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Pas l’ombre d’une solution en vue à la crise croissante entre le ministre des Télécommunications du gouvernement sortant, Johnny Corm, et le syndicat des employés des compagnies de téléphonie mobile au Liban, Alfa et Touch. Jusqu’à présent, le ministre a refusé de signer la nouvelle convention collective de travail demandée par les employés, arguant que, compte tenu des circonstances actuelles, les dispositions de cette convention imposeraient des charges supplémentaires aux deux entreprises.

Les employés exhortent le ministre des Télécommunications à signer la convention collective de travail telle quelle, tandis que celui-ci tente de renforcer les fonds de l’État en réduisant les bénéfices, notamment en retenant les salaires en dollars. Il convient de noter que Touch et Alfa déduisent certaines dépenses des revenus cellulaires, dont les salaires de leurs employés, avant de transférer l’excédent sur le compte du ministère au titre de contribution au trésor provenant du secteur cellulaire. Par conséquent, le ministère considère l’insistance des employés à percevoir l’intégralité de leurs salaires en espèces et en dollars comme une demande presque extravagante. Des sources ministérielles confirment que M. Corm maintient fermement son refus de négocier avec les employés tant que la grève n’est pas levée sans condition. Pendant ce temps, le syndicat représentant les employés et les travailleurs des entreprises opérant dans le secteur cellulaire poursuit la grève, attendant le rajustement et le paiement intégral des salaires en dollars frais, ainsi que la signature de la convention collective de travail.

Des sources proches de M. Corm confirment également que le syndicat ne travaille pas dans l’intérêt des employés. Cela remonterait à 2013, lorsque l’ancien ministre des Télécommunications, Nicolas Sehnaoui, avait signé une convention collective avec le syndicat des employés des compagnies de téléphonie mobile. M. Corm estime qu’à cette époque, la situation financière de ces dernières était bien meilleure, avec un excédent dans le secteur et des fonds disponibles en abondance.

Aujourd’hui, la donne a changé. Selon certaines sources, la signature de la convention collective entraînera des dépenses de dizaines de millions de dollars pour le ministère et les deux entreprises. Selon certaines informations, il envisagerait de tenir une conférence de presse pour annoncer qu’il se dessaisira du dossier après avoir divulgué les détails de la convention collective de travail, notamment les avantages actuels et les salaires supplémentaires perçus par les employés. Il aurait déclaré, dit-on: "Je parlerai aux médias, je divulguerai, chiffres à l’appui, ce qu’ils reçoivent actuellement et ce qu’ils exigent, et je laisserai l’opinion publique en juger. Ensuite, je me dessaisirai du dossier."

Le syndicat des employés des compagnies de téléphonie mobile du Liban s’oppose vigoureusement à tous les arguments de M. Corm pour ne pas signer la convention collective. Celle-ci aurait dû être signée à l’expiration de la précédente, le 19 novembre 2023. Les employés soulignent que l’ancien ministre des Télécommunications, Mohamad Choucair, a signé la convention collective de travail sous le gouvernement intérimaire, rendant ainsi invalide l’argument de Corm. Le syndicat a exhorté tous les employés à se conformer à la décision d’arrêter de travailler, soulignant leur responsabilité envers eux-mêmes, leur famille et leurs collègues. Il a également appelé tout le monde à ne pas céder à d’éventuelles menaces ou pressions tant que leurs droits, maintenant connus de tous, ne seront pas sécurisés par la signature de la convention collective et l’évaluation réelle des salaires.

Il conviendrait de distinguer entre le problème actuel et le désaccord existant entre le ministre des Télécommunications, Johnny Corm, et le syndicat des employés des compagnies de téléphonie mobile. Selon le droit du travail, "une convention collective est un accord qui régit les conditions de travail entre une partie, représentée par un ou plusieurs syndicats ou fédérations, et une autre partie, constituée par un ou plusieurs employeurs individuels ou un représentant d’un organisme professionnel". Dans le cas du ministère des Télécommunications et des compagnies de téléphonie mobile ainsi que de leur relation avec les employés, la convention collective est automatiquement renouvelée tous les deux ans pour une période supplémentaire de deux ans.

Le syndicat entame des négociations avec le ministre des Télécommunications six mois avant l’expiration de la convention de quatre ans afin d’améliorer ses conditions au bénéfice des employés. Le syndicat a commencé les négociations avec le ministre des Télécommunications en mai 2023 concernant l’amélioration des conditions. Les choses avançaient positivement jusqu’à ce qu’un désaccord éclate entre le ministre et le syndicat sur certains avantages et promotions, ainsi que le traitement des employés par le ministère. Une série de grèves menées par le syndicat des employés a, soit abouti à des améliorations des conditions de travail, des salaires et des avantages, soit à des promesses qui n’ont pas encore été tenues. Des employés affirment que, pour des raisons inconnues, M. Corm a reporté la signature de la convention collective négociée après l’expiration de la précédente, en novembre 2023. Le ton est monté au point que, selon des employés, Johnny Corm aurait menacé de licencier plusieurs salariés si la grève n’était pas levée, causant une certaine appréhension parmi les employés.

