Le taux du dollar douanier fait beaucoup parler de lui ces derniers temps.

Après une hausse considérable au début du mois de décembre où il était passé de 1507,5 livres libanaises pour un dollar à 15 000 LL, le dollar douanier est passé à 45 000 LL, le 1er mars. Tous les secteurs sont affectés, particulièrement celui de l’automobile où toutefois, la confusion règne, sans doute pour dissimuler certaines malversations.

Depuis quelques jours, des informations relayées par plusieurs médias et réseaux sociaux font état du rabaissement du taux du dollar douanier à 8.000 LL pour satisfaire les désidérata d’un gros bonnet qui aurait importé un lot de voitures et ne voulait tout simplement pas payer un dollar douanier à 45.000 LL et ainsi accroître ses gains. Du coup une chose est dite et puis son contraire. Bienvenue au Liban!

Tout d’abord, le dollar douanier est une formule qui indique le taux de change officiel pratiqué pour calculer en livres libanaises les droits de douane sur les prix des marchandises importées en devises étrangères. Il est passé de 1.507,5 livres pour un dollar à 15.000 LL, le 1er décembre puis à 45.000 LL, le 1er mars. Il est de plus très probable que le taux de change du dollar douanier soit revu encore une fois à la hausse et ajusté mensuellement, selon des informations rapportées par des sources proches du ministère des Finances.

Les hausses successives du dollar douanier ont été décidées par le ministère des Finances pour accroître les recettes du Trésor public et financer les augmentations des salaires de la fonction publique.

Mais cette hausse du dollar douanier a également fait entrer le Liban dans un cercle vicieux  inflationniste, malgré l’exemption par les autorités de quelque 600 produits (riz, sucre, huiles, céréales…) considérés comme essentiels.

Le secteur automobile: première victime

Le secteur automobile est le premier affecté par les hausses successives du dollar douanier. Deux fois en moins de trois mois. Ces mesures ont eu l’effet d’une douche froide pour le secteur qui accuse l’État de vouloir l’anéantir. Avec un dollar douanier à 45.000 livres, les importations de véhicules ont considérablement chuté. " Les ventes ont baissé de 90%, il n’y a plus de pouvoir d’achat ", explique un importateur de voitures usagées. Sans oublier la complexité que pose la vente des véhicules importées ou commandées avant le 1er décembre ou le 1er mars. Ainsi pour deux mêmes voitures, la différence de prix peut s’élever à des milliers de dollars, en fonction de la date d’importation.

Rappelons, que les importateurs de voitures ont obtenu une exception avec un dollar douanier qui est resté fixé à 8.000 livres pour tous les véhicules importés au Liban avant le 1er février et dédouanés avant le 3 mars.

Un dollar douanier à 8.000 LL pour un gros bonnet?

Une information relayée par plusieurs médias fait état d’une baisse inattendue du dollar douanier à 8.000 LL pour faire entrer au pays un lot de voitures commandées par une importante personnalité. " Tout est possible au Liban. Nous ne nous étonnons plus de rien. D’ailleurs il existe une grande probabilité qu’une personnalité ait importé des voitures, et que du coup les autorités jouent à baisser le dollar douanier pour qu’elle fasse passer sa cargaison, puis qu’elles le fixent à nouveau à 45.000 LL par la suite, voire davantage ", affirme un importateur qui a tenu à garder l’anonymat.

" Nous n’avons pas été notifiés cependant d’une décision officielle de baisser le dollar douanier pour une période déterminée à 8.000 livres pour les voitures importées au Liban, au lieu des 45.000 livres appliquées depuis le 1er mars ", poursuit-il.

En réalité, la décision doit émaner du ministère des Finances qui en notifie la Banque du Liban, laquelle transmet alors l’instruction à la Direction des douanes. Ainsi, l’arrêté devient officiel.

Youssef el-Khalil réfute

Interrogé par Ici Beyrouth sur la possibilité de baisser le taux du dollar douanier à 8.000 LL pour les voitures, le ministre sortant des Finances Youssef el-Khalil, s’insurge: " Non! C’est une information qui a été très mal interprétée. Nous attendons l’approbation par le Conseil des ministres d’un décret annulant le taux de 8.000 livres libanaises pour un dollar et ainsi passer officiellement au taux de 45.000 livres ". L’application de la redevance douanière au taux de 8.000 livres pour un dollar pour le secteur des voitures résulte de l’impossibilité d’appliquer les nouveaux droits de douane, puisque l’amendement des plafonds nécessite une décision du Conseil des ministres.

Du coup, le ministère des Finances a préparé un décret modifiant les redevances automobiles en coopération avec le Conseil supérieur des douanes. Celui-ci a été envoyé au secrétariat général du Conseil des ministres. Lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres, ce décret sera sans doute approuvé, de sorte que le taux du dollar douanier sera unifié à 45.000 LL pour toutes les marchandises importées.

Les importateurs de voitures usagées et neuves pour leur part persistent et signent: le taux du dollar douanier pratiqué est de 45.000 LL. " Nous avons des reçus, le prouvant ", affirment-ils.

En réalité, les voitures qui ont été expédiées du pays d’origine avant le 1er février et qui arrivent au mois de mars ou avril au Liban paient leurs douanes au taux de 8.000 livres libanaises pour un dollar.

Une lettre du ministère des Finances à la Banque du Liban a demandé d’appliquer ce taux jusqu’au 1er mars (date de départ des voitures du pays d’origine). Or les douanes n’en n’ont pas été informées.

Un importateur de voitures explique: " J’ai reçu il y a deux jours des autos qui ont été expédiées entre le premier février et le premier mars. Arrivé pour payer les douanes, ils m’ont donné un reçu avec un taux du dollar douanier à 45.000 LL. En réponse à mes demandes d’explications, les employés des douanes ont prétendu n’avoir pas été informés ".

La confusion est donc totale. Un ministre qui prend des décisions, des douanes qui ne sont pas averties, un dollar douanier à 45.000 LL, un autre à 8.000 LL. Le Liban est vraiment le pays de tous les possibles.

Au final, le pays se débat malheureusement dans un chaos de malversations sans nom.