Une double distinction doit d’abord être faite: la première correspond au souvenir que le rêveur conserve de son rêve et qu’il raconte au réveil: c’est ce qu’on appelle le contenu manifeste. Il peut prendre une forme claire, absurde ou incompréhensible. La deuxième, bien plus significative, est relative au contenu latent, maintenu secret, qui ne prend forme qu’avec les associations que le rêveur fait en reprenant la narration de son rêve (les images, les formes, les personnages, les énonciations, etc.) et en les reliant à ce qui lui vient spontanément à l’esprit. Il s’agit de prendre le contre-pied de la construction du rêve: celui-ci rend méconnaissable le contenu latent en le rendant manifeste, l’interprétation du rêve se fait en sens inverse, en déchiffrant le contenu latent pour en saisir les secrets qu’il recèle. Dans le rêve, nous le savons, c’est le rêveur lui-même qui construit son scénario, qui parle et fait parler les personnages. C’est lui qui y est présent. C’est pour cette raison qu’un rêve ne peut être interprété qu’en présence du rêveur lui-même, grâce aux associations qui surviennent lorsqu’il recherche ce qu’évoquent pour lui les éléments de son rêve. Il faut se méfier de ceux qui prétendent livrer la «clef du songe» sans que le sujet lui-même n’y participe activement. Parce qu’il est détenteur d’un savoir enfoui qu’il est seul apte à déchiffrer, avec l’aide d’un(e) psychanalyste.
L’anecdote suivante illustre finement l’idée que c’est le rêveur qui est le créateur de son rêve et qui lui donne un sens. Une femme raconte son rêve: elle se voit chez elle, bien que les contours du salon où elle se trouve ne soient pas tout à fait identiques à la réalité. Soudain, un homme de couleur noire, grand de taille, le corps bien musclé, la chemise entrouverte, fait irruption. Très effrayée, elle court d’un endroit à l’autre, toujours poursuivie par l’intrus. Haletante, elle se retrouve avec lui dans sa chambre à coucher et, apeurée, elle s’arrête, lui fait face et lui demande: «Mais enfin, que voulez-vous de moi?» et l’homme de lui répondre: «Mais je ne sais pas Madame, cela dépend entièrement de vous. Après tout c’est votre rêve!»
L’écoute attentive de Freud des rêves racontés par ses patients lui fait découvrir que le rêve a pour but, nous l’avons vu, l’accomplissement d’un désir inconscient refoulé. Il distingue alors les rêves où cette satisfaction apparaît clairement, comme c’est surtout le cas chez l’enfant. Il donne l’exemple du rêve d’Hermann, son neveu: «Mon neveu, qui a alors vingt-deux mois, s’est vu confier la mission, pour mon anniversaire, de me féliciter et de me tendre en guise de cadeau une petite corbeille pleine de cerises. Lesquelles sont encore considérées en cette saison comme des primeurs. Il semble que la mission s’avère difficile pour lui car il n’arrête pas de répéter: il y a des cerises là-dedans, et rien à faire pour lui faire lâcher la corbeille. Le lendemain du sacrifice consenti pour l’anniversaire, il se réveille tout content en annonçant quelque chose qui ne peut provenir que d’un rêve: Hermann a mangé toutes les cerises!»
Toutefois le rêve n’est pas toujours aussi limpide. Il apparaît souvent absurde ou incompréhensible. Cela correspond à un processus appelé le travail du rêve qui déguise intentionnellement la réalisation du désir.
Voici, pour ceux qui ne le connaissent pas, un rêve en apparence incohérent rapporté par Freud lui-même:
«Une réunion à table – ou à table d'hôte. On sert des épinards. Mme E.L. est assise auprès de moi et toute tournée de mon côté. Elle me passe familièrement la main sur le genou. Je fais un geste pour écarter sa main. Alors elle me dit: «Vous avez toujours eu de si beaux yeux!» Et je distingue confusément quelque chose qui ressemble à un dessin représentant deux yeux, ou bien aux verres d'une paire de lunettes».
