Frontières maritimes: entre tensions et confrontations
"Au stade actuel, les facteurs pour le déclenchement d’une guerre avec Israël ne sont pas réunis. Une confrontation pourrait éventuellement avoir lieu, mais cela dépendra du bilan de la visite du président américain Joe Biden dans la région", a confié une source proche de Moukhtara à "Ici Beyrouth".

Le discours menaçant du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, mercredi soir a eu l’effet d’une bombe sur l’opinion publique libanaise. Le leader chiite a profité de l’occasion du seizième anniversaire du début de la guerre de juillet 2006 pour tirer à boulets rouges sur les Israéliens et surtout les Américains, qu’il accuse de tergiverser dans les négociations pour la délimitation de la frontière maritime, dans le but de priver le Liban de ses droits sur ses ressources gazières en Méditerranée.

Hassan Nasrallah n’y est certainement pas allé de main morte, avertissant que son parti serait capable de causer un sérieux problème à Israël en torpillant son projet de vente de gaz à l’Europe à travers "les capacités militaires de la résistance" et "le soutien populaire dont elle bénéficie". Le chef du parti pro-iranien a situé sur ce plan la tournée du président américain Joe Biden dans la région dans le cadre des efforts déployés par l’Occident pour s’assurer de nouvelles sources d’énergie, en raison des retombées de la guerre en Ukraine. "Si le Liban est empêché d’exploiter ses ressources gazières, nous ne permettrons à personne d’extraire et de vendre du gaz, quelles que soient les conséquences", a martelé le numéro un du Hezbollah.

Vers une guerre avec Israël ?

Il convient de rappeler que le discours corrosif du chef du "parti de Dieu" à l’égard des États-Unis et d’Israël ne constitue pas une nouveauté. "La teneur des propos de Hassan Nasrallah prouve encore une fois que les menaces émises hier soir sont d’origine iranienne", indique le journaliste Sam Menassa à Ici Beyrouth. "L’atmosphère dans la région est tendue, ceci est un fait. Il pourrait y avoir une manifestation limitée de ces tensions d’ici deux ou trois mois au niveau des frontières terrestres avec la Syrie, mais certainement pas au niveau des frontières maritimes", a-t-il estimé.

Même son de cloche du côté de Moukhtara, où une source digne de foi a écarté la possibilité d’une guerre avec Israël, malgré la gravité des menaces proférées par le secrétaire général du parti chiite. "Au stade actuel, les facteurs pour le déclenchement d’une guerre ne sont pas réunis. Une confrontation pourrait éventuellement avoir lieu, mais cela dépendra du bilan de la visite du président américain Joe Biden dans la région", a expliqué la source de Moukhtara. Et d’ajouter : "Il est clair que Hassan Nasrallah n’a pas tiré les leçons de la guerre de juillet 2006. Cette guerre a été catastrophique sur les plans humain, politique, économique et social. Il est malheureux qu’aujourd’hui, avec tout ce qu’endurent les Libanais au quotidien, le Hezbollah tente de les impliquer dans une guerre, au lieu de se préoccuper de leurs besoins les plus basiques."

Le mutisme du Liban officiel


Les menaces acérées de Hassan Nasrallah n’ont visiblement eu aucun effet sur les trois pôles du pouvoir libanais. En effet, le Premier ministre désigné Najib Mikati, actuellement à l’étranger pour des vacances, n’a toujours pas commenté la teneur et l’implication de ce discours vénéneux sur les plans local et international. Serait-ce une tentative du chef du gouvernement de garder un profil bas pour éviter de provoquer le parti pro-iranien (qui avait voté en faveur de sa désignation) ou est-ce une manière pour lui de se distancer de ces positions belliqueuses pour faire bonne figure auprès de la communauté internationale ?

Par ailleurs, le silence résonnant d’Aïn el-Tiné n’est certainement pas passé inaperçu. Le président de la Chambre Nabih Berry s’est abstenu de publier un communiqué à ce sujet pour des raisons évidentes. Le chef du mouvement Amal ne s’attirera certainement pas les foudres de son allié chiite, avec qui il partage de nombreux intérêts, ainsi que la même vision concernant la délimitation de la frontière maritime avec Israël.

La présidence de la République, quant à elle, a publié un tweet jeudi, qui a suscité la curiosité des internautes, attribuant sa teneur à une réaction directe au discours de Hassan Nasrallah : "Le Liban est un pays qui aime la paix, et qui est attaché à sa souveraineté ainsi qu’à son droit d'investir dans ses ressources naturelles, y compris l'extraction du pétrole et du gaz." Une source proche de Baabda s’est empressée de démentir une éventuelle corrélation avec le discours de Nasrallah. "Ce qui a été publié aujourd'hui (jeudi) sur Twitter reflète la position ferme du président, indépendamment du discours de Hassan Nasrallah. Normalement, la présidence s’abstient de commenter les positions des dirigeants politiques et spirituels, car celles de la Magistrature suprême sont claires et déjà établies." Donc, Michel Aoun ne condamnerait pas les propos dangereux de son allié, bien qu’ils pourraient entraîner le pays dans un conflit aux répercussions désastreuses.

Hochstein et la ministre israélienne de l’Énergie

Reste à signaler dans ce contexte que le médiateur américain pour le dossier des frontières maritimes avec Israël, Amos Hochstein, s'est entretenu jeudi avec la ministre israélienne de l'Énergie avec laquelle il a passé en revue le bilan des pourparlers engagés entre le Liban et Israël. À l'issue de l'entrevue, M. Hochstein  a déclaré : "Nous avons surmonté certaines failles (dans les négociations bilatérales). Nous avons eu une bonne discussion. Après mon retour d'Arabie Saoudite, nous poursuivrons les discussions."

Après avoir souligné la nécessité d'aboutir à un accord entre le Liban et Israël, le médiateur US a déclaré : "Nous avons enregistré de bons progrès aussi bien au Liban qu'en Israël."

 
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