Les restaurateurs ne roulent pas sur l'or
«Les restaurants sont bondés». «Il n'y pas moyen de réserver une table avant deux semaines». Des expressions qu'on entend à longueur de journée. Est ce un indice suffisant pour dire que «le secteur est en bonne santé et que l'économie fonctionne bien»?

Oui, les restaurants sont bondés. Aller au restau est l'une des «rares distractions» qui restent aux Libanais qui peuvent encore se le permettre. Elle est décrite par un consultant en hôtellerie français comme «le sport national des Libanais». Cela dit, la problématique est de savoir si les propriétaires de restaurants dégagent des profits cet été avec l'affluence des expatriés et des touristes des pays arabes venus au pays du Cèdre après une absence dictée par les restrictions imposées par la pandémie de la Covid-19. Plusieurs ténors du secteur de l'hôtellerie, de la restauration et du voyage avaient évoqué une saison touristique prometteuse cet été.

Boîtes de nuits et bars 

«Ce ne sont pas les restaurants qui dégagent des profits mais les boîtes de nuit et les bars», souligne un restaurateur qui se trouve toujours aux manettes de l'enseigne qu'il a fondée en 1987. «Les bénéfices d'un restaurateur proviennent principalement de la consommation d'alcool», dit-il, ajoutant que «tant les charges fixes et que les charges variables, qui ont augmenté ostensiblement cette année, plombent les gains hyptothétiques».
Selon la source mentionnée, les restaurants dont le prix par personne est supérieur à un million et demi de livres libanaises font des profits, mais ceux dont le prix varie entre quatre cent mille et cinq cent mille livres se trouvent en mode de survie. «Quel que soit le cas, les agents du secteur de la restauration ne roulent pas sur l'or», lâche-t-il d'un ton sec.

Une progression pénible      


Dans les faits, les restaurateurs ont assumé le rôle de l'État au niveau de l'implémentation d'une infrastructure opérationnelle. Pour la production de l'énergie assurant le courant électrique 24h/24, ils comptent sur leurs propres générateurs, sachant que la tonne de mazout était vendue à la même période en 2021 à 400.000 livres libanaises, alors qu'aujourd'hui elle coûte 41.000.000 LL. Pour l'alimentation en eau, les coupures survenant par intermittence, la livraison d'une citerne d'eau coûtait l'année dernière entre 150.000 LL et 300.000 LL, tandis qu'aujourd'hui elle s'élève à un million de livres. Dans le même contexte, s'inscrit le coût de la main d'œuvre à qui il faut désormais assurer un logement à proximité du lieu de travail afin d'alléger les prix des transports devenus «surréels» même si les salaires, calculés sur base du taux de change du dollar sur le marché parallèle, ont baissé sur un an. Encore faut-il souligner la difficulté du processus d'importation d'aliments de base de premier choix.
Un restaurateur confie à Ici Beyrouth que les expatriés libanais, qui représentent 85% des visiteurs au Liban cet été, sont, dans leur majorité, venus pour rester au sein de leur famille et renforcer les moyens de résilience socio-économiques de leurs aînés. «Un bon nombre d'entre eux se sont inscrits auprès des voyagistes pour de courts séjours sous des cieux plus cléments, l'ambiance générale dans le pays étant à la morosité malgré la bonne volonté des résidents», a encore relevé le restaurateur interrogé.

Des zones géographiques
Cela dit, le secteur de la restauration connaît quand même un boom dans certaines zones géographiques telles que Faraya, Broummana et Batroun, contrairement à d'autres régions comme Beyrouth, Saïda, Tyr, Tripoli et Ehden où l'activité des restaurants est faible. «L'importance du volume du chiffre d'affaires généré n'a pas pour corollaire la grandeur des marges de bénéfices et les recettes nettes engrangées par l'agent économique», rebondit un consultant de l'Horeca sur l'idée de la faiblesse des profits enregistrés.
Les professionnels du métier interrogés par Ici Beyrouth misent sur la facturation en dollars (au taux du jour) pour compenser le poids de leurs frais de fonctionnement.

Un secteur vulnérable

Le nombre de restaurants a chuté de 4.000, en octobre 2019, à 1.600, en 2022, mettant en lumière une offre faible par rapport à la demande, relève un autre expert de la restauration pour expliquer la densité de la clientèle dans les points de restauration. En réponse à une question, il déclare que le secteur du tourisme est vulnérable et fragile et ne peut pas être pris en compte comme seul fondement pour une relance de l'économie d'un pays. «Un incident sécuritaire ou un accident de la nature peut faire basculer en trente secondes dans le néant tout le secteur du tourisme», commente-t-il.
Dans l'espoir de jours meilleurs, on annonce la réouverture l'été prochain à Beyrouth d'hôtels cinq étoiles, à savoir le Four Seasons et Le Gray.
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