Le secteur publicitaire libanais, qui a été très affecté par la crise économique et la pandémie du coronavirus ces deux dernières années, a légèrement sorti la tête de l’eau en 2022.

Le secteur publicitaire libanais, qui sort de deux “annus horribilis” (les années 2020 et 2021), et qui a été très affecté par la crise économique et la pandémie du coronavirus, a légèrement sorti la tête de l’eau en 2022. Les dépenses publicitaires ont connu une belle embellie avec un total qui approche les 24 millions de dollars soit environ 100% d’augmentation par rapport à l’année 2021.

Les raisons derrière cette croissance sont doubles : la tarification des espaces publicitaires qui s’est alignée durant l’année sur le taux du dollar “frais” et les élections parlementaires qui ont eu lieu en mai. Ces élections représentent une manne financière attendue impatiemment par les médias tous les quatre ans. Les sommes dépensées durant la période électorale, qui s’étend sur les deux mois d’avril et de mai, sont une vraie bouffée d’oxygène pour l’industrie.

Ce chiffre de 24 millions n’est pas officiel, puisqu’il n’existe pas un organisme qui audite les dépenses publicitaires (à part la société IPSOS qui effectue une pige publicitaire basée sur les tarifs officiels sans tenir compte des négociations effectuées par les annonceurs, ni des ristournes et les espaces gratuits offerts par les médias) ; il est cependant fiable puisque récolté par Ici Beyrouth auprès des principaux acteurs du marché au Liban.

Malgré cette croissance, on est loin du compte. Depuis la moitié des années 90, Les dépenses publicitaires ont toujours dépassé les 100 millions de dollars atteignant des sommets à plus de 160 millions de dollars. Pour un pays qui a lancé la publicité au Moyen-Orient, qui a ouvert les marchés du Golfe, qui a fondé les plus grandes agences régionales, et qui jouit d’une économie libre et d’une vraie culture publicitaire, ce chiffre est insuffisant. Avec une moyenne mondiale de dépenses par habitant de 119.60 $ en 2022 (average ad spending per capita), les dépenses publicitaires au Liban devraient normalement dépasser les 450 millions de dollars pour une population de 4 millions d’habitants.

Cette progression est loin d’être uniforme entre tous les types de médias ; la radio et surtout la presse n’ont pas profité de ce regain de forme.

Avec environ 12 millions de dollars investis, l’affichage se classe, pour la première fois, premier média publicitaire au Liban dépassant la télévision. L’affichage est le média qui a le plus profité des campagnes électorales qui ont représenté environ 50% de ses rentrées de l’année. Durant cette période, tous les réseaux, quels que soient les formats étaient complets, du sud à l’extrême nord du pays. De plus, le secteur a facturé ses tarifs au prix fort avec des paiements exigés à l’avance. Autre bonne nouvelle, la période de fin d’année était encourageante avec un taux d’occupation de presque 100%. L’affichage garde un attrait certain auprès des annonceurs locaux, car il demeure un moyen de communication rentable, efficace, flexible et permet de toucher un large public au bon moment avec le bon message pour un investissement moins élevé qu’en télévision.

En comparaison, la publicité TV a beaucoup souffert et atteint difficilement les 10 millions de dollars de dépenses publicitaires. Ce chiffre n’inclut pas les dépenses électorales, hors écrans publicitaires, comme les contenus éditoriaux, les interviews, les émissions spéciales financées par les partis politiques et les candidats. La télévision souffrira encore quelques années du retrait des grands annonceurs de la scène publicitaire. Les multinationales (Procter & Gamble, Unilever, L’Oréal, Nestlé et autres…) et le secteur bancaire représentaient à eux seuls la majorité des investissements.

La publicité radio plafonne à 1 million de dollars et n’attire plus que les petits annonceurs. Le média radio est délaissé non seulement par les grands annonceurs mais aussi par les propriétaires des stations. Le secteur, qui a perdu la plupart de ses animateurs pendant la crise, manque cruellement d’innovations pour s’adapter à l’évolution du mode d’écoute de la radio. Le nombre d’auditeurs surtout jeunes écoutant la radio sur un support numérique, smartphone en tête, progresse, il est donc nécessaire de s’adapter aux nouvelles tendances. La radio demeure toutefois un média de confiance pour une majorité d’auditeurs.

La presse est la grande perdante de la crise économique et aura du mal à se remettre dans les années à venir. La bataille est perdue d’avance faute de combattants. Plus de 30 médias locaux ont disparu en quatre ans. Ne subsistent que quelques quotidiens et quelques magazines qui sont publiés à des fréquences sporadiques. La publicité presse est en baisse constante et ne dépasse pas les quelques centaines de milliers de dollars et la tendance devra se poursuivre en 2023. Et dire que cette catégorie de médias assurait 30 millions de dollars de revenus dans les années 90 !

La publicité digitale notamment sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram en tête) attirent beaucoup de petits annonceurs (petites et moyennes entreprises, associations, influenceurs…). Après un arrêt presque complet des investissements en 2020 et 2021 dû à un manque de liquidités et de moyens de payements en dollars " frais ", la reprise a été timide en 2022. Les montants investis sont là aussi inférieurs à un million de dollars alors qu’ils avaient atteint les 5 millions de dollars avant la crise. Mais le potentiel est là. Seul bémol, ces investissements ne sont pas injectés dans les sites internet locaux mais profitent principalement à deux groupes mondiaux : Alphabet (Google, YouTube) et Meta (Facebook, Instagram). La publicité sur les réseaux sociaux offre de nombreux avantages : gagner en visibilité, toucher une cible qualifiée à très bas coût, et mesurer efficacement le retour sur investissement. Avec 4,7 milliards d’utilisateurs dans le monde en 2022, les réseaux sociaux sont devenus le plus grand marché pour les annonceurs. En 2022, les revenus de la publicité sociale ont augmenté de 42 milliards pour atteindre 226 milliards de dollars et devraient dépasser les 300 milliards de dollars d’ici 2024.

Que nous réserve 2023 ? L’année s’annonce incertaine même si les annonceurs commencent à s’adapter à la conjoncture. Il faudra plusieurs années pour retrouver la vitalité et le dynamisme de l’industrie publicitaire qui a fait la renommée du Liban.