©Ramzi Haidar/AFP
La littérature sur ‘l’économie de la guerre’ est abondante. Ce qui est normal, les guerres le sont aussi. Et il y en a deux sortes en gros : 1- D’abord ’l’économie de guerre’ dans les pays développés et industrialisés. Elle est surtout axée sur la reconversion des capacités industrielles vers l’effort de guerre. Ainsi, caricaturalement, Renault pourra fabriquer des chars, Lacoste des uniformes de soldats, et Danone des rations de survie.
2- Puis, ‘l’économie de guerre’ dans les pays sous-développés. Elle privilégie l’assistance aux réfugiés, des soins médicaux aux blessés, et en général la continuité des chaines de distribution des denrées essentielles. Sans grand entrain, il est vrai, car les dirigeants dans ces pays se soucient en général peu de leurs sujets. Et ce sont les organismes d’assistance qui prennent la relève.
Puis il y a la troisième façon, la libanaise, qui se rapproche de la deuxième mais a ses particularités saillantes. Côté ludique, un ‘plan d’urgence’ a été mis au point par le dernier Conseil des ministres en cas de guerre; quelque 200 pages de littérature aussi soporifique que risible. Les propos prononcés après la réunion étaient d’ailleurs si creux qu’ils ont trébuché dedans. Ces gens sont vraiment impayables.
Plus sérieusement, on a eu assez d’expériences de guerre pour en tirer les traits essentiels. C’est au Liban d’ailleurs qu’est née l’expression ‘les riches de guerre’, dont l’origine remonte à la Seconde Guerre mondiale, mais qui s’est constamment avérée depuis. C’est dire combien notre CV est bien fourni.
- Ainsi, en cas de destruction due à la guerre, à supposer qu’on ait l’argent nécessaire (ce qui est peu probable), on a tendance à passer des contrats de reconstruction de gré à gré ‘’pour parer aux urgences de la situation’’. Voilà une bonne source de revenus. Le Hezbollahi ministre des Travaux Publics semble avoir arraché cette dérogation au dernier Conseil des ministres.
La pratique était courante par le passé, en temps de guerre comme de paix. Mais, depuis le nouveau code des marchés publics, cet empêcheur de tourner en rond qu’est devenu son président Jean Allieh, c’est devenu fastidieux. En cas de guerre, au moins on pourra y échapper. C’est déjà ça de gagné.
- Le marché de l’immobilier commence déjà à connaître un petit essor, avec des familles sudistes qui louent des appartements par précaution dans des zones à l’abri. Mais avec le chaos qui va régner, un phénomène déjà existant va s’amplifier. C’est la ruée de familles, victimes de la guerre ou simples profiteurs, qui vont squatter des terrains publics, domaniaux, ou même privés, pour construire à la hâte des logements de fortune. On a déjà assisté en pareils cas à une demande anormale de ciment.
- Les organismes humanitaires, généralement minutieux dans leur gestion sur la distribution de l’aide, auront tendance à relâcher un peu leur attention devant l’urgence des besoins vitaux. Et ce sont les trafiquants qui vont prospérer de nouveau. Déjà, lors de la période de subvention des années 2020-2022, on a même trouvé des produits subventionnés dans les supermarchés du Congo.
- Puis, plus largement, c’est l’économie informelle, déjà dominante, qui va connaître encore un essor dans le chaos général. Tous les secteurs seront touchés, principalement le commerce et la petite industrie. L’inflation qui va s’envoler, en dollar, fera le reste.
- Pauvre tourisme. À peine le secteur a relevé la tête qu’il devrait subir un choc traumatique. Ce qui devrait réjouir encore plus le Hezbollah, qui voit d’un mauvais œil une telle activité florissante, et indécente, échapper à sa nuisance.
- Le Hezbollah justement, comme en 2006, va exiger de recevoir les ‘dividendes de la victoire’. Et ce quelle que soit l’issue du conflit. On peut avoir rasé le sud, miné les infrastructures, tué des centaines, blessé des milliers, le Hezb aura gagné quand même, et ‘divinement’. Ces dividendes devront se traduire sur le plan politique comme économique: un Frangié à Baabda, un simili-Mikati au Sérail, quelques bons ministères bien juteux, dont évidemment les Finances, et un contrat au profit de son Jihad-Al-Binaa pour la reconstruction. L’argent du Mehdi perse fera l’affaire, avec ce que le gouvernement aura peut-être reçu ou raclé.
Car il ne faut pas se tromper, les guerres sont aussi une histoire de business mal réglée. Elles consistent à choisir à qui on va prendre le fric et à qui on va le donner.
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