Le 28 septembre, le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, avait annoncé sans crier gare, qu’à partir du 1er novembre, le taux de change officiel sera de 15.000 livres pour un dollar. À une semaine de l’entrée en vigueur de cette décision, le ministère a fait machine arrière. Pour l’heure, le(s) taux de change reste(nt) inchangé(s) mais, toutefois, le dollar douanier passera à 15.000 au début du mois prochain. 

Le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, avait créé la surprise le 28 septembre, lors d’une interview à l’agence Reuters, en annonçant qu’à partir du 1ᵉʳ novembre, le taux de change officiel serait de 15.000 livres pour un dollar. Une mesure justifiée par "la nécessité d’une unification des taux de change, prévue dans le plan de redressement du gouvernement" et confirmée le lendemain dans un communiqué du ministère des Finances. Celui-ci avait demandé au gouvernement et aux secteurs concernés de prendre les mesures préparatoires à l’exécution de cette décision, prise suite au vote du Budget 2022 dans lequel le dollar douanier avait été fixé à 15.000 livres.

Depuis, plus rien. Jusqu’à lundi, lorsque le ministère a annoncé indirectement que le taux de change ne sera pas modifié, en répondant à "des informations erronées à ce sujet" qui circulaient sur les réseaux sociaux. S’agissait-il d’un coup de bluff pour inciter les Libanais à sortir des dollars frais au plus vite?

Il semble en fait que tout ne soit pas encore prêt pour une unification des taux de change. Une source autorisée au ministère des Finances explique laconiquement à Ici Beyrouth que le projet n’a pas été abandonné parce qu’il est important que le dollar du marché soit égal au dollar douanier. "Il faut qu’il y ait un équilibre et une unification du taux de change. Tout est en train d’être étudié et mis en place à cette fin, dont un réajustement des salaires", souligne-t-on de même source, sans cependant donner de date.

Pour Nassib Ghobril, économiste en chef de la Byblos bank, la décision a été reportée jusqu’à nouvel ordre, principalement à cause du tollé qu’elle a provoqué. Un de ses farouches détracteurs a été le Hezbollah qui l’avait critiquée ouvertement. Aussi, après avoir craché le morceau, le ministre des Finances avait nuancé ses propos et affirmé que la mise en place du nouveau taux de change devait faire partie d’un plan de réforme global. "Nous attendons", commente l’économiste, avant de poursuivre: "le taux de change de 15.000 LL pour un dollar va être mis en vigueur pour quelques importations. C’est ce qu’on appelle le dollar douanier".

Et M. Ghobril de rappeler que deux jours après l’annonce faite par Youssef Khalil, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, avait fait état de nombreuses exceptions à ce nouveau taux, telles que le capital des banques et des sociétés, le bilan des banques, le remboursement des prêts bancaires, etc.

"Le dollar à 15.000 LL devait être la première étape d’une unification du taux de change. Toutefois, cela est reporté d’une durée indéterminée. Il n’est pas clair quand le nouveau taux entrera en vigueur, mais nous savons très bien que le dollar douanier à 15.000 entrera en vigueur à partir du 1ᵉʳ novembre", dit-il.

Quelles sont les implications pratiques de cette mesure? Certains produits sont soumis à cette nouvelle tarification douanière, qui va surtout être imposée sur ce que le gouvernement classifie comme produits non essentiels ou de luxe, ou encore sur ceux dont l’équivalent est produit au Liban. Selon le gouvernement, environ 300 à 350 produits essentiels seront exemptés de ce taux. Mais, déplore M. Ghobril, "le problème est qu’il n’existe aucun contrôle des prix au Liban. Les commerçants peuvent donc afficher les prix qu’ils veulent. Ceux-ci ont d’ailleurs augmenté avant même l’application du nouveau taux de change douanier".

Rappelant que l’idée du dollar douanier a été mise en place pour accroître les recettes de l’État, l’économiste s’interroge sur la fiabilité de cette mesure. M. Ghobril estime qu’il existe d’autres moyens d’augmenter les ressources de l’État, tel que la lutte contre l’évasion fiscale, douanière, la contrebande… "C’est là qu’il faut aller chercher l’argent, au lieu d’infliger des tarifs accablants au peuple", conclut-il.

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