Lorsqu’en 2012, Mgr Nasser Gemayel prenait en charge son éparchie, la France ne comptait que trois paroisses pour les maronites. Dès 2019, la France comprenait déjà plus d’une vingtaine de paroisses et missions maronites, un centre culturel, et même une abbaye médiévale pour la création d’une mission à Lourdes.
Il s’agit d’un évêché pas comme les autres depuis qu’en 2012, le pape Benoît XVI avait décidé d’ériger une éparchie pour les maronites de France et d’y nommer à sa tête le grand érudit Nasser Gemayel. Depuis cet instant, la communauté a connu une profusion d’églises, de paroisses et de missions de manière ininterrompue.
Cartographie de l’éparchie maronite de France en 2021.
L’éparque maronite de France
Nasser Gemayel qui, à son ordination a pris le nom de Maroun, est originaire comme Sainte Rafka, de la région de Hemléya. Il est de Aïn-Kharoubé plus précisément, un très modeste et humble village du Mont-Liban dont le nom signifie la source du caroubier. Professeur à l’Université libanaise, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, polyglotte, versé en syriaque et écrivant aussi bien en français qu’en arabe, il s’était notamment spécialisé dans les relations entre les maronites et l’Europe. Il avait composé à cet effet des ouvrages de référence sur les savants du Collège maronite de Rome.
Cet infatigable chercheur allait se retrouver en charge de l’éparchie de France qui comptait 80.000 fidèles maronites. Il aura à assumer également la responsabilité de visiteur apostolique pour l’Europe septentrionale et occidentale comptant 20.000 maronites. Ces chiffres se sont considérablement multipliés depuis l’effondrement économique et l’explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020.
Mgr Nasser Gemayel remettant ses ouvrages au pape François. ©Pressreader
Tout était à créer
Lorsqu’en 2012, Mgr Gemayel prenait en charge son éparchie, la France ne comptait que trois paroisses pour les maronites. Ces derniers ne disposaient même pas de siège épiscopal et l’évêque était contraint de domicilier, dans un premier temps, à la paroisse Notre-Dame-du-Liban à Paris. Sans aucune ressource financière et muni de ses maigres revenus de professeur retraité de l’Université libanaise, il avait commencé à rassembler les fidèles et à préparer l’impossible. Armé d’une foi inébranlable et d’une grande humilité, il a fait revivre à son équipe le miracle de la multiplication des cinq pains et des deux poissons. Dès 2019, la France comprenait déjà plus d’une vingtaine de paroisses et missions maronites, un centre culturel et même une abbaye médiévale pour la création d’une mission à Lourdes.
La première étape nécessaire et incontournable était l’établissement du siège épiscopal maronite. Pour reprendre aussi bien l’évêque que Charles Malik, qui ne croit pas au hasard, c’est la Providence qui a bien fait les choses. Mgr Gemayel a réussi à acheter l’ancien couvent des sœurs Ursulines de Jésus à Meudon, dont l’adresse n’est autre que la Villa des Cèdres, rue Ernest Renan, auteur de la Mission de Phénicie. Ce nouveau siège sera baptisé du nom de Beit-Maroun.
L’Église suit ses fidèles
Après le siège épiscopal, commence la mise en place de dizaines de paroisses, et la création à Boulogne Billancourt, du collège trilingue Mar Maroun, en partenariat avec Notre-Dame de Jamhour au Liban. Les projets de cet évêque pionnier et visionnaire se réalisent progressivement avec la fondation d’un centre culturel et de conférences auprès de la paroisse maronite du Saint-Sauveur-Mar-Maroun, acquise en 2018 à Issy-les-Moulineaux. Comme tous ses projets, il est destiné autant aux maronites qu’à tous les chrétiens orientaux en Europe.
En une dizaine d’années à peine, entre 2012 et 2022, il a réussi le pari d’établir des paroisses à Aix-en-Provence, Alfortville, Angers, Bordeaux, Issy-les-Moulineaux, Lyon, Marseille, Paris et Suresnes. De plus, il fonde une quinzaine de missions à Clermont-Ferrand, Cluses, Le Mans, Lille, Lourdes, Montigny les Bretonneux, Montpelier, Nancy, Nantes, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Tours, Valence et Val d’Oise.
Mgr Gemayel souligne à Ici Beyrouth que le devoir de l’Église est de suivre son peuple. Son Église est née en Orient et elle est sortie de cet Orient sans pour autant abandonner sa vocation. Pour lui, il y a, certes, la foi, mais il y a aussi la culture, et celle-ci fait défaut, et c’est là que se situe une grande partie de sa mission. Son diocèse est un grand chantier, dit-il, au service du peuple et de la jeunesse. Ses paroisses seront des ambassades pour soutenir le Liban et tous ceux qui sont restés pour y assurer la présence et le message chrétien.
