La prospérité culturelle de l’Église maronite a coïncidé avec le règne du prince Fakhreddin II le Grand (1572-1635) qui s’est empressé de l’intégrer au programme d’édification de sa principauté. C’est ce double élan temporel et culturel qui a engendré la renaissance libanaise et la genèse du Liban moderne.
Vers la fin du XVIe siècle, au moment où la Renaissance commençait à prendre fin en Italie, elle ne faisait qu’éclore au Liban grâce à la fondation du Collège maronite de Rome, en 1584. Jusque-là, le Liban vivait encore au rythme du Moyen Âge conservant tout au long des deux siècles d’occupation mamelouke ses coutumes, son architecture et son régime féodal, tous hérités de l’époque franque.
Premiers contacts avec l’Occident
Quelques missionnaires catholiques envoyés par Rome au Mont-Liban permettaient un minimum d’échanges culturels, mais uniquement au niveau de la surveillance de la liturgie et de la théologie à la manière de l’Inquisition. Ces missions s’étaient plus généralement soldées par des autodafés faisant disparaître des centaines de manuscrits du trésor syriaque. Ces relations ont cependant permis l’envoi à Rome d’un premier groupe d’étudiants libanais dont le plus illustre était le maronite Gabriel Barcleius (1450-1516). Ce dernier est devenu le premier auteur d’importance dans le Mont-Liban depuis le jacobite (syriaque-orthodoxe) de l’école de Tripoli, Grégoire Bar Hebraeus (1226-1286). Presque deux siècles séparent ces deux hommes. Gabriel Barcleius était très influencé par le modèle de l’Inquisition catholique et son œuvre littéraire était une diatribe contre ce que Rome considérait des hérésies. Ses écrits constituaient par-dessus tout une apologie du Liban candide et de la foi chalcédonienne inébranlable des maronites, sous la forme poétique du zajal écrit dans l’idiome du Mont-Liban et en lettres syriaques.
D’autres contacts sporadiques ont également eu lieu durant cette période, notamment à Vienne lors de la composition, en 1555, de la première édition imprimée en lettres orientales. Connu sous le nom d’Évangile de Widmanstadt, cet ouvrage syriaque a été l’œuvre du chancelier Johann Albrecht Widmanstadt qui l’a entrepris pour le compte du prince de Habsbourg. Ce travail n’aurait pas pu être accompli sans l’étroite collaboration de trois moines et prêtres venus de Mardin et du Liban. Le résultat a engendré une sublime complémentarité entre l’art latin de la Renaissance et l’écriture syriaque estranguélo (monumentale).
Le Collège maronite de Rome
La vraie renaissance libanaise n’a débuté cependant qu’avec la fondation du Collège maronite de Rome, en 1584. Le but de ce collège était de former des jeunes maronites qui, une fois rentrés au Liban, devaient ouvrir des écoles, comme ce sera le cas notamment à Notre-Dame de Hawka, en 1624, et ultérieurement à Notre-Dame de Aïn Warqa, en 1789. Cette prospérité culturelle a coïncidé avec le règne du prince Fakhreddin II Le Grand (1572-1635) qui s’est empressé de l’intégrer au programme d’édification de sa principauté. C’est ce double élan temporel et culturel qui a engendré la renaissance libanaise et la genèse du Liban moderne. Les savants maronites issus du Collège de Rome, et dont les noms ont été latinisés, ont joué des rôles clés dans l’édification de la principauté de Fakhreddin II.
Isaac Sciadrensis
Parmi ces savants, Isaac Sciadrensis était devenu l’ambassadeur du prince en France. Et c’est lui qui a réussi à obtenir le titre de consuls de France à la famille des Khazen, premiers alliés de Fakhreddin II. Plus tard, en 1635, avec la chute imminente du prince, Sciadrensis a longuement plaidé sa cause et celle de la principauté du Mont-Liban en Europe.
Isaac Sciadrensis, ambassadeur des Maan et Khazen en France.
Victorius Scialach Accurensis
Un autre érudit maronite, Victorius Scialach Accurensis, a été l’ambassadeur de Fakhreddin II au Vatican.
Victorius Scialach Accurensis, ambassadeur de Facardin au Vatican.
Georgius Ameira
Le cas de Georgius Ameira est parmi les plus intéressants puisque ce prélat, devenu patriarche des maronites, avait composé à la demande du prince, un livre d’architecture traitant de la Fortification des châteaux et des villes. Son rôle dans la renaissance culturelle de la principauté a été prépondérant et c’était encore lui l’auteur de l’importante Grammaire syriaque de 1596. D’autres savants maronites ont écrit sur la botanique, l’agriculture et l’irrigation.