Revenant sur les détails de la convention collective et ses termes clés (l’ancienne convention signée entre le ministre des Télécommunications et le syndicat des employés), il aurait été fait mention des points suivants:

Une augmentation annuelle des salaires des employés – et non pas une prime discrétionnaire –  déterminée en fonction de leur productivité.

Une prime annuelle équivalant à 2,5 fois le salaire de base, laquelle n’a pas été versée aux employés depuis 2019. Initialement, le syndicat avait négocié et accepté de la réduire à 1,7 à 2 fois le salaire de base. Finalement, le syndicat a accepté une prime de 1,5 fois le salaire de base, engagement qu’aucune des deux compagnies n’a respecté, malgré la convention collective qui stipulait un ratio de 2,5 fois.

Une allocation quotidienne de repas: l’ancienne convention stipulait qu’une allocation de 5.000 livres libanaises devait être versée aux employés pour chaque jour de travail, allocation qu’ils n’ont pas reçue depuis 2019.

Une assurance maladie: la convention collective stipule que tous les employés (ainsi que leurs conjoints et enfants) ont droit à une assurance maladie en première classe (In & Out) dans tous les hôpitaux libanais, à l’exception du Centre médical de l’université américaine (AUBMC), de l’Hôpital Saint-George (Roum) et du Centre médical de l’université libano-américaine (LAUCM) – Hôpital Rizk.

Des allocations éducatives pour les enfants: les enfants des employés bénéficient, par an et par enfant, de 4.000 dollars pour les frais scolaires et de 6.000 dollars pour les frais universitaires. Cependant, à la suite de la crise, les compagnies ont commencé à verser uniquement 25% de cette allocation annuelle à l’avance, le reste étant conservé à la banque sous forme de " lollars ".

Parmi les principaux amendements apportés à la convention collective que le ministre intérimaire rechigne à signer:

La mise en place d’une fourchette de primes discrétionnaires comprise entre 1 et 2,5 fois le salaire des employés. Cette mesure signifie que certains individus "privilégiés" ne pourront pas bénéficier pas d’une augmentation plus importante.

Une augmentation de l’allocation quotidienne pour les repas de 5.000 livres libanaises à 5 dollars.

Tout en maintenant les clauses énoncées dans l’ancienne convention, dont les allocations éducatives seules doivent être intégralement respectées, les employés ont accepté de ne pas bénéficier de certaines dispositions de la convention telles qu’énoncées. Ainsi une réduction du niveau de la couverture médicale et l’exemption de certaines interventions médicales de la couverture. Alors que la convention leur assure en principe les meilleurs niveaux de couverture, sans spécification d’hôpitaux, et couvre toutes les interventions médicales.

La grève des employés des compagnies de téléphonie mobile se poursuit sous le slogan "Notre force réside dans notre unité". Le syndicat maintient une communication avec le président de la Commission de l’information et des télécommunications, les députés Ibrahim al-Moussawi et Farid al-Khazen, qui sert de médiateur entre le syndicat et M. Corm, étant politiquement proche de lui. Par ailleurs, M. Corm réaffirme qu’il ne transmettra pas à son successeur – quel que soit le ministre des Télécoms dans la prochaine phase – les charges de la convention collective réclamées par les employés, qui s’élèvent à environ 10 millions de dollars.

Quant aux employés, ils rejettent fermement ces chiffres, estimant que le coût de la mise en œuvre des amendements proposés à la convention collective ne dépasse pas 1,5 million de dollars par an pour les deux compagnies.

L’impact négatif de la grève est intimement lié au facteur temps. Plus le ministère tardera à signer, plus les conséquences seront dramatiques. Les premières se sont traduites par une baisse des services de télécommunications et d’internet dans différentes régions, notamment dans le Sud, le Nord et Beyrouth. En effet, de nombreuses stations de transmission appartenant aux deux compagnies y ont arrêté leurs activités en raison d’interruption de maintenance.

En outre, la réticence persistante de M. Corm à signer la convention signifie que les employés persisteront dans l’interruption de leur travail. Par conséquent, on prévoit une rupture de cartes prépayées (SIM) sur le marché, ce qui pourrait entraîner leur circulation sur le marché noir et une augmentation subséquente des prix.

À ce stade, des sources ont indiqué que le ministre a chargé l’un de ses proches collaborateurs de contacter les agents et de leur demander de se présenter au ministère mardi prochain pour remettre les cartes SIM. Cette démarche les mettrait en opposition frontale avec les employés en grève qui refusent de remettre les cartes.

Corm a décidé de porter cette question à l’attention du gouvernement, optant pour présenter le dossier au Cabinet afin qu’il décide de la signature de la convention collective. Cependant, selon le syndicat, le Cabinet n’a pas compétence en la matière. Les précédents ministres des Télécommunications ont rapidement signé la convention, et le syndicat perçoit la démarche de M. Corm comme une tentative de déplacer la responsabilité et de retarder le processus de signature. Un membre du syndicat affirme que le ministre devrait signer la