Aujourd’hui, vendredi 1er juillet, s’achève temporairement le travail du tribunal international chargé de juger les auteurs de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005, et des attentats connexes. Il passe en phase résiduelle. En pratique, la procédure sera suspendue jusqu’à nouvel ordre, pour raison déclarée de manque de financements. Mais pourquoi les donateurs, à majorité internationaux, n’ont-ils pas souhaité la poursuite de la procédure?

Le TSL a-t-il déçu?

Le procès Hariri a abouti à la condamnation par contumace à perpétuité de trois des cinq accusés, réduits à quatre, après la mort déclarée de l’un d’eux, Moustafa Badreddine, en 2016.

Le verdict en appel condamne deux accusés, en plus d’un premier condamné seul en première instance ; il valide en outre la thèse d’une association de malfaiteurs et établit que le réseau "vert" (l’un des cinq réseaux ou groupes de téléphonie mobile décodés autour du lieu de l’attentat) était un réseau secret du Hezbollah: sa principale mission était de commanditer l’attaque; ses membres étaient Ayyash et Merhi, agissant sous la direction de Badreddine, que les juges ont reconnu comme chef militaire du Hezbollah en 2004 et 2005.

Les juges à La Haye avaient d’emblée les mains liées par un statut qui les empêche de juger des partis ou des États. Il a donc fallu que le procureur du TSL prouve le lien entre les accusés et le Hezbollah pour refléter toute la portée politique de l’assassinat.

Mais aurait-il pu faire plus, en poursuivant, par exemple, des responsables hiérarchiques du parti?

Le lien établi entre les accusés et le Hezbollah par les juges du TSL est-il suffisamment descriptif de la portée du crime? Quel effet juridique donner à ce jugement? Et sur quoi les Libanais peuvent-ils compter pour l’exécution de la sentence, à laquelle le Hezbollah s’emploie à faire obstruction, avec un laisser-faire complice ou réaliste des autorités libanaises?

Le TSL a-t-il fini par être rattrapé par la tendance au compromis des parties politiques Libanaises elles-mêmes à l’égard du Hezbollah?

Qu’est-ce que les victimes, ayant bénéficié d’une représentation au procès, ont-elles à dire?

Le TSL qui juge pour la première fois le terrorisme en tant que crime international distinct aurait-il fourni les éléments d’une coopération internationale renforcée contre ce crime?


Si c’est le cas, comment expliquer la suspension de ses travaux?

Le député du Chouf et ancien ministre Marwan Hamadé, lui-même victime d’une tentative d’assassinat le 1er octobre 2004, lequel a failli faire l’objet d’un procès devant le TSL, annulé in extremis, et le professeur de Droit, Ibrahim Najjar, ministre de la Justice de 2005 à 2008, se prononcent sur les affres de la genèse du TSL et commentent un jugement obtenu «au forceps».

Pour Marwan Hamadé, «c’est clair, c’est Hassan Nasrallah (secrétaire général du Hezbollah, ndlr) qui est devant nous le principal accusé. Le simple fait qu’il ne livre pas, ni n’autorise de signifier à ces accusés les actes parus à leur encontre, montre bien que c’est lui le commanditaire, le chef des opérations et peut-être le cerveau avec les Iraniens et les Syriens de cet assassinat».

Pour Ibrahim Najjar, le verdict rendu est «une présomption irréfragable de vérité», mais qui ne nous dit pas tout.

En outre, les deux invités reviennent sur l’obstruction de l’enquête internationale par des ministres du Courant patriotique libre, allié du Hezbollah, et les épisodes de blocage de l’Exécutif, comme la chute du gouvernement d’union nationale de Saad Hariri en janvier 2011, orchestré par le Hezbollah.

Des épisodes révélateurs, selon les invités, d’une crainte avérée du parti chiite de voir la justice internationale prendre son cours.

Parmi les « pièges » utilisés pour discréditer le TSL, Ibrahim Najjar revient sur la polémique des « faux-témoins » présumés de septembre 2010, alimentée par des médias du Hezbollah. Selon eux, ces témoins présumés auraient fait des déclarations erronées conduisant à l’arrestation prolongée de quatre officiers libanais. Le Hezbollah avait appelé à les juger pour faux témoignage devant la justice libanaise, sans que celle-ci n’ait compétence en la matière. Son objectif était de contourner la compétence du TSL dans l’affaire Hariri. La polémique ne sera jamais utilisée comme argument par la défense, trahissant ainsi le caractère infondé de toute la campagne du Hezbollah, comme l’indique le professeur Najjar en marge de l’émission.

La menace que constitue le parti armé aurait réussi aussi à intimider les procureurs du TSL, constate-t-il.

Et si le TSL a malgré tout prononcé un verdict, qui attend d'être exécuté, la question qui se pose désormais est de savoir, in fine, « si le Liban sera ou non un pays de justice ».
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