La livre libanaise a enregistré mardi un nouveau record de dépréciation, s’échangeant à près de 33.000 contre un dollar, moins de 24h après avoir atteint les 32.000 LL. Depuis le début de la crise en 2019, la livre a pratiquement perdu 95% de sa valeur. Pourtant, tous les financiers ne cessent d’affirmer que le marché libanais compte assez de liquidités en dollars, enfouis dans les maisons, ou sous forme d’aides provenant de l’étranger, ce qui, d’après eux, démontre que ce taux de change est artificiel. Nassib Ghobril, économiste en chef et directeur du département de recherche à Byblos Bank, a livré à Ici Beyrouth une petite analyse :

La BDL prend des mesures temporaires, mais elle ne peut pas faire grand-chose tant qu’il n’existe pas de décisions du côté de l’Exécutif et de vision globale pour une sortie crise ", explique Nassib Ghobril, directeur du Département de recherche à Byblos Bank.

La livre libanaise a enregistré mardi un nouveau record de dépréciation, s’échangeant à près de 33.000 contre un dollar, moins de 24h après avoir atteint les 32.000 LL. Depuis le début de la crise en 2019, la livre a pratiquement perdu 95% de sa valeur. Pourtant, tous les financiers ne cessent d’affirmer que le marché libanais compte assez de liquidités en dollars, enfouis dans les maisons, ou sous forme d’aides provenant de l’étranger, ce qui, d’après eux, démontre que ce taux de change est artificiel. Nassib Ghobril, directeur du Département de recherche à Byblos Bank, a livré à Ici Beyrouth une petite analyse :

Tout d’abord il faut remonter aux racines de la raison d’être d’un marché parallèle. Ceci a débuté avec la crise de confiance qui a commencé fin 2017 ou début 2018 avec de mauvaises décisions des autorités, ou absence de certaines décisions nécessaires qu’elles auraient dû prendre. Cette crise s’est étendue au fur et à mesure et a éclaté en septembre-octobre 2019. Ce qui a abouti au ralentissement des flux de capitaux et spécialement de dépôts vers le Liban. Ceci a créé un manque de liquidités en devises sur le marché libanais. Donc, pour la première fois en 27 ans, un marché parallèle a vu le jour.

Mais nous ne sommes pas le premier pays à subir un arrêt soudain des flux de capitaux. Notre problème, depuis le début de la crise, c’est qu’aucune mesure rapide n’a été prise pour limiter les dégâts et pour commencer à regagner peu à peu la confiance. L’une des mesures les plus basiques à prendre était d’instaurer la loi sur le contrôle des capitaux ; or, jusqu’à présent cette décision n’a pas été prise. Voilà plus de deux ans que la crise a éclaté et nous n’avons pris aucune décision efficace pour restaurer la confiance et limiter les dégâts. De plus, le défaut de paiement sur les Eurobons en mars 2020 a aggravé la situation et a arrêté le peu de capitaux qui étaient encore en train d’entrer au Liban.

Un vide comblé par les spéculateurs

Pour envenimer la situation, nous avons passé 13 mois sans gouvernement malgré tous les défis auxquels fait face l’économie libanaise. Lorsque nous nous sommes finalement doté d’un gouvernement, il s’est réuni deux fois et depuis le 12 octobre, c’est la paralysie. Ce manque de mesures pour au moins contenir la crise a créé un vide qui a été comblé par les spéculateurs et par les changeurs illégaux. On doit noter ici que le marché parallèle est un marché non transparent qui n’est soumis à aucune loi et n’est supervisé par aucune autorité, donc n’importe qui peut le manipuler via des applications et réaliser des bénéfices rapides. Il peut y avoir une demande du dollar sur le marché parallèle mais ce n’est pas la raison principale. Ce taux de change, que ce soit 20.000LL ou 30.000LL, est un taux artificiel ; ce n’est pas un taux qui dépend de l’offre et de la demande.

Quelle solution ?

M. Ghobril poursuit : La BDL prend des mesures qui sont temporaires, mais à elle seule, elle ne peut pas faire grand-chose tant qu’il n’existe pas de décision du côté de l’Exécutif et de vision globale pour sortir de la crise. Voilà un moment que l’économie fonctionne sans aucune visibilité.

En ce qui concerne le taux de change, ce que le FMI attend des autorités libanaises, c’est que le ministère des Finances et la Banque du Liban déterminent ensemble un mécanisme pour unifier les taux de change. Ce mécanisme fait partie intégrale du plan de sauvetage. Il doit être appliqué après la signature de l’accord avec le Fonds. Ce mécanisme peut être une libéralisation du taux de change d’une façon graduelle ou totale parce que le FMI favorise un taux de change déterminé par l’offre et la demande. Après la signature de l’accord, l’environnement sera complètement différent. Tout d’abord nous aurons une visibilité, il y aura une feuille de route. Des réformes doivent être appliquées. Le FMI commencera à débourser les fonds graduellement, et la Banque centrale pourra entamer la reconstruction de ses réserves en devises. Enfin, on peut regagner la confiance graduellement et l’économie commencera à fonctionner avec une perspective.

M. Ghobril conclut en disant qu’une fois que ce mécanisme sera appliqué avec une libéralisation totale du taux de change, la BDL aura suffisamment de devises pour intervenir sur le marché et limiter les fluctuations excessives du taux de change. Ce dernier, à ce moment, sera principalement déterminé par l’offre et la demande et non par les spéculateurs.