Freud nous montre comment utiliser le procédé d’association libre afin de décrypter le contenu latent du rêve, sachant que dans l’association libre, le sujet est invité à exprimer les pensées, les images, les souvenirs qui traversent son esprit sans effectuer de tri, en évitant toute critique et en éliminant toute censure autant que possible. C’est l’exercice auquel se livre Freud sur lui-même découvrant ainsi, au-delà du contenu manifeste, des souvenirs, des sentiments et des émotions, des désirs insatisfaits, etc. qui ne sont pas autre chose que l’expression dynamique de la richesse de la vie psychique inconsciente de tout rêveur.
Il fait alors les associations suivantes:
La réunion à la table d’hôte lui rappelle le souvenir d’un évènement récent: «Comme je quittais une petite réunion en compagnie d'un ami, celui-ci offrit de prendre une voiture et de me déposer chez moi. «J'aime assez, ajouta-t-il, l'invention du taximètre. On le suit des yeux, on s'occupe, on se distrait...» Quand nous fûmes en voiture et que le cocher eut disposé la vitre de manière qu'on pût lire le chiffre: 60 heller, je repris la plaisanterie: «A peine avons-nous pris place et nous voici endettés. Le taximètre en voiture, c'est comme la table d'hôte, on s'y sent devenir avare et égoïste à force de songer à la dette qui augmente. Elle grandit trop vite, on a peur de ne pas en avoir pour son argent. A table d'hôte aussi, j'ai toujours cette préoccupation un peu comique de ne pas laisser le compte s'établir à mon détriment». Et je citai, sans grand à propos je l'avoue, deux vers de Goethe: Vous nous donnez la vie, Vous permettez que, pauvres, nous contractions une dette. «La mention de ce mets (les épinards) se rattache, à l'image de mon petit garçon, celle de ma propre enfance. – «Estime-toi heureux d'avoir des épinards», disait ma mère, qui désapprouvait mes manières, «bien des enfants seraient trop contents d'être à ta place!» Cela me ramène aux devoirs des parents envers leurs enfants et les paroles de Goethe... rapprochées de ce qui précède, prennent un sens nouveau». Des associations plus personnelles que Freud a pu faire, nous n’en saurons rien, en raison de son souci tout à fait légitime de préserver sa vie intime.
Pourquoi le déguisement s’empare-t-il du rêve? C’est à cause du rôle de censure que joue le surmoi. Celui-ci fonctionne comme une sorte de juge qui surveille le moi et intervient pour imposer des interdits. Durant le sommeil, son action est atténuée mais elle demeure néanmoins agissante. Il travestit les désirs érotiques interdits, singulièrement les désirs sexuels refoulés d’origine infantile, particulièrement vifs durant la période œdipienne, désirs toujours présents dans l’inconscient.
L’anecdote suivante illustre finement l’idée que c’est le rêveur qui est le créateur de son rêve et qui lui donne un sens. Une femme raconte son rêve: elle se voit chez elle, bien que les contours du salon où elle se trouve ne soient pas tout à fait identiques à la réalité. Soudain, un homme de couleur noire, grand de taille, le corps bien musclé, la chemise entrouverte, fait irruption. Très effrayée, elle court d’un endroit à l’autre, toujours poursuivie par l’intrus. Haletante, elle se retrouve avec lui dans sa chambre à coucher et, apeurée, elle s’arrête, lui fait face et lui demande: «Mais enfin, que voulez-vous de moi?» et l’homme de lui répondre: «Mais je ne sais pas Madame, cela dépend entièrement de vous. Après tout c’est votre rêve!»
