Les dés ne sont pas définitivement jetés concernant la loi de finances. Chaque article du budget, voté par la Chambre des députés, est susceptible d’un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel, une fois le texte promulgué et publié au Journal officiel.

La mouture définitive du budget 2024 n’avait pas encore été mise en circulation, qu’un article introduit au texte a suscité une levée de boucliers, lors de la séance de vote du budget au Parlement, à l’initiative du député Waël Bou Faour (Rencontre démocratique-PSP). Cet article porte sur l’assujettissement à "une taxe exceptionnelle de 10%" des entreprises et des commerçants qui ont bénéficié pour leurs achats, de dollars destinés à financer l’importation de produits subventionnés, sachant que la politique de subvention a été abolie depuis plus d’un an et demi.

Selon plusieurs sources parlementaires concordantes, la proposition de "la taxe exceptionnelle" aurait été avancée lors du dernier quart d’heure du débat budgétaire, au cours duquel les élus du peuple avaient pourtant approuvé article par article le projet de budget.

D’après les mêmes sources, l’approbation de cette proposition a eu lieu d’une manière "précipitée et impulsive" à la clôture de la séance de vote, au milieu d’un brouhaha, qui ponctue comme à l’accoutumée les débats budgétaires dirigés par le président de la Chambre, Nabih Berry. Ce dernier est réputé pour une ligne de conduite unique en son genre, qui consiste à prendre les votes pour "acquis" sans même regarder l’audience. Il est ainsi connu pour son célèbre "souddik" (voté) ponctué du traditionnel coup de marteau, avant même que les députés n’aient eu le temps de lever le bras en signe d’acquiescement.

La contrebande

La problématique est d’identifier les parties qui ont réellement profité des "dollars des subventions". Est-ce le consommateur final, les sociétés importatrices ou quelqu’un d’autre?

De nombreuses entreprises, qui opèrent en conformité avec les lois en vigueur, se sont ainsi retrouvées sur le banc des accusés pour gaspillage des subventions alors que tout le monde sait que les produits subventionnés ont fait l’objet d’actions de contrebande à grande échelle vers la Syrie, ce pays limitrophe, dont la frontière poreuse avec le Liban, s’étend sur environ 375 kilomètres. Comment récupérer tous ces billets verts qui sont sortis du territoire national?

À cela s’ajoute deux autres inconnues, celle de la quantification des dollars débloqués dans le cadre de la politique de subventions et le nombre des entités qui en ont profité en l’absence de données fournies par la Banque du Liban (BDL).

L’argumentaire de Bou Faour

Pour le député Waël Bou Faour, il s’agit "d’une taxe et non pas de la récupération des fonds subventionnés". Dans son argumentaire, il souligne que "certains commerçants ont pu faire sortir leur argent du Liban grâce aux opérations d’importations de produits subventionnés". Il estime aussi que ces derniers ont profité "d’un traitement préférentiel dans des circonstances exceptionnelles, avec l’argent des déposants, même si c’est l’État qui avait autorisé un tel comportement".

Un raisonnement qui tient la route, mais qui a besoin de plus d’élaboration en termes de détails, surtout dans le but de déterminer les entreprises qui ont eu recours à ce processus. À partir de là, tout se jouera au niveau des décrets d’application que le ministre sortant des Finances aura le choix d’adopter ou de s’abstenir de le faire.

Une subvention pas si simple   

Du côté des commerçants, ceux rencontrés par Ici Beyrouth n’ont pas mâché leurs mots. Ils ont parlé de "racket" de la part de l’État, d’"improvisation irraisonnée", de "chaos", et de "populisme".

Ils ont évoqué un mécanisme précis pour la subvention de certains produits importés, lequel a permis, selon eux, à la Banque du Liban (BDL) de contrôler "les dollars des subventions".

Dans les faits, les achats subventionnés sont effectués par des transferts faits directement par la banque centrale. Ainsi, les dollars débloqués à cette fin se retrouvent directement dans la poche des fournisseurs internationaux, d’après les commerçants interrogés. Ces derniers ont affirmé qu’aucune piastre ne rentre dans leurs comptes bancaires puisqu’ils placent les montants dédiés à l’importation en livres auprès de la BDL, qui, à son tour, les convertit en dollars.

Une affaire à suivre de près.

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