Le bras-de-fer entre le syndicat des employés d’Ogero et le ministre des Télécommunications Johnny Corm se corse. Ce dernier n’exclut pas un recours à l’armée pour gérer le secteur et éviter qu’il ne s’effondre, si les négociations ne reprennent pas. Entre-temps, les perturbations du réseau Internet ne font que s’aggraver.

Au septième jour de leur grève générale, les fonctionnaires de l’opérateur Ogero, fournisseur public de téléphonie et d’Internet au Liban, n’ont pas caché leur colère, après l’annonce du ministre sortant des Télécoms Johnny Corm d’un éventuel ordre de réquisition à l’armée libanaise qui prendrait en charge le secteur. Ils accusent le ministre, qui leur a expliqué que la mise en œuvre de leurs revendications n’est pas de son ressort, de se dérober à ses responsabilités.

La bras-de-fer entre les salariés d’Ogero et Johnny Corm s’est ainsi corsé jeudi, surtout depuis que ce dernier a annoncé qu’il s’est concerté avec le Premier ministre sortant Najib Mikati, au sujet d’un recours à l’armée pour gérer le secteur. L’objectif de cette requête est d’éviter une rupture totale des liaisons téléphoniques et de l’Internet, gravement perturbées par la grève. " Je ne permets à personne de prendre les citoyens en otage. Le secteur de l’Internet est vital. Il est interdit qu’il s’arrête ", a-t-il affirmé.

L’annonce du ministre a suscité une immense colère parmi les employés qui ont reproché à M. Corm de ne pas fournir suffisamment d’efforts pour régler le problème que pose la dégradation affolante de leur pouvoir d’achat.

La réunion qu’une délégation les représentant a tenue avec le ministre a été particulièrement houleuse, avec des interventions très violentes de part et d’autre. Il n’en demeure pas moins que ni les fonctionnaires ni M. Corm veulent arriver à un point de rupture. Ce dernier a une nouvelle fois promis de relancer Najib Mikati pour qu’il convoque d’urgence un Conseil des ministres, peut-être lundi. Il attend son retour d’Arabie saoudite, où il s’était rendu mercredi pour la Oumra (petit pèlerinage à La Mecque) afin d’évoquer ce dossier avec lui.

Quoi qu’il en soit, il semble que jusqu’à jeudi soir l’armée n’ait pas été sollicitée, en attendant une éventuelle solution. De source bien informée au sein des forces régulières, on assure à Ici Beyrouth, que l’institution militaire n’a reçu aucun ordre de prendre en charge Ogero. " Ce sont des propos qui ont été échangés entre le Premier ministre et le ministre des Télécommunications. Nous n’en avons pas été officiellement notifiés ", ajoute-t-on de même source.

Le syndicat des employés d’Ogero ne s’oppose pas néanmoins à cette mesure, si jamais elle était décidée, même si elle ne les emballe pas. Contactée par Ici Beyrouth, la présidente du syndicat des employés, Émilie Nassar, affirme à son tour n’avoir aucune information précise à ce sujet. " Ce n’est pas notre décision, c’est la leur. Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer ", poursuit-elle.  Elle assure néanmoins que les portes d’Ogero sont " ouvertes à l’armée libanaise si elle veut prendre en charge l’institution ". " Les salariés poursuivent, quant à eux, la grève mais restent prêts à reprendre les négociations ", insiste-t-elle. Et de conclure: " En tant que citoyens libanais, nous n’entrons pas en confrontation avec l’armée ".

Corm veut un Conseil des ministres

De son côté, le ministre sortant des Télécommunications, également sollicité par Ici Beyrouth, précise que " toutes les décisions, qu’il s’agisse d’un recours à l’armée ou des revendications des employés, ne sont pas de son ressort, mais de celui du Conseil des ministres ". " Je n’ai d’ailleurs pas le droit de demander le concours de l’armée ", avance-t-il, avant de poursuivre: " Je réclame la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire avec à l’ordre du jour le dossier d’Ogero. Je ne dispose pas d’argent au ministère pour décider d’une quelconque augmentation.  Les recettes récoltées sont reversées au ministère des Finances. C’est pour cette raison que nous avons besoin d’une décision du Conseil des ministres, qui soit approuvée par le ministère des Finances ".

M. Corm réaffirme qu’il " n’accepte pas que les citoyens et l’économie soient pris en otage " et que " le bon fonctionnement du réseau Internet est vital dans la vie quotidienne ". Estimant que le meilleur moyen de sortir de la crise reste la négociation, il appelle de nouveau le syndicat des employés d’Ogero à suspendre sa grève et à revenir au dialogue " pour le bien du secteur des télécommunications et de tous les secteurs du Liban ".

Rappelons que les employés d’Ogero sont en grève ouverte depuis le 24 mars, après une grève partielle d’avertissement. Ils réclament une revalorisation de leurs salaires et prestations sociales ainsi qu’une indexation de ceux-ci sur le taux de change du dollar sur le marché parallèle.

Vendredi dernier, le syndicat avait réitéré cette demande et réclamé des fonds pour effectuer les travaux d’entretien afin qu’Ogero puisse opérer normalement.

Conséquence de la grève: les services de l’opérateur public, notamment l’Internet, fonctionnent très mal à travers le pays. Les dysfonctionnements ne font que s’aggraver au fur et à mesure que l’arrêt de travail se prolonge. Plusieurs lignes fixes sont en panne. Quant au réseau Internet, des nombreuses perturbations, voire des interruptions, sont signalées sur l’ensemble du territoire.

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