La tension dans la région, en particulier à la frontière libano-israélienne, a-t-elle contraint les hôpitaux au Liban à déclencher le plan blanc, qui désigne, grosso modo, le dispositif qui définit les modalités de gestion de crise d’un établissement de santé?

La problématique de la mise en place d’un plan blanc pour chaque hôpital opérant sur le sol libanais se pose dans le contexte d’une tension soutenue au Liban-Sud, en particulier le long de la frontière libano-israélienne.    

En deux mots comme en mille, le plan blanc d’un hôpital, connu sous diverses appellations selon les pays, comme "Disaster Management Plan" ou "Emergency Preparedness Plan" (EPP) permet d’anticiper une situation d’urgence sanitaire, en préparant la logistique et les ressources humaines adéquates. La réactivité et l’efficience de l’établissement hospitalier confronté à une situation impliquant une augmentation importante de son activité (afflux de blessés, de victimes et de patients) et/ou à une problématique altérant significativement sa capacité de prise en charge des patients pouvant nécessiter, dans certains cas extrêmes, leur évacuation de l’établissement, dépend de l’opérationnalité de son plan blanc et de la maîtrise de celui-ci par son corps médical, son corps paramédical et ses administrateurs.

Un corps hospitalier blindé

Si le plan blanc n’a pas été activé pour l’instant par les hôpitaux opérant au Liban, il n’en demeure pas moins qu’il existe nécessairement dans le business plan de chacun d’eux pour l’obtention de son accréditation. Dans les faits, les hôpitaux au Liban sont sur le qui-vive depuis la perturbation de la chaîne d’approvisionnement, qui a émergé à la suite du déclenchement de la crise multifacette en octobre 2019.  Depuis cette date, ils fonctionnent dans un environnement difficile, la précarité et le risque étant devenus l’état normal de gestion de leur activité. Il est clair par ailleurs que le corps hospitalier libanais est sorti aguerri en tirant les leçons du drame de la double explosion du port de Beyrouth en 2020 et de la pandémie de Covid-19 qui a suivi.  

Affluence massive de patients

Nassib Nasr, directeur de l’Hôtel-Dieu de France (HDF) est à l’aise devant un parterre de rotariens inquiets des développements sécuritaires au Liban-Sud. Il affirme que les conditions requises pour la mise en œuvre d’un plan blanc sont remplies, laissant entendre que les équipes médicales et paramédicales sont attentives et prêtes à réagir instantanément. Ce qui suggère une grande préparation et une disponibilité totale pour faire face à une situation d’urgence ou un évènement imprévu. En réponse à une question, il fait part d’un plan fin prêt pour répartir les patients en cas d’affluence massive sur les quatre établissements hospitaliers, membres du réseau de HDF, situés dans différentes régions libanaises. M. Nasr dévoile par ailleurs la mise en service, dans peu de temps, d’une flotte d’ambulance appartenant à HDF pour le transport des patients. Une mesure accueillie avec enthousiasme dans un pays où le déplacement pose une problématique pour un pan de la population. Quant à l’approvisionnement en médicaments, sérums et autres produits médicamenteux, HDF a obtenu en tant qu’établissement hospitalier universitaire, une licence pour l’importation directe de ses besoins en médicaments. L’hypothèse d’une rupture de stocks serait à écarter.

Libérer les stocks  

Interrogé par Ici Beyrouth, Sami Rizk, directeur du LAU Medical Center Rizk Hospital, assure sans ambages qu’une coordination accrue entre les acteurs des différents départements a été mise en place alors que, dans le contexte de la gestion des fournitures médicales, "nous avons commencé à libérer nos stocks". "Une libération d’espaces a été entamée dans trois services principaux:  les soins intensifs, l’un des trois blocs opératoires et les urgences", dit-il. De possibles évacuations de patients pourraient avoir lieu vers LAU Medical Center – Saint John’s Hospital situé à Jounieh.  "LAU Medical Center- Rizk Hospital est en parfaite disponibilité et capacité opérationnelle pour réagir aux différents scénarios d’urgence", relève-t-il.

Trois niveaux

Cela dit, les hôpitaux au Liban sont au niveau 1 du plan blanc sachant qu’il en existe trois. Le niveau 1 correspond à une situation préoccupante, mais qui peut être gérée par les moyens habituels des établissements de santé. Les mesures mises en place à ce niveau visent principalement à renforcer la coordination entre les différents acteurs de la santé et à préparer une éventuelle montée en puissance.

Quant au niveau 2, il est activé lorsque la situation devient plus critique et nécessite une augmentation significative des ressources médicales et hospitalières. Cela peut inclure la réaffectation de personnel, l’ouverture de lits supplémentaires, le rappel de personnel en congé, etc. L’objectif est de faire face à une augmentation importante de la demande de soins de santé. Le niveau 3 est le plus élevé et est déclenché en cas de catastrophe majeure ou de crise sanitaire exceptionnelle. À ce stade, toutes les ressources médicales et hospitalières disponibles sont mobilisées pour faire face à la situation. Cela peut inclure le renfort de personnel médical, la mobilisation de moyens logistiques supplémentaires, l’activation de centres de crise.

Attachés militaires

Des attachés militaires agréés auprès de missions diplomatiques occidentales ont effectué des visites d’exploration de certains hôpitaux de la capitale pour s’enquérir de la capacité des espaces libérés pour les cas d’urgence, a rapporté une source hospitalière à Ici Beyrouth. Selon cette source, de telles visites n’ont pas un caractère d’exception mais, dans le contexte actuel, ne représenteraient pas un signe de bon augure.