Georgius Ameira.
Abraham Ecchelensis
C’est Abraham Ecchelensis qui avait composé le manuel de la langue syriaque pour les élèves du Collège maronite de Rome. Son nom est relatif à son village de Haqel comme il le mentionne sur son ouvrage daté de 1628 et qu’il signe du nom Abraham fils d’Abraham fils de David, du village béni de Haqel, bien-aimé du Christ.
Abraham Ecchelensis.
Gabriel Sionita
Gabriel Sionita est réputé pour avoir été jusqu’à sa mort en 1648, professeur au Collège royal (devenu Collège de France). C’est lui qui a traduit du syriaque le grand auteur médiéval Gregoire Bar Hebraeus.
Gabriel Sionita, traducteur de Bar Hebraeus.
Ioannes Qoriaqos Hesronita
Iohannes Qoriaqos Hesronita, originaire de Hasroun, comme son nom l’indique, travaillait avec Gabriel Sionita dans l’enseignement, ainsi que sur plusieurs ouvrages au courant de l’année 1619.
Ioannes Qoriaqos Hesronita.
Joseph Simon Assemani
Joseph Simon Assemani (1687-1768), également originaire de Hasroun, est le plus illustre parmi la dynastie des Assemani et parmi les savants maronites en général. Il est désigné comme le Grand Assemani pour avoir composé le plus grand nombre d’ouvrages, ainsi que le catalogue de la bibliothèque vaticane. Il avait travaillé et analysé des centaines de manuscrits syriaques, dont plusieurs rapportés par lui-même en Europe. Il a été chargé par le pape, du Concile maronite de 1736 à Louaizé. Cet auteur a à son compte plusieurs volumes dont Les auteurs catholiques en langue syriaque, Les collections syriaques des conciles et synodes, Les livres grecs traduits en syriaque, Les 5 tomes sur les saintes images et tant d’autres.
Joseph Simon Assemani.
Jacques Luna
Jacques Luna était le premier imprimeur libanais. Il avait travaillé pour l’une des imprimeries les plus célèbres d’Europe, celle des Médicis à Florence, entre 1584 et 1596. La Bibliothèque médicéenne laurentienne renferme encore aujourd’hui le manuscrit syriaque maronite du Codex Rabulensis composé en l’an 586.
Sergius Risius
Un autre célèbre imprimeur libanais était Sergius Risius ou Sarguis Rizzi. Avant d’être élu patriarche, il avait fondé dès 1585 à Qozhaya, la première imprimerie du Mont-Liban et du Levant. Il a également imprimé à Rome le Missel en 1596 avec un autre maronite, le savant Ioannes Leopardus.
Ioannes Léopard.
L’imprimerie syriaque de Qozhaya est censée avoir imprimé sa première édition en 1585 et la seconde en 1610. Bien que le seul exemplaire qui subsiste aujourd’hui soit celui de l’édition de 1610, Bassil Agoula prouve l’existence de celle de 1585 en se basant sur les descriptions d’érudits maronites tels qu’Étienne Evode Assemani et Simon Assemani. Tous deux avaient mentionné des différences importantes entre les deux publications confirmant ainsi l’existence de l’édition de 1585.
Sergius Risius.
Faustus Nairon
Faustus Nairon était un maronite né à Rome en 1628. Lui-même auteur de La Phénicie illustrée, il a travaillé sur l’impression du Nouveau testament en syriaque et de la Penqidto qui énumère les fêtes selon le rite de l’Église syriaque maronite.
Estéphanos Douayhi
Dans l’élaboration de l’imaginaire et de l’idéal libanais, le patriarche maronite le plus important après saint Jean Maron à la fin du VIIe siècle, était Estéphanos Douayhi à la fin du XVIIe siècle, exactement mille ans plus tard. Si le premier a fondé l’Église en l’établissant au Liban, le second a fondé son histoire en la fixant dans l’écriture.
Cet élève du Collège maronite de Rome, devenu patriarche, a composé la collection la plus complète sur tous les aspects de l’héritage, allant de l’histoire à l’architecture, en passant par la musique, la spiritualité, la liturgie, la théologie, l’iconographie et la littérature. Toutes les études actuelles dans leurs différents domaines se fondent sur son travail devenu un trésor de renseignements. Les dernières recherches en génétique, en musicologie, en architecture et en liturgie se rapportent à cette référence incontournable. Cet éveil de la culture nationale qui allait fonder le Liban, s’est produit au Collège maronite de Rome.
