Les pouvoirs législatif et exécutif ne voient pas la revalorisation des salaires de la fonction publique et l’ouverture de nouvelles lignes de crédit du même œil. Placée sous les feux de la rampe, la procédure de débloquage des fonds pour les fonctionnaires suscite des interrogations et fait débat.

La revalorisation des salaires des fonctionnaires n’a de cesse de faire des remous et de susciter des débats tout comme l’ouverture de nouveaux crédits. Les augmentations accordées lors du Conseil des ministres du 18 avril vont coûter au Trésor public quelque 70.000 milliards de livres supplémentaires. Cette augmentation de la masse salariale est-elle réalisable du point de vue des finances publiques du Liban? L’État pourra-t-il assurer les fonds nécessaires pour financer ces augmentations? Ne vont-elles pas encore entraîner le pays dans une spirale inflationniste?  Ces questions étaient au cœur des discussions des commissions parlementaires mixtes qui s’interrogent sur les rentrées de l’État et ses dépenses puisque jusqu’alors la loi des finances pour l’exercice 2023 n’a pas été publiée.

En effet, plusieurs projets de lois nécéssitent des ouvertures de crédits. “Selon quel budget?”, se demande un député contacté par Ici Beyrouth, qui affirme que le gouvernement “patauge”. Pourtant, des sources au ministère des Finances assurent que le budget 2023, qualifié de “très bon”, est pratiquement prêt et celui de 2024 est en cours de préparation comme la loi le requiert. Ces mêmes sources indiquent que le budget répond à beaucoup de questions et prévoit tous ces financements.

Mais d’où viendront justement ces sources de financement?  “Les mécanismes de financement sont régis par des contrats, discutés au préalable, agrémentés de garanties”, indiquent les sources précitées précisant que “rien n’est laissé au hasard”.

Des vices de forme

De leur côté, les commissions parlementaires mixtes n’ont pas approuvé les ouvertures de crédits demandés par le gouvernement, dénoncant des vices de forme et critiquant quelques points sur le fond. Par conséquent les projets de loi pour ouvrir des crédits supplémentaires et exceptionnels n’ont pas obtenu le feu vert. Il a toutefois été convenu que les députés soumettent des propositions de loi relatives à ces crédits.

Ceux qui le souhaitent ont porté leurs remarques par écrit, vu que les formulations orales ont suscité des controverses et des altercaltions entre différentes parties. Les commissions arguent en premier lieu qu’il est constitutionnellement impossible pour un gouvernement sortant de soumettre des projets d’ouverture de crédits supplémentaires. “Ces projets de loi envoyés par le gouvernement souffrent donc d’un vice de procédure et ne sont pas recevables parce qu’une grande partie des députés ont estimé que ce gouvernement n’a pas le droit d’en envoyer. C’est en fait la procédure qui est mise en cause et non le contenu”, explique un député à Ici Beyrouth.

Il a donc été convenu de transformer ces projets de loi envoyés par le gouvernement en propositions de loi signées par les députés. Une fois remaniées de la sorte, les propositions seront acheminées vers l’Assemblée pleinière pour être votées… ou non. Le député interrogé estime que cette assemblée se tiendra la semaine suivant celle consacrée à l’élection présidentielle.

Des sommes faramineuses

Ces projets de loi exigent des ouvertures de crédits mettant en jeu des sommes faramineuses. Parmi ceux-ci, un crédit supplémentaire est sollicité, destiné à couvrir la différence relative aux allocations de transport provisoires des fonctionnaires qui s’élève à environ 1.545 milliards de livres.

Un autre vise à ouvrir une ligne un crédit de 255 milliards de livres au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur pour financer des gratifications aux professeurs de l’Université libanaise, afin de leur permettre de terminer l’année universitaire en cours.

De même, une subvention supplémentaire d’un montant de 1.955 milliards et 100 millions de livres, soit l’équivalent de 20,58 millions de dollars, est demandée pour la présidence du Conseil des ministres afin d’honorer les contrats d’exploitation, de maintenance et de supervision d’exécution à l’Aéroport international de Beyrouth.

228 millions de dollars d’aides sociales  

A noter que le ministre sortant des Finances Youssef Khalil a rendu jeudi dernier une décision relative à l’un de ces projets de financement concernant le décaissement d’une aide sociale temporaire à tous les fonctionnaires et retraités de la fonction publique. Cette démarche a engendré l’ouverture d’un crédit d’un montant de 21.232 milliards de livres, soit environ 228 millions de dollars.

Les salaires: plus de 70% des dépenses de l’État

A titre indicatif, le nombre des fonctionnaires représente environ 40% du nombre total des employés au Liban, la plus grande partie appartenant aux forces armées. Plus de 70% des dépenses de l’État sont consacrés au paiement des salaires des fonctionnaires et plus de 7.000 milliards de livres sont nécessaires pour payer les salaires et les retraites dans la fonction publique.