Réforme des PPP au Liban: moderniser sans les erreurs du passé
Réforme des PPP au Liban: un nouvel espoir pour les infrastructures? ©Ici Beyrouth

Le ministre des Finances, Yassine Jaber, fait du partenariat public-privé (PPP) l’un des piliers de sa stratégie économique. Déterminé à moderniser un cadre législatif jugé obsolète, il a annoncé, mardi, une révision imminente de la loi sur le PPP, en vigueur depuis 2017, afin de stimuler les investissements dans les infrastructures, un levier clé de toute relance durable. Car aujourd’hui, le Liban n’a clairement pas les moyens de ses ambitions.

Le ministre des Finances, Yassine Jaber, veut une loi mieux pensée, plus efficace et tirant les leçons d’un passé jugé décevant, sur le partenariat public-privé. Il n’a d’ailleurs pas mâché ses mots à ce sujet: dans une déclaration au quotidien An-Nahar, début juillet, il a violemment critiqué le contrat de PPP conclu entre Électricité du Liban (EDL) et les fournisseurs de services, le considérant un «gros mensonge». Un accord qui, selon lui, aurait dû être annulé depuis longtemps.

En parallèle, le ministre monte au front pour accélérer la nomination des membres des Autorités de régulation dans les ministères de services, laquelle constitue un chaînon essentiel sans lequel aucun partenariat public-privé ne peut être légalement conclu. Pas d’instance, pas de contrat.

PPP et actifs de l’État  

Pendant des décennies, les débats d’économie publique étaient dominés par une opposition idéologique entre partisans de la gestion publique et défenseurs du secteur privé. Fallait-il que l’État détienne les infrastructures stratégiques, ou devait-il s’en dessaisir au profit du marché? Aujourd’hui, ce clivage s’estompe: l’enjeu n’est plus qui possède quoi, mais qui est le plus efficace.

C’est de cette recherche d’efficience qu’est né le concept de partenariat public-privé (PPP). Il ne s’agit plus pour l’État de tout construire, financer et gérer lui-même. Désormais, dans de nombreux cas, le privé finance, construit, exploite, tandis que le public supervise, contrôle la qualité et régule les prix. Ce modèle hybride permet d’allier les forces de chacun: la réactivité, la compétence, et les moyens du secteur privé, la mission d’intérêt général de l’État.

Des PPP non ou peu formalisés au Liban

Huit ans après l’adoption de la loi sur le partenariat public-privé (PPP), le Liban ne compte que très peu de projets formalisés dans ce cadre, sachant que le PPP se décline en de multiples types d’accord de partenariat. Certaines expériences en portent uniquement les prémices. À commencer par la gestion des déchets à Beyrouth, longtemps assurée par la société Sukleen dans le cadre d’un contrat «assimilable» à une délégation de service public.

Autre exemple emblématique: la production d’électricité. Les générateurs privés, omniprésents dans le paysage libanais, comblent depuis des années les défaillances d’EDL sans régulation claire ni contrat structuré. Même constat dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, où, dans certaines régions, des entreprises privées assurent la gestion quotidienne du secteur hydraulique, parfois sous l’égide d’organismes internationaux.

Mais pour que de véritables PPP voient le jour et réussissent, trois conditions restent incontournables: une stabilité institutionnelle durable, une transparence totale dans la passation des contrats et, surtout, une autorité de régulation solide et indépendante.

Pas de régulation forte, pas de partenariat équitable

«Dans les services publics, aucune exécution équitable ni encadrée des contrats de partenariat public-privé (PPP) n’est possible sans la présence d’une autorité de régulation indépendante», affirme la professeure Nicole Ballouz Baker, interrogée par Ici Beyrouth. Pour elle, cette instance constitue un maillon incontournable, garant de l’équilibre entre les partenaires publics et privés.

Car en cas de litige, l’État, partie prenante au contrat, ne peut pas être à la fois juge, partie et régulateur, avertit-elle. Autrement dit, il est impératif d’éviter toute dualité des rôles, qui compromettrait la transparence et l’équité contractuelle, quel que soit le modèle de PPP adopté.

Des risques souvent sous-estimés

L’économiste Ballouz-Baker met en garde contre les illusions que suscite parfois le recours aux PPP, notamment dans des pays fragiles, sur les plans financier et institutionnel, comme le Liban.

«Le partenariat public-privé n’est pas une baguette magique», tranche-t-elle. Par nature, ces contrats à long terme, souvent étalés sur dix ou vingt ans, ne peuvent pas anticiper tous les imprévus. Les renégociations sont fréquentes et s’accompagnent souvent de ce qu’on appelle des coûts de transaction élevés: procédures complexes, délais rallongés, dépenses juridiques…

Et ce n’est pas tout. Dans des contextes dans lesquels les garde-fous institutionnels sont faibles, les risques de corruption, de népotisme et de favoritisme explosent.
«Des alliances opaques entre décideurs publics et opérateurs privés peuvent fausser la concurrence et dévoyer l’esprit même du partenariat», alerte-t-elle.

Au Liban, le défi est clair: bâtir des institutions solides pour tirer le meilleur du partenariat public-privé, sans en subir les dérives.

 

 

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