Estéphanos Douayhi.
Vers la fin du XVIe siècle, au moment où la Renaissance commençait à prendre fin en Italie, elle ne faisait qu’éclore au Liban grâce à la fondation du Collège maronite de Rome, en 1584. Jusque-là, le Liban vivait encore au rythme du Moyen Âge conservant tout au long des deux siècles d’occupation mamelouke ses coutumes, son architecture et son régime féodal, tous hérités de l’époque franque.
Premiers contacts avec l’Occident
Quelques missionnaires catholiques envoyés par Rome au Mont-Liban permettaient un minimum d’échanges culturels, mais uniquement au niveau de la surveillance de la liturgie et de la théologie à la manière de l’Inquisition. Ces missions s’étaient plus généralement soldées par des autodafés faisant disparaître des centaines de manuscrits du trésor syriaque. Ces relations ont cependant permis l’envoi à Rome d’un premier groupe d’étudiants libanais dont le plus illustre était le maronite Gabriel Barcleius (1450-1516). Ce dernier est devenu le premier auteur d’importance dans le Mont-Liban depuis le jacobite (syriaque-orthodoxe) de l’école de Tripoli, Grégoire Bar Hebraeus (1226-1286). Presque deux siècles séparent ces deux hommes. Gabriel Barcleius était très influencé par le modèle de l’Inquisition catholique et son œuvre littéraire était une diatribe contre ce que Rome considérait des hérésies. Ses écrits constituaient par-dessus tout une apologie du Liban candide et de la foi chalcédonienne inébranlable des maronites, sous la forme poétique du zajal écrit dans l’idiome du Mont-Liban et en lettres syriaques.
D’autres contacts sporadiques ont également eu lieu durant cette période, notamment à Vienne lors de la composition, en 1555, de la première édition imprimée en lettres orientales. Connu sous le nom d’Évangile de Widmanstadt, cet ouvrage syriaque a été l’œuvre du chancelier Johann Albrecht Widmanstadt qui l’a entrepris pour le compte du prince de Habsbourg. Ce travail n’aurait pas pu être accompli sans l’étroite collaboration de trois moines et prêtres venus de Mardin et du Liban. Le résultat a engendré une sublime complémentarité entre l’art latin de la Renaissance et l’écriture syriaque estranguélo (monumentale).
Le Collège maronite de Rome
La vraie renaissance libanaise n’a débuté cependant qu’avec la fondation du Collège maronite de Rome, en 1584. Le but de ce collège était de former des jeunes maronites qui, une fois rentrés au Liban, devaient ouvrir des écoles, comme ce sera le cas notamment à Notre-Dame de Hawka, en 1624, et ultérieurement à Notre-Dame de Aïn Warqa, en 1789. Cette prospérité culturelle a coïncidé avec le règne du prince Fakhreddin II Le Grand (1572-1635) qui s’est empressé de l’intégrer au programme d’édification de sa principauté. C’est ce double élan temporel et culturel qui a engendré la renaissance libanaise et la genèse du Liban moderne. Les savants maronites issus du Collège de Rome, et dont les noms ont été latinisés, ont joué des rôles clés dans l’édification de la principauté de Fakhreddin II.
Isaac Sciadrensis
Parmi ces savants, Isaac Sciadrensis était devenu l’ambassadeur du prince en France. Et c’est lui qui a réussi à obtenir le titre de consuls de France à la famille des Khazen, premiers alliés de Fakhreddin II. Plus tard, en 1635, avec la chute imminente du prince, Sciadrensis a longuement plaidé sa cause et celle de la principauté du Mont-Liban en Europe.
Isaac Sciadrensis, ambassadeur des Maan et Khazen en France.
Victorius Scialach Accurensis
Un autre érudit maronite, Victorius Scialach Accurensis, a été l’ambassadeur de Fakhreddin II au Vatican.
Victorius Scialach Accurensis, ambassadeur de Facardin au Vatican.
Georgius Ameira
Le cas de Georgius Ameira est parmi les plus intéressants puisque ce prélat, devenu patriarche des maronites, avait composé à la demande du prince, un livre d’architecture traitant de la Fortification des châteaux et des villes. Son rôle dans la renaissance culturelle de la principauté a été prépondérant et c’était encore lui l’auteur de l’importante Grammaire syriaque de 1596. D’autres savants maronites ont écrit sur la botanique, l’agriculture et l’irrigation.
