Dire que le visionnage de « 120 battements par minute » m’a profondément chamboulée serait un euphémisme...
Le film a réveillé en moi les souvenirs de ma lutte personnelle pour faire du Sida un problème de santé publique au Liban (en sensibilisant le ministère de la Santé de l’époque qui avait à sa tête l’exceptionnel être humain qu’est Marwan Hamadé) puisque je faisais partie des membres fondateurs de « SOS Sida » (une ONG libanaise) à la même époque où « Act Up » menait sa bataille un peu partout dans le monde et où l’AZT était le seul traitement (aux effets secondaires pénibles !) disponible pour traiter ce fléau, et que les firmes pharmaceutiques peinaient à mettre à la disposition des malades, des molécules mieux tolérées et plus efficaces.
Évidemment à cette période-là, le Sida au Liban était synonyme de honte et de tabou. Même dans les rares hôpitaux qui recevaient les malades, les chambres étaient isolées et les malades presque en quarantaine.
Il a fallu se battre contre des préjugés, expliquer que le Sida ne se contractait pas en serrant la main à un séropositif. Que vivre avec un séropositif était tout à fait possible, qu’il suffisait de quelques règles d’hygiène basiques à assurer. Il a fallu aussi sensibiliser les jeunes dans les écoles, encourager le port du préservatif qui est et reste l’unique moyen de prévention contre le SIDA. Les spots télévisés de notre campagne avaient choqué le pays. Montrer un préservatif pendant 30 secondes sur le petit écran (avec une voix off explicative) était à l’époque un acte révolutionnaire ! Ensuite, l’État a pris les choses en mains et du coup, nous nous sommes retirés en douce après un grand tapage médiatique et un travail sur le terrain de plus de trois ans !
J’avais même réussi le tour de force de ramener le film de Cyril Collard « Les nuits fauves » sans qu’il ne soit censuré puisque pas de demande de sous- titrage ! Je me souviens de mon angoisse (à l’idée qu’il soit interdit) lorsqu’il avait passé une nuit à la sûreté générale sans que personne n’y trouve au final quoique ce soit de "dérangeant" et pourtant !
Il y avait eu deux projections : une au cinéma la Sagesse et une autre à la Cité à Jounieh. Les spectateurs étaient debout ! Un succès fou !
Pour revenir au sujet de ce billet, à savoir le film, il montre au plus près la bouleversante réalité des débuts du Sida en France et la difficulté à se faire entendre et à se faire soigner. Il dénonce aussi la stigmatisation des homosexuels qui avaient été les premiers à en être atteints, et rappelle l’horreur du scandale du sang contaminé.
Aujourd’hui l’épidémie est en net recul chez les homos et touche davantage les hétérosexuels et les drogués (en dépit de la vente libre des seringues à usage unique et jetable)...
Le message subliminal de ce film reste le suivant : l’amour est UN quel que soit le sexe des amoureux, la souffrance est UNE, quelle que soit la manière par laquelle le HIV a été contracté.
Enfin, c’est grâce à la pression de la rue, exercée par des ONG comme "Act Up", "Aides", et beaucoup d’autres, que les chercheurs ont réussi à mettre en place la trithérapie qui permet aujourd’hui aux malades du Sida d’avoir un pronostic vital presque ‘normal’.
Ceci dit, il est triste de constater qu’au Liban, les jeunes et les moins jeunes ne pensent pas à se protéger, mais sont davantage préoccupés par les moyens de contraception, ce qui est suicidaire au moment où les MST sont en plein boum !
Le synopsis
Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean qui consume ses dernières forces dans l’action.
Date de sortie : 23 août 2017
Scénariste et réalisateur : Robin Campillo
Acteurs : Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel
Grand prix du jury de Cannes 2017
https://www.youtube.com/watch?v=AFXChS5onW0
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