étais la reine de son royaume Nel Regno di Napoli.
Vue de la terrasse de "Nel Regno di Napoli"
Ce B&B, nous l’avions découvert en 2017 et avons adoré cette famille napolitaine si chaleureuse. Si généreuse. Si aimante. Ce qui a été fait pour moi, personne ne me l’avait donné avant sans rien attendre en retour.
Il est vrai que j’avais fait connaître ce B&B à mes amies qui sont tombées sous le charme, elles aussi, au point de qualifier leur séjour comme leur «plus beau voyage jamais effectué».
Il existe des rencontres avec des êtres de lumière, Gabriele fait partie de ces êtres-là: donnant sans compter, même à des étrangers. Serviable, bienveillant, régnant sur son royaume comme un roi qui traite ses sujets en égal.
Gabriele Di Grezia
Durant dix jours, tout ce qui m’a été pris durant ses trois dernières années m’a été rendu au centuple. Tout était organisé pour recoudre une à une mes plaies…
On dit souvent qu’on a le luxe de choisir ses amis, alors que la famille nous est imposée. Que dire d’un ami qui est devenu au fil des années plus qu’un membre de ma famille, mon étoile du berger qui veille sur les siens en 3D depuis son Vésuve qui lui offre une vision du bonheur à 360 degrés, sans angle mort… ce bonheur qu’il donne, m’arrachant un sourire, puis un rire jusqu’aux larmes… et me faire oublier les sévices, les privations, les manques, le pays-prison… faire en sorte d’entrouvrir la porte sur des possibles et surtout me convaincre de laisser une grande partie de mes bagages sur place…
Quitter Napoli, pour une fois, s’est fait sans une pointe de tristesse, sans un pincement de cœur, parce que je sais que je vais revenir pour un événement heureux qui prend déjà forme (grâce à Gabriele)…
Et puis, me dire que même si l’événement n’aurait pas lieu, repartir quand même pour quelques jours, histoire de ramener la partie de moi qui est restée là-bas… Rêver les yeux ouverts sur les beautés de ma ville de cœur, apprendre les insultes napolitaines, sauter de joie après avoir trouvé un coiffeur aussi calé que les figaros libanais que je pensais uniques au monde. Lui confier mes racines et comprendre enfin que ces racines-là, parfaitement colorées, sont celles qui se sont lentement mais sûrement détachées de mon pays de naissance pour m’ouvrir à des horizons que tout être humain digne de ce nom mérite de contempler, et pourquoi pas de s’y ancrer… Il est écrit dans le grand livre de la vie que certaines rencontres sont en réalité des retrouvailles…
À ma famille napolitaine, ma reconnaissance doublée d’une gratitude aussi infinie que le bleu de Capri, que le parc thermal d’Ischia, que le panorama de Ravello qui est déjà consigné pour être mon ultime demeure… et surtout, pour les aubes du Vésuve jusqu’aux crépuscules sur Napoli, à contempler sans modération, comme les couchers du Petit Prince, sans jamais en être rassasiée… Pour tout cela, grazie mille, la vita è bellissima!
Sortir de prison est plus difficile que d’y entrer: on s’accoutume à renoncer, à supporter nos boulets, à s’accommoder du pire, de pire en pire… cette pente vertigineuse vers un néant consternant, il devenait aisé de l’accepter comme une fatalité incontournable.
Il y a eu bien sûr l’effervescence fugace des législatives et une presque victoire qui nous a renvoyés à nos chaînes. La révolution a bon dos. À l’heure des choix cruciaux, certains Judas ont pactisé avec le diable. À un vote près. Tout est redevenu comme avant, comme toujours…
Parce que l’espoir du «changement» nous a bluffés pour quelques courts jours. Mais voilà que nous tournons de nouveau en rond avec les mêmes qui font les compromissions qui les arrangent, en se servant du citoyen lambda comme une proie de guerre. Il faut dire que les dents des charognards sont bien aiguisées.