Georgius Ameira.
Abraham Ecchelensis
C’est Abraham Ecchelensis qui avait composé le manuel de la langue syriaque pour les élèves du Collège maronite de Rome. Son nom est relatif à son village de Haqel comme il le mentionne sur son ouvrage daté de 1628 et qu’il signe du nom Abraham fils d’Abraham fils de David, du village béni de Haqel, bien-aimé du Christ.
Abraham Ecchelensis.
Gabriel Sionita
Gabriel Sionita est réputé pour avoir été jusqu’à sa mort en 1648, professeur au Collège royal (devenu Collège de France). C’est lui qui a traduit du syriaque le grand auteur médiéval Gregoire Bar Hebraeus.
Gabriel Sionita, traducteur de Bar Hebraeus.
Ioannes Qoriaqos Hesronita
Iohannes Qoriaqos Hesronita, originaire de Hasroun, comme son nom l’indique, travaillait avec Gabriel Sionita dans l’enseignement, ainsi que sur plusieurs ouvrages au courant de l’année 1619.
Ioannes Qoriaqos Hesronita.
Joseph Simon Assemani
Joseph Simon Assemani (1687-1768), également originaire de Hasroun, est le plus illustre parmi la dynastie des Assemani et parmi les savants maronites en général. Il est désigné comme le Grand Assemani pour avoir composé le plus grand nombre d’ouvrages, ainsi que le catalogue de la bibliothèque vaticane. Il avait travaillé et analysé des centaines de manuscrits syriaques, dont plusieurs rapportés par lui-même en Europe. Il a été chargé par le pape, du Concile maronite de 1736 à Louaizé. Cet auteur a à son compte plusieurs volumes dont Les auteurs catholiques en langue syriaque, Les collections syriaques des conciles et synodes, Les livres grecs traduits en syriaque, Les 5 tomes sur les saintes images et tant d’autres.
Joseph Simon Assemani.
Jacques Luna
Jacques Luna était le premier imprimeur libanais. Il avait travaillé pour l’une des imprimeries les plus célèbres d’Europe, celle des Médicis à Florence, entre 1584 et 1596. La Bibliothèque médicéenne laurentienne renferme encore aujourd’hui le manuscrit syriaque maronite du Codex Rabulensis composé en l’an 586.
Sergius Risius
Un autre célèbre imprimeur libanais était Sergius Risius ou Sarguis Rizzi. Avant d’être élu patriarche, il avait fondé dès 1585 à Qozhaya, la première imprimerie du Mont-Liban et du Levant. Il a également imprimé à Rome le Missel en 1596 avec un autre maronite, le savant Ioannes Leopardus.
Ioannes Léopard.
L’imprimerie syriaque de Qozhaya est censée avoir imprimé sa première édition en 1585 et la seconde en 1610. Bien que le seul exemplaire qui subsiste aujourd’hui soit celui de l’édition de 1610, Bassil Agoula prouve l’existence de celle de 1585 en se basant sur les descriptions d’érudits maronites tels qu’Étienne Evode Assemani et Simon Assemani. Tous deux avaient mentionné des différences importantes entre les deux publications confirmant ainsi l’existence de l’édition de 1585.
Sergius Risius.
Faustus Nairon
Faustus Nairon était un maronite né à Rome en 1628. Lui-même auteur de La Phénicie illustrée, il a travaillé sur l’impression du Nouveau testament en syriaque et de la Penqidto qui énumère les fêtes selon le rite de l’Église syriaque maronite.
Estéphanos Douayhi
Dans l’élaboration de l’imaginaire et de l’idéal libanais, le patriarche maronite le plus important après saint Jean Maron à la fin du VIIe siècle, était Estéphanos Douayhi à la fin du XVIIe siècle, exactement mille ans plus tard. Si le premier a fondé l’Église en l’établissant au Liban, le second a fondé son histoire en la fixant dans l’écriture.
Cet élève du Collège maronite de Rome, devenu patriarche, a composé la collection la plus complète sur tous les aspects de l’héritage, allant de l’histoire à l’architecture, en passant par la musique, la spiritualité, la liturgie, la théologie, l’iconographie et la littérature. Toutes les études actuelles dans leurs différents domaines se fondent sur son travail devenu un trésor de renseignements. Les dernières recherches en génétique, en musicologie, en architecture et en liturgie se rapportent à cette référence incontournable. Cet éveil de la culture nationale qui allait fonder le Liban, s’est produit au Collège maronite de Rome.
Estéphanos Douayhi.
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