La première réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue lundi matin au Palais de Baabda sous la présidence du chef de l’État Michel Aoun, après trois mois et demi d’inertie, a permis au gouvernement d’approuver plusieurs mesures de soutien à la population face à la crise socio-économique, notamment l’augmentation des indemnités de transports pour les secteurs public et privé, ainsi que des aides sociales aux fonctionnaires. Mais comment le gouvernement va-t-il financer ces promesses, très probablement liées aux prochaines élections législatives, sans Grever encore plus le budget d’un État totalement défaillant ?

Les frais de transports sont ainsi passés à 64.000 livres libanaises par jour pour le secteur public et 65.000 LL par jour pour le privé. Pour les militaires, ces indemnités de transport seront d’un million deux-cent mille livres libanaises par mois. Les salaires des enseignants contractuels dans les écoles publiques et instituts techniques ont également été " modifiés ", selon les termes du ministre de l’Information par intérim et de l’Éducation, Abbas Halabi.

D’autre part, le ministre des Finances, Youssef Khalil, a assuré qu’il n’y aura pas de nouvelles taxes et que le dollar douanier adopté sera celui de la plateforme Sayrafa qui était de 22.700 LL lundi contre un dollar au marché noir, oscillant autour de 23.500 LL. Il a souligné que toutes les rumeurs qui circulent sont fausses concernant le déficit, et le chiffre de 30% n’est pas conforme à la réalité, puisque le déficit est calculé à partir du Produit intérieur brut et non à partir des dépenses totales. M. Halabi a ajouté que les ministres ne se sont pas encore mis d’accord sur le taux de change officiel qui devrait être adopté.

Dans ce contexte, le mouvement Amal s’est dit, lundi, opposé à tout nouvel impôt. Mais comment payer les augmentations avalisées au cours du Conseil des ministres, sachant qu’elles vont couter environ 15 mille milliards de livres libanaises au Trésor. Selon les derniers chiffres disponibles, la fonction publique compte quelque 10 mille fonctionnaires auxquels il faut ajouter 7 à 8000 contractuels et dans l’Éducation nationale quelque 55 mille, soit un total de 73 mille fonctionnaires. Le nombre de militaires est par ailleurs estimé à environ 115 mille.

Hérésies budgétaires

Selon un économiste, spécialiste des finances libanaises, ce qui est sidérant c’est que les chiffres ne vont pas de pair avec les mesures de soutien envisagées. De plus, qu’attendons-nous aujourd’hui d’un budget pareil ? On voudrait d’abord qu’il soit compatible avec un programme du Fonds monétaire International, ce qui n’est pas le cas. Il faudrait qu’il apporte des solutions sociales, or il n’en apporte pas. Il faudrait qu’il remette à niveau le pouvoir d’achat d’une certaine catégorie sociale, ce qui n’est pas le cas, et il devrait relancer la machine, il ne le fait pas.

En bref, c’est un exercice qui est fait parce que le gouvernement veut montrer qu’il est actif. " D’ailleurs, il est très clair que ce budget ne sera pas approuvé, souligne l’économiste précité. Je pense que ce qui est fait c’est simplement prétendre qu’on travaille sur un budget. C’est malheureux. D’ailleurs, c’est la constance depuis deux ans, depuis que le plan de redressement a été saboté. Il ne se passe rien absolument rien. Ils sont en train de laisser le pays couler ", ajoute l’expert en question, avant de souligner que comme d’habitude, nous nous trouvons face à des promesses, des hérésies budgétaires.

Et d’ajouter : " De plus, les politiques essentielles de l’Etat sont les politiques de recettes, et c’est une des politiques les plus importantes. Comment voulez-vous qu’on confie cela à un seul ministre dans un système où si tout le monde n’est pas d’accord rien ne fonctionne. C’est une plaisanterie ! C’est une façon de dire que rien ne sera fait et si quelque chose est fait nous n’en assumons pas la responsabilité ".

Aujourd’hui, le problème libanais n’est pas budgétaire mais monétaire, en raison d’un manque de dollars sur le marché et de l’existence de plusieurs taux de change. " Dans ce cas, on ne commence pas par le budget. C’est une façon de dire aux Libanais je fais semblant de travailler mais en fait je ne changerai rien ".

Fouad Siniora, ancien ministre des Finances, n’en pense pas moins. Pour lui aussi, ce budget est une hérésie. Nous vivons le résultat de 46 ans de déficit et de mauvaise gestion. Il y a des réformes nécessaires à faire pour sortir la tête de l’eau.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !