La lumière à l’autre bout du gazoduc
Gaz égyptien, électricité jordanienne... les mesures prises pour alléger le poids de la pénurie ont, certes, le mérite d'être moins coûteuses que les solutions adoptées dans le passé. Mais ces remèdes provisoires ne doivent pas oublier l'urgence de trouver des solutions viables à long terme.



Les faits d’abord

En décembre 2021, le Liban a annoncé le début des travaux sur le projet de relance du Gazoduc arabe (Arab Gas Pipeline, ou AGP) dans le but d’importer du gaz naturel de l'Égypte. La société égyptienne Technical Gas Services s’occupera des rénovations nécessaires. L’accord avec l’Égypte vise à fournir près de 650 millions de mètres cubes de gaz par an.

Le gaz atteindra la station de Deir Ammar, au nord du Liban. Il sera cheminé via l’AGP, construit au coût de 1.2 milliard de dollars, pour acheminer du gaz naturel égyptien vers la Jordanie, la Syrie et le Liban. Il a une longueur totale de 1200 kilomètres environ. Le projet risque toutefois de faire profiter le régime autocratique syrien ainsi que la Russie.

Le rôle que joue la Syrie dans l’accord est plutôt surprenant, puisque le gouvernement syrien est frappé par des sanctions non seulement américaines, mais également de la part de l’Union européenne, la Suisse, le Canada, l’Australie et la Ligue arabe. Malgré ces sanctions, imposées pour le rôle du régime Assad dans la guerre civile et les exactions commises par l’appareil de l’État sur les civils, les États-Unis ont soutenu le projet permettant la reprise du flux de gaz naturel de l'Égypte vers le Liban via la Syrie. Washington a d’ailleurs assuré que le Liban ne sera pas concerné par les sanctions sur la Syrie.

Quant à la Russie, elle bénéficiera indirectement puisque le Liban a signé un accord avec le géant russe Rosneft en 2019. Les sources officielles ont affirmé que Rosneft se chargera de la modernisation ainsi que de la réhabilitation des réservoirs. Un chantier qui doit durer 18 mois.

Ces mesures sont censées réduire les pénuries aiguës d’électricité qui paralysent le pays depuis des mois. Le but est de faire passer l'approvisionnement quotidien en électricité de seulement deux heures actuellement, dans la plupart des régions du pays, à environ huit heures par jour.


Néanmoins, le ministre libanais de l'Énergie, Walid Fayad, a déclaré que l'accord n'entrerait pas en vigueur immédiatement, car le gouvernement négocie toujours avec la Banque mondiale pour finaliser les modalités de financement, dont les détails devraient être annoncés dans deux mois.

M. Fayad avait précédemment déclaré que l'Égypte attendait également le feu vert américain nécessaire pour contourner les sanctions US contre Damas.

Quelle solution à long terme ?

Dans la théorie économique, pour pouvoir demander un bien ou un service dans un marché libre, il faut d’abord offrir ce bien ou ce service. La production doit précéder la consommation, puisqu’il est impossible de consommer ce qui n’existe pas. De plus, l’Etat libanais est lourdement endetté et inefficace, il est alors nécessaire de trouver un moyen d’assurer une croissance soutenable et non artificielle, c’est-à-dire misant sur des solutions provisoires et coûteuses.

Promesse après promesse, ce n’est que le 26 janvier 2022 qu’un accord va être signé par le pays du Cèdre et la Jordanie, avec l’appui des États-Unis. L’accord permet d’importer de l’électricité de Jordanie afin de combler partiellement les besoins du marché libanais. Il est utile de noter à ce propos que la production jordanienne dépend lourdement du gaz importé d’Égypte.

L’électricité est un bien de première nécessité et les gens sont prêts à payer pour en avoir. C’est donc une excellente opportunité pour le développement d’un marché compétitif. Si l’État libanais veut régler le problème énergétique pour de bon, il peut commencer par adopter des mesures libérales favorisant la compétition afin d’attirer les investissements étrangers. Dans une atmosphère compétitive, le succès financier d’une entreprise reflète et dépend de la satisfaction qu’elle apporte à ses clients. Alors que dans un système de monopole étatique, l’EDL a le pouvoir de hausser ses prix en baissant la qualité de ses services, et son revenu est donc assuré par la taxe que nous sommes forcés de payer, au lieu du prix du service que nous consommons. De ce fait, à long terme, la privatisation de l’électricité est la seule solution réaliste envisageable.

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