Sur le papier, le budget 2022 a réussi à réduire le déficit dans l’espoir hypothétique que ses fondements représenteront la base d’un meilleur départ pour les finances de l’État en 2023. Sauf que, entre-temps, le Libanais paiera davantage de taxes et des impôts.

Dans le budget 2022, voté lundi, les dépenses ont été fixées à 40 873 milliards de livres et les revenus à 29 986 milliards de livres, le déficit s’élevant sur le papier à 10 998 milliards de livres.

Une première lecture du texte montre le caractère "temporaire" du taux de référence du dollar douanier et du relèvement des salaires dans le secteur public. La durée limitée dans le temps de ce genre de décisions laisse une fenêtre ouverte à un réajustement à la baisse du déficit budgétaire. S’inscrit dans cette même tendance, la marge de manœuvre permettant à l’Exécutif de modifier la devise dans laquelle sont facturées les taxes liées à la dispensation de certains services publics, selon les propos tenus par le Premier ministre sortant, Najib Mikati.

Trêve dans le secteur public

L’article concernant les salaires des fonctionnaires, qu’ils soient des militaires ou des civils, est clair. L’augmentation des rémunérations est considérée comme "exceptionnelle et limitée dans le temps", en attendant un règlement définitif de la problématique salariale. Cette augmentation ne sera pas considérée dans la comptabilisation des indemnités de fin de service ou de la pension retraite. Elle représente deux fois le montant du salaire à condition qu’elle ne soit pas inférieure à 5 millions de livres et supérieure à 12 millions. À ce niveau, il y a lieu de relever que la Banque du Liban, dans le but de mitiger les retombées d’un gonflement de la masse monétaire en circulation, d’une part et la baisse du niveau de ses réserves en devises, d’autre part, a pris la décision le jour du vote du budget, d’abaisser à 400 dollars le montant total que chaque agent peut retirer en espèces en application de la circulaire 161 de la BDL. Par ailleurs, l’augmentation des salaires des fonctionnaires aura pour effet d’instaurer une trêve entre le secteur public et le pouvoir qui permettrait une reprise d’un meilleur fonctionnement de l’appareil étatique. Cela dit, les salaires de tous les fonctionnaires à la retraite seront exemptés de la taxe sur le revenu. Aussi est-il important de souligner que les fonctionnaires n’encaisseront pas nécessairement la totalité du montant du réajustement du salaire en un seul versement chaque mois.

Focus sur le dollar douanier

Sur un autre plan, le dollar douanier a été fixé à 15 000 livres, un taux qui reste favorable aux importateurs de tous genres de produits puisqu’il reste loin du taux de change réel du marché parallèle. Sachant, par ailleurs, que 70 % des besoins en consommation de produits importés du marché domestique pour 2023 ont été déjà importés et stockés dans les entrepôts, selon plusieurs sources concordantes, ce qui n’empêchera évidemment pas un renchérissement des prix en fonction du dollar douanier, une fois mis sur le marché. Du côté des consommateurs, ils se rabattront davantage sur les produits fabriqués localement lorsqu’ils sont disponibles. Un comportement qui n’est pas mauvais pour l’industrie libanaise, mais moins favorable pour les recettes du budget. Dans tous les cas de figure, les recettes douanières ne représentent que 8,6 % du total des revenus du Trésor, selon le budget 2022.

Le secteur privé ne paiera pas moins

L’article 22 du budget a accordé une remise de 85 % du montant des amendes de retard dans le paiement des taxes et des impôts revenants aux entités imposables du secteur privé (compagnies ou individus soumis à l’impôt sur le revenu). Elles devront cependant s’acquitter de leurs obligations envers le Trésor dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la loi de Finances au journal officiel. Cette exemption des amendes de retard est devenue une pratique récurrente depuis la promulgation de la loi sur les procédures fiscales en 2015, qui comprend des amendes de retard lourdes.

Manque à gagner compensés

Ce manque à gagner du Trésor sera compensé par le réajustement à la hausse et la facturation en devises de taxes liées à des services fournis par des établissements publics déterminés, en particulier des services relevant des ministères des Télécoms et des Transports. Le député Ali el Khalil a évoqué les revenus du secteur des télécoms qui a commencé depuis juillet dernier à facturer ses services en dollar sur base de son taux de change sur la plateforme de la BDL, Sayrafa. Quant au ministre sortant des Transports et des Travaux publics, Ali Hamiyé, il a annoncé mardi que le contrat d’attribution de la gestion de la zone franche de l’aéroport international Rafic Hariri à la société PAC -Duty Free SAL porte sur un montant global de 1 900 milliards de livres contre 150 milliards de livres pour le contrat précédent. Selon M. Hamiyé, les revenus attendus de son ministère seraient de l’ordre de 15 000 milliards de livres l’année prochaine, à la lumière des taxes de passagers et de spots imposées en dollars frais aux compagnies aériennes et aux voyagistes. Et, ce n’est pas tout. Le ministre sortant a du pain sur la planche concernant la réorganisation des taxes liées à la direction de l’aviation civile.