Le grand chantier construit les églises de paroisses mais aussi la société. Il s’est traduit par le lancement d’un synode diocésain maronite qui a vu arriver les prêtres et séminaristes maronites disséminés à travers l’Europe. Le synode a permis la participation de laïcs venus de France, de Grande-Bretagne, de Suède, d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. Plus qu’une série de lieux de culte, cette œuvre concerne une communauté vivante.
Un apport pour l’Europe
Pour Mgr Gemayel, la présence maronite en Europe devrait se transformer en un message. Dans son entretien avec Ici Beyrouth, il rappelle l’expérience vieille de 1.400 ans entre les maronites et l’islam. Les maronites ont appris à connaître les musulmans et ont été jusqu’à apprendre leur langue, l’écrire et l’enrichir. Ils ont lu le Coran et ont cherché la rencontre partout où cela se faisait possible. Ils ont fait de la fête de l’Annonciation le symbole de ce rapprochement. L’éparque maronite de France est convaincu que c’est en cela que son Église pourrait servir l’Occident.
«L’Europe, dans l’aridité de sa laïcité, dit-il, n’a pas pu intégrer l’islam». L’expérience maronite au Levant qui, pendant 13 siècles, a appris à connaître l’Autre, devrait profiter à l’Europe. Dans la rencontre entre les deux cultures musulmane et chrétienne, l’Église de Saint-Maron s’est adonnée à la recherche constante des valeurs communes de l’humanité. Parce que l’altérité consiste à accepter l’Autre dans toutes ses différences, la rencontre devrait se réaliser à tous les niveaux et selon toutes les approches, sociale, religieuse, politique, culturelle et spirituelle. «Au Liban, nous sommes conscients que nos conceptions de la Sainte Vierge diffèrent fondamentalement, précise encore Mgr Gemayel. Et pourtant, il reste qu’elle est honorée par les deux religions à la fois, et c’est cette dimension qui compte parmi toutes les autres, car elle permet la rencontre dans la différence.» L’évêque maronite de France en est convaincu, le christianisme oriental installé en Occident pourrait réussir là où la laïcité a failli.
Authenticité et mission
Par le choix de sa devise épiscopale «Authenticité et mission», Mgr Gemayel nous invite à demeurer attachés à notre identité antiochienne, syriaque et maronite, tout en nous engageant dans la dynamique de la projection vers l’avenir. Il nous invite à l’insertion dans les sociétés occidentales sans perdre les valeurs et spécificités du christianisme oriental. Cette devise est également celle de l’association culturelle éponyme qui va concrétiser le grand «projet de la vie» de l’évêque par l’acquisition, en 2017, de l’abbaye médiévale de Saint-Pé près du sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes.
Il s’agit d’un évêché pas comme les autres depuis qu’en 2012, le pape Benoît XVI avait décidé d’ériger une éparchie pour les maronites de France et d’y nommer à sa tête le grand érudit Nasser Gemayel. Depuis cet instant, la communauté a connu une profusion d’églises, de paroisses et de missions de manière ininterrompue.
Cartographie de l’éparchie maronite de France en 2021.
L’éparque maronite de France
Nasser Gemayel qui, à son ordination a pris le nom de Maroun, est originaire comme Sainte Rafka, de la région de Hemléya. Il est de Aïn-Kharoubé plus précisément, un très modeste et humble village du Mont-Liban dont le nom signifie la source du caroubier. Professeur à l’Université libanaise, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, polyglotte, versé en syriaque et écrivant aussi bien en français qu’en arabe, il s’était notamment spécialisé dans les relations entre les maronites et l’Europe. Il avait composé à cet effet des ouvrages de référence sur les savants du Collège maronite de Rome.
Cet infatigable chercheur allait se retrouver en charge de l’éparchie de France qui comptait 80.000 fidèles maronites. Il aura à assumer également la responsabilité de visiteur apostolique pour l’Europe septentrionale et occidentale comptant 20.000 maronites. Ces chiffres se sont considérablement multipliés depuis l’effondrement économique et l’explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020.
Mgr Nasser Gemayel remettant ses ouvrages au pape François. ©Pressreader
Tout était à créer
Lorsqu’en 2012, Mgr Gemayel prenait en charge son éparchie, la France ne comptait que trois paroisses pour les maronites. Ces derniers ne disposaient même pas de siège épiscopal et l’évêque était contraint de domicilier, dans un premier temps, à la paroisse Notre-Dame-du-Liban à Paris. Sans aucune ressource financière et muni de ses maigres revenus de professeur retraité de l’Université libanaise, il avait commencé à rassembler les fidèles et à préparer l’impossible. Armé d’une foi inébranlable et d’une grande humilité, il a fait revivre à son équipe le miracle de la multiplication des cinq pains et des deux poissons. Dès 2019, la France comprenait déjà plus d’une vingtaine de paroisses et missions maronites, un centre culturel et même une abbaye médiévale pour la création d’une mission à Lourdes.
