©«Parfum de fleurs » - Zeina Nader
Nous le croyions éternel. Nous étions convaincus qu’il ne nous quitterait jamais. L'homme aux 104 printemps savait refleurir son jardin de tant de beaux plants de roses, de gardénias et de fleurs d’oranger qui embaumaient l’atmosphère et qui sèment encore à tous les vents du bonheur.
Il était immense. Né en 1918, durant l'Empire ottoman, il avait survécu à toutes les guerres. Il avait enjambé tous les drames. Il avait été témoin du Liban et de sa gloire. Et il avait vu le Liban souffrir.
Henri Moussalli, mon grand-père, était aussi le grand-père de tous mes amis. Il était un siècle entier, une encyclopédie ambulante, l’érudit et l'homme humble, mais surtout le grand banquier qui jonglait avec les chiffres… au temps où la livre libanaise avait sa valeur, dans un Liban serein.
Il avait quitté Beyrouth en 1971 pour venir construire sa maison familiale à Kfarhbab, dans la banlieue du Kesrouan, ce village qu’il fallait atteindre, à l’époque, en empruntant un sentier de chèvre.
Je grandis dans cette maison. J'appris à humer le parfum des fleurs. J'écoutais les gazouillis des oiseaux à l’aube et j’y admirais les plus merveilleux soleils couchants sur la baie de Jounieh.
Henri Moussalli faisait le trajet tous les jours jusqu’à Beyrouth pour aller à la banque qu'il dirigeait. La guerre avait commencé et les ennuis aussi. Mais il était téméraire. Il bravait les obstacles, les francs-tireurs, les voitures piégées et toutes les horreurs. Il aimait la vie.
Il revenait s'occuper de son jardin. Il cultivait les plantes les plus belles, il offrait des roses à ma grand-mère qui s'inquiétait tellement.
Nous mangions les avocats les plus savoureux, les mangues les plus sucrées, les clémentines les plus juteuses. Son jardin était son domaine. Sa passion.
Plus tard, il prit sa retraite et il posa la première pierre de l’église de Notre-Dame de la Paix à Kfarhbab. Il ne voulait pas mourir avant d'y assister à la première messe. Il avait acheté le terrain, suivi tous les travaux de près. Ce projet était son dernier rêve.
À son 99e anniversaire, il inaugura l’église avec une joie contenue. Doyen et fidèle croyant, il avait attendu de longues années pour assister à cet événement.
Et il célébra son centenaire un an plus tard, entouré de ses enfants, neveux, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Il souffla 100 bougies, debout sur ses deux jambes, avec tous ses esprits, sa culture et surtout son sens de l'humour.
Il eut 104 ans et jusqu’à la dernière minute, il fut notre grand-père, un homme unique en son genre, un cerveau brillant et lucide, un pilier, un siècle d’amour.
Celui qui était éternel a finalement décidé de partir vers de meilleurs cieux.
Il a quitté son jardin en toute dignité, il est remonté à l’église qu’il a bâtie. Il nous a laissé des effluves de jasmin, le parfum d'une rose rare, des souvenirs par milliers.
www.zeinanader.com
Il était immense. Né en 1918, durant l'Empire ottoman, il avait survécu à toutes les guerres. Il avait enjambé tous les drames. Il avait été témoin du Liban et de sa gloire. Et il avait vu le Liban souffrir.
Henri Moussalli, mon grand-père, était aussi le grand-père de tous mes amis. Il était un siècle entier, une encyclopédie ambulante, l’érudit et l'homme humble, mais surtout le grand banquier qui jonglait avec les chiffres… au temps où la livre libanaise avait sa valeur, dans un Liban serein.
Il avait quitté Beyrouth en 1971 pour venir construire sa maison familiale à Kfarhbab, dans la banlieue du Kesrouan, ce village qu’il fallait atteindre, à l’époque, en empruntant un sentier de chèvre.
Je grandis dans cette maison. J'appris à humer le parfum des fleurs. J'écoutais les gazouillis des oiseaux à l’aube et j’y admirais les plus merveilleux soleils couchants sur la baie de Jounieh.
Henri Moussalli faisait le trajet tous les jours jusqu’à Beyrouth pour aller à la banque qu'il dirigeait. La guerre avait commencé et les ennuis aussi. Mais il était téméraire. Il bravait les obstacles, les francs-tireurs, les voitures piégées et toutes les horreurs. Il aimait la vie.
Il revenait s'occuper de son jardin. Il cultivait les plantes les plus belles, il offrait des roses à ma grand-mère qui s'inquiétait tellement.
Nous mangions les avocats les plus savoureux, les mangues les plus sucrées, les clémentines les plus juteuses. Son jardin était son domaine. Sa passion.
Plus tard, il prit sa retraite et il posa la première pierre de l’église de Notre-Dame de la Paix à Kfarhbab. Il ne voulait pas mourir avant d'y assister à la première messe. Il avait acheté le terrain, suivi tous les travaux de près. Ce projet était son dernier rêve.
À son 99e anniversaire, il inaugura l’église avec une joie contenue. Doyen et fidèle croyant, il avait attendu de longues années pour assister à cet événement.
Et il célébra son centenaire un an plus tard, entouré de ses enfants, neveux, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Il souffla 100 bougies, debout sur ses deux jambes, avec tous ses esprits, sa culture et surtout son sens de l'humour.
Il eut 104 ans et jusqu’à la dernière minute, il fut notre grand-père, un homme unique en son genre, un cerveau brillant et lucide, un pilier, un siècle d’amour.
Celui qui était éternel a finalement décidé de partir vers de meilleurs cieux.
Il a quitté son jardin en toute dignité, il est remonté à l’église qu’il a bâtie. Il nous a laissé des effluves de jasmin, le parfum d'une rose rare, des souvenirs par milliers.
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