"Le jour où le programme est signé avec le FMI, la livre s’appréciera massivement, même avant qu’il commence à être mis en œuvre". Le pauvre Pierre Duquesne, émissaire français au chevet de l’incurable Liban, a tenté la semaine passée de donner un peu d’espoir, raclant ainsi ce qui reste de sa détermination, éprouvée par des années de bêtises libanaises.

Presque au même moment, des agents se prenant pour des CSI (Crime Scene Investigators) mettaient la main sur une floppée de changeurs. Des flambeurs qui, dit-on, manipulaient le taux de change et provoquaient cette hausse vertigineuse du dollar. Un remake d’un raid semblable lancé l’année dernière, avec le résultat lamentable qu’on connaît. Mais les politiciens suivent apparemment cet adage d’un écrivain et moraliste polonais: "Demandez conseil aux gastro-entérologues sur ce qu’on peut encore faire avaler aux citoyens".

Entre ces deux anecdotes, le point commun est encore le dollar. Mais on ne va pas y revenir; c’est devenu épuisant à la fin de ressasser la même rengaine. Cependant,  il y autre chose: Pierre Duquesne sous-entend clairement dans ses propos que, au-delà du dollar et des aides financières, c’est la confiance qui risque de revenir lors d’un accord avec le FMI.

Car, il ne faut pas se tromper, la confiance est le maître-mot qui sonne le début de la fin de la crise. Le SEUL. Une fois la confiance revenue, ce sont d’abord les Libanais eux-mêmes qui se chargeront de reconstruire leur pays. Et ils en ont les moyens: des compétences éprouvées, des milliards de dollars dans les coffres-forts, et des dizaines de milliards à l’étranger qui viendront ou reviendront, sans qu’on les y force, comme s’entêtent à exiger les piètres comptables du pouvoir ou ces groupements bidon. Ils reviendront non pas comme dépôts bancaires – cela ne servirait à rien –, mais comme investisseurs, érigeant des projets, parce que ce sera rentable et non pour toute autre raison.

Bon, maintenant que faut-il faire pour que la confiance revienne? Plein de conditions, en commençant pas les politiques. Une chute du régime Assad ou celui des Mollah en Iran serait le rêve. Mais, pour s’en tenir à la sphère interne, il faut d’abord un président, mais qui inspire vraiment confiance. On s’en contentera dans ce premier épisode de la série ‘retour de la confiance’, quitte à scruter les autres ingrédients plus tard.

Faisons ainsi un petit scan à titre d’échantillon, en jaugeant certains noms de présidentiables à la lumière uniquement de ce critère de confiance, sans jugements de valeur sur la personne.

Ainsi, un Gebran Bassil est naturellement disqualifié; avec son historique, ses sanctions, la quantité ahurissante d’ennemis intérieurs et extérieurs qu’il a accumulés… il remplit toutes les mauvaises cases. Difficile de faire pire pour saper la confiance. Et pourtant Sleiman Frangié n’est pas mieux: ami d’Assad, allié du Hezbollah et d’Amal, pas versé dans les sciences économiques, stature limitée, ça fait beaucoup de handicaps de départ.

Un aouniste version light alors, comme Ibrahim Kanaan ou Alain Aoun?  Cela ne sera pas viable non plus. L’ombre du patriarche (et de son gendre) sera toujours là, et leur bilan n’est déjà pas franchement brillant. Beaucoup de verbiage inefficace pour l’un, et une absence assourdissante pour l’autre.

Un Joseph Aoun alors? Bof! Un bof pas pour son bilan militaire, qui est juste honnête d’ailleurs, mais parce qu’on ne le connaît pas: ses options, ses opinions, sa vision d’avenir… rien. Comment peut-on faire confiance à un inconnu? Et puis même un bon militaire, quand il mute dans le civil, cela ne se passe pas très bien en général – principe de Peter (Googlisez). Fouad Chehab et Charles de Gaulle sont des exceptions, mais il n’y en a pas beaucoup d’autres.

Un nom comme Michel Moawad c’est déjà beaucoup mieux, malgré une alliance furtive avec Gebran Bassil en 2018: ses positions économiques évoluant dans le bon sens, ses bonnes relations internationales et notamment américaines, à travers la Fondation René Moawad, les actions judicieuses de cette fondation dans tout le pays, etc. Ceci dit, ses premières actions après son hypothétique élection détermineront s’il tient la route de la confiance.

Neemat Frem a aussi un côté qui inspire confiance. Le halo du père, l’action de la famille depuis des décennies dans sa région, sa pensée économique très évoluée, son empire industriel cité comme un modèle de réussite économique, mais aussi sociale. Sa stature politique limitée risque d’être un handicap pour développer une confiance générale, mais cela reste contournable.

Des technocrates de haute volée, comme Jihad Azour, directeur régional au FMI, ou Ziad Hayek, expert mondial en partenariat public-privé, peuvent inspirer confiance, peut-être limitée au niveau populaire, mais prononcée aux yeux des instances économiques locales et internationales.

Enfin, une figure d’homme politique opposant, juriste connu et au-dessus de tout soupçon, tel que Salah Honein, peut inspirer confiance, à condition de jouir d’un large ralliement politique de départ.

On va s’en tenir à cet échantillon de profils. Ceci dit, choisir un président comporte toujours un risque car, comme disait Georges Pompidou, "il ne suffit pas d’être un grand homme, il faut l’être au bon moment". Ce que très peu savent faire.

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