La première étape nécessaire et incontournable était l’établissement du siège épiscopal maronite. Pour reprendre aussi bien l’évêque que Charles Malik, qui ne croit pas au hasard, c’est la Providence qui a bien fait les choses. Mgr Gemayel a réussi à acheter l’ancien couvent des sœurs Ursulines de Jésus à Meudon, dont l’adresse n’est autre que la Villa des Cèdres, rue Ernest Renan, auteur de la Mission de Phénicie. Ce nouveau siège sera baptisé du nom de Beit-Maroun.
L’Église suit ses fidèles
Après le siège épiscopal, commence la mise en place de dizaines de paroisses, et la création à Boulogne Billancourt, du collège trilingue Mar Maroun, en partenariat avec Notre-Dame de Jamhour au Liban. Les projets de cet évêque pionnier et visionnaire se réalisent progressivement avec la fondation d’un centre culturel et de conférences auprès de la paroisse maronite du Saint-Sauveur-Mar-Maroun, acquise en 2018 à Issy-les-Moulineaux. Comme tous ses projets, il est destiné autant aux maronites qu’à tous les chrétiens orientaux en Europe.
En une dizaine d’années à peine, entre 2012 et 2022, il a réussi le pari d’établir des paroisses à Aix-en-Provence, Alfortville, Angers, Bordeaux, Issy-les-Moulineaux, Lyon, Marseille, Paris et Suresnes. De plus, il fonde une quinzaine de missions à Clermont-Ferrand, Cluses, Le Mans, Lille, Lourdes, Montigny les Bretonneux, Montpelier, Nancy, Nantes, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Tours, Valence et Val d’Oise.
Mgr Gemayel souligne à Ici Beyrouth que le devoir de l’Église est de suivre son peuple. Son Église est née en Orient et elle est sortie de cet Orient sans pour autant abandonner sa vocation. Pour lui, il y a, certes, la foi, mais il y a aussi la culture, et celle-ci fait défaut, et c’est là que se situe une grande partie de sa mission. Son diocèse est un grand chantier, dit-il, au service du peuple et de la jeunesse. Ses paroisses seront des ambassades pour soutenir le Liban et tous ceux qui sont restés pour y assurer la présence et le message chrétien.
Le grand chantier construit les églises de paroisses mais aussi la société. Il s’est traduit par le lancement d’un synode diocésain maronite qui a vu arriver les prêtres et séminaristes maronites disséminés à travers l’Europe. Le synode a permis la participation de laïcs venus de France, de Grande-Bretagne, de Suède, d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. Plus qu’une série de lieux de culte, cette œuvre concerne une communauté vivante.
Un apport pour l’Europe
Pour Mgr Gemayel, la présence maronite en Europe devrait se transformer en un message. Dans son entretien avec Ici Beyrouth, il rappelle l’expérience vieille de 1.400 ans entre les maronites et l’islam. Les maronites ont appris à connaître les musulmans et ont été jusqu’à apprendre leur langue, l’écrire et l’enrichir. Ils ont lu le Coran et ont cherché la rencontre partout où cela se faisait possible. Ils ont fait de la fête de l’Annonciation le symbole de ce rapprochement. L’éparque maronite de France est convaincu que c’est en cela que son Église pourrait servir l’Occident.
«L’Europe, dans l’aridité de sa laïcité, dit-il, n’a pas pu intégrer l’islam». L’expérience maronite au Levant qui, pendant 13 siècles, a appris à connaître l’Autre, devrait profiter à l’Europe. Dans la rencontre entre les deux cultures musulmane et chrétienne, l’Église de Saint-Maron s’est adonnée à la recherche constante des valeurs communes de l’humanité. Parce que l’altérité consiste à accepter l’Autre dans toutes ses différences, la rencontre devrait se réaliser à tous les niveaux et selon toutes les approches, sociale, religieuse, politique, culturelle et spirituelle. «Au Liban, nous sommes conscients que nos conceptions de la Sainte Vierge diffèrent fondamentalement, précise encore Mgr Gemayel. Et pourtant, il reste qu’elle est honorée par les deux religions à la fois, et c’est cette dimension qui compte parmi toutes les autres, car elle permet la rencontre dans la différence.» L’évêque maronite de France en est convaincu, le christianisme oriental installé en Occident pourrait réussir là où la laïcité a failli.
Authenticité et mission
Par le choix de sa devise épiscopale «Authenticité et mission», Mgr Gemayel nous invite à demeurer attachés à notre identité antiochienne, syriaque et maronite, tout en nous engageant dans la dynamique de la projection vers l’avenir. Il nous invite à l’insertion dans les sociétés occidentales sans perdre les valeurs et spécificités du christianisme oriental. Cette devise est également celle de l’association culturelle éponyme qui va concrétiser le grand «projet de la vie» de l’évêque par l’acquisition, en 2017, de l’abbaye médiévale de Saint-Pé près du sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes.
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