L’écoute attentive de Freud des rêves racontés par ses patients lui fait découvrir que le rêve a pour but, nous l’avons vu, l’accomplissement d’un désir inconscient refoulé. Il distingue alors les rêves où cette satisfaction apparaît clairement, comme c’est surtout le cas chez l’enfant. Il donne l’exemple du rêve d’Hermann, son neveu: «Mon neveu, qui a alors vingt-deux mois, s’est vu confier la mission, pour mon anniversaire, de me féliciter et de me tendre en guise de cadeau une petite corbeille pleine de cerises. Lesquelles sont encore considérées en cette saison comme des primeurs. Il semble que la mission s’avère difficile pour lui car il n’arrête pas de répéter: il y a des cerises là-dedans, et rien à faire pour lui faire lâcher la corbeille. Le lendemain du sacrifice consenti pour l’anniversaire, il se réveille tout content en annonçant quelque chose qui ne peut provenir que d’un rêve: Hermann a mangé toutes les cerises!»
Toutefois le rêve n’est pas toujours aussi limpide. Il apparaît souvent absurde ou incompréhensible. Cela correspond à un processus appelé le travail du rêve qui déguise intentionnellement la réalisation du désir.
Voici, pour ceux qui ne le connaissent pas, un rêve en apparence incohérent rapporté par Freud lui-même:
«Une réunion à table – ou à table d'hôte. On sert des épinards. Mme E.L. est assise auprès de moi et toute tournée de mon côté. Elle me passe familièrement la main sur le genou. Je fais un geste pour écarter sa main. Alors elle me dit: «Vous avez toujours eu de si beaux yeux!» Et je distingue confusément quelque chose qui ressemble à un dessin représentant deux yeux, ou bien aux verres d'une paire de lunettes».
Freud nous montre comment utiliser le procédé d’association libre afin de décrypter le contenu latent du rêve, sachant que dans l’association libre, le sujet est invité à exprimer les pensées, les images, les souvenirs qui traversent son esprit sans effectuer de tri, en évitant toute critique et en éliminant toute censure autant que possible. C’est l’exercice auquel se livre Freud sur lui-même découvrant ainsi, au-delà du contenu manifeste, des souvenirs, des sentiments et des émotions, des désirs insatisfaits, etc. qui ne sont pas autre chose que l’expression dynamique de la richesse de la vie psychique inconsciente de tout rêveur.
Il fait alors les associations suivantes:
La réunion à la table d’hôte lui rappelle le souvenir d’un évènement récent: «Comme je quittais une petite réunion en compagnie d'un ami, celui-ci offrit de prendre une voiture et de me déposer chez moi. «J'aime assez, ajouta-t-il, l'invention du taximètre. On le suit des yeux, on s'occupe, on se distrait...» Quand nous fûmes en voiture et que le cocher eut disposé la vitre de manière qu'on pût lire le chiffre: 60 heller, je repris la plaisanterie: «A peine avons-nous pris place et nous voici endettés. Le taximètre en voiture, c'est comme la table d'hôte, on s'y sent devenir avare et égoïste à force de songer à la dette qui augmente. Elle grandit trop vite, on a peur de ne pas en avoir pour son argent. A table d'hôte aussi, j'ai toujours cette préoccupation un peu comique de ne pas laisser le compte s'établir à mon détriment». Et je citai, sans grand à propos je l'avoue, deux vers de Goethe: Vous nous donnez la vie, Vous permettez que, pauvres, nous contractions une dette. «La mention de ce mets (les épinards) se rattache, à l'image de mon petit garçon, celle de ma propre enfance. – «Estime-toi heureux d'avoir des épinards», disait ma mère, qui désapprouvait mes manières, «bien des enfants seraient trop contents d'être à ta place!» Cela me ramène aux devoirs des parents envers leurs enfants et les paroles de Goethe... rapprochées de ce qui précède, prennent un sens nouveau». Des associations plus personnelles que Freud a pu faire, nous n’en saurons rien, en raison de son souci tout à fait légitime de préserver sa vie intime.
Pourquoi le déguisement s’empare-t-il du rêve? C’est à cause du rôle de censure que joue le surmoi. Celui-ci fonctionne comme une sorte de juge qui surveille le moi et intervient pour imposer des interdits. Durant le sommeil, son action est atténuée mais elle demeure néanmoins agissante. Il travestit les désirs érotiques interdits, singulièrement les désirs sexuels refoulés d’origine infantile, particulièrement vifs durant la période œdipienne, désirs toujours présents dans l’inconscient.
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