La sortie de cet enfer s’est faite dans la douleur au sens propre du terme: dos bloqué, nuit blanche, envie de tout laisser tomber… un peu comme quelqu’une qui avait perdu l’usage de ses jambes et qui devait réapprendre à marcher… au soleil, à l’air libre, sans masque…
Il y avait trois énormes chocs partagés avec mes concitoyens à reléguer, l’espace d’un voyage, à la salle d’attente de la mémoire: la pandémie, la tragédie libanaise, l’atomisation de Beyrouth.
Il y avait, sur le plan personnel, des deuils qui ne seront jamais dépassés…
Arriver enfin à Napoli qui a accueilli une blessée de la vie en morceaux. Un puzzle d’émotions à rassembler. La tâche était dure.
Mais le miracle a opéré. Le faiseur de miracles s’appelle Gabriele Di Grezia, mon «fratello» napolitain. Celui qui me reçoit à sa casa comme si j’étais la reine de son royaume Nel Regno di Napoli.
Vue de la terrasse de "Nel Regno di Napoli"
Ce B&B, nous l’avions découvert en 2017 et avons adoré cette famille napolitaine si chaleureuse. Si généreuse. Si aimante. Ce qui a été fait pour moi, personne ne me l’avait donné avant sans rien attendre en retour.
Il est vrai que j’avais fait connaître ce B&B à mes amies qui sont tombées sous le charme, elles aussi, au point de qualifier leur séjour comme leur «plus beau voyage jamais effectué».
Il existe des rencontres avec des êtres de lumière, Gabriele fait partie de ces êtres-là: donnant sans compter, même à des étrangers. Serviable, bienveillant, régnant sur son royaume comme un roi qui traite ses sujets en égal.
Gabriele Di Grezia
Durant dix jours, tout ce qui m’a été pris durant ses trois dernières années m’a été rendu au centuple. Tout était organisé pour recoudre une à une mes plaies…
On dit souvent qu’on a le luxe de choisir ses amis, alors que la famille nous est imposée. Que dire d’un ami qui est devenu au fil des années plus qu’un membre de ma famille, mon étoile du berger qui veille sur les siens en 3D depuis son Vésuve qui lui offre une vision du bonheur à 360 degrés, sans angle mort… ce bonheur qu’il donne, m’arrachant un sourire, puis un rire jusqu’aux larmes… et me faire oublier les sévices, les privations, les manques, le pays-prison… faire en sorte d’entrouvrir la porte sur des possibles et surtout me convaincre de laisser une grande partie de mes bagages sur place…
Quitter Napoli, pour une fois, s’est fait sans une pointe de tristesse, sans un pincement de cœur, parce que je sais que je vais revenir pour un événement heureux qui prend déjà forme (grâce à Gabriele)…
Et puis, me dire que même si l’événement n’aurait pas lieu, repartir quand même pour quelques jours, histoire de ramener la partie de moi qui est restée là-bas… Rêver les yeux ouverts sur les beautés de ma ville de cœur, apprendre les insultes napolitaines, sauter de joie après avoir trouvé un coiffeur aussi calé que les figaros libanais que je pensais uniques au monde. Lui confier mes racines et comprendre enfin que ces racines-là, parfaitement colorées, sont celles qui se sont lentement mais sûrement détachées de mon pays de naissance pour m’ouvrir à des horizons que tout être humain digne de ce nom mérite de contempler, et pourquoi pas de s’y ancrer… Il est écrit dans le grand livre de la vie que certaines rencontres sont en réalité des retrouvailles…
À ma famille napolitaine, ma reconnaissance doublée d’une gratitude aussi infinie que le bleu de Capri, que le parc thermal d’Ischia, que le panorama de Ravello qui est déjà consigné pour être mon ultime demeure… et surtout, pour les aubes du Vésuve jusqu’aux crépuscules sur Napoli, à contempler sans modération, comme les couchers du Petit Prince, sans jamais en être rassasiée… Pour tout cela, grazie mille, la vita è bellissima!
Lire aussi
Commentaires