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L’heure de vérité a sonné. Le problème dépasse la question de l’avenir du gouvernorat de la Banque du Liban et sa représentativité confessionnelle. Où ira le Liban, l’Etat-nation, après le 31 juillet, date de l’expiration du mandat du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé? S’oriente-t-on vers un plongeon dans l’inconnu? Est-ce la chronique d’un chaos financier annoncé?

La deuxième audience des vice-gouverneurs de la BDL devant la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, qui s’est tenue jeudi à midi, n’a rien apporté de nouveau. Elle a été décevante à plus d’un égard, accentuant la peur d’un chaos financier, après le 31 juillet.

Est-ce suffisant que les quatre vice-gouverneurs aient fait savoir à leurs interlocuteurs au Parlement que leur approche d’une gestion et d’une sortie de crise est différente de celle suivie jusqu’à ce jour par le Conseil central de la Banque du Liban dont ils font pourtant partie, en vertu du Code de la Monnaie et du Crédit (CMC)? Comment expliquer leur "réveil" tardif sur ce plan? Ont-ils les moyens et les outils techniques de la politique monétaire qu’ils prônent?

Ils ont réclamé, à bon escient, une coordination totale entre les pouvoirs exécutif, législatif et le gouvernorat de la BDL afin de garantir une répartition des responsabilités au niveau de la politique monétaire, financière et économique, qui devrait être appliquée après le 31 juillet 2023. Ils ont cependant proposé un plan de travail avec des lignes directrices, qui est à la limite une réédition pastiche du plan de redressement financier avancé par le gouvernement et cautionné par le Fonds Monétaire International (FMI). Parallèlement, ils ont demandé que les chiffres du budget soient révisés de manière à prévoir des baisses graduelles du déficit budgétaire et donc une amélioration des recettes. Cette révision du budget 2023 a été aussi associée à une approbation des budgets 2023 et 2024 d’ici à octobre prochain. Des recommandations qui seraient difficiles mais pas impossibles à concrétiser si les différents blocs parlementaires font preuve d’un esprit consensuel, à l’heure où le devenir de la nation est en jeu.

Oui, le Liban est un pays sinistré. Oui, il est en danger au moment où des voix s’élèvent encore pour discuter du sexe des anges, notamment de l’étendue des prérogatives d’un gouvernement d’expédition des affaires courantes et de la légalité du vote des lois par la Chambre, devenue un collège électoral depuis septembre dernier.

Un dollar sans plafond

Quant à l’élimination graduelle de la plateforme de change de la BDL, Sayrafa, pour la remplacer par une plateforme de change électronique qui serait gérée par Bloomberg, Refinitiv ou autres, comme l’a annoncé le troisième vice-gouverneur il y a quelques jours, dans le cadre des réformes qui seraient éventuellement adoptées par les vice-gouverneurs, elle n’est pas sans danger. Certes, elle sera davantage transparente en termes de nomenclature des transactions, mais elle se transformera, du fait de la crise historique qui secoue le Liban, en un One-Way Market. Dans ce contexte-là, le taux de change du billet vert face à la livre n’aura plus de plafond.

Qui, à part la Banque du Liban, est en droit d’intervenir pour réguler le marché? Avec quels fonds le fera-t-elle? Les réserves obligatoires disponibles auprès de la BDL pour intervenir ont atteint leur limite, soit 9 milliards de dollars. De l’argent que nul ne doit toucher.

Des lettres de désapprobation

Le gouverneur de la BDL a bien financé l’Etat sur base de projets de lois adoptés par les gouvernements successifs, et votés par la suite par le Parlement. On lui reproche, cependant, de s’être montré particulièrement conciliant avec une classe politique, accusée à plusieurs reprises par la Banque mondiale de vivre dans "un déni total face à une population sinistrée". Mais faut-il se demander dans cet ordre d’idées si les lettres de désapprobation de cette politique adressées par les vice-gouverneurs au secrétariat général de la présidence du Conseil avaient une portée réelle sur le cours des événements? D’autant que selon certaines sources, les lettres en question ne dénonçaient que la politique de subvention de certains produits.

Ce que dit la loi?

Les vice-gouverneurs de la BDL pourraient menacer de jouer la carte de la démission, jusqu’au dernier quart d’heure. Mais cette option suscite une nervosité autant auprès des gouvernants que des gouvernés. Un avant-goût de ce plongeon vers l’inconnu a été expérimenté le week-end dernier lorsque la livre a dévissé face au dollar de dix points en moins de 24 heures.

La carte de la démission des vice-gouverneurs Wasim Mansouri, Bachir Yakzan, Salim Chahine et Alexandre Mouradian porte en elle des non-dits. Selon certaines sources, elle pourrait être interprétée comme une pression sur la classe dirigeante, la sommant soit de désigner un successeur à Riad Salamé, soit de consentir à une prorogation technique du mandat de M. Salamé, dans l’attente de l’élection d’un chef de l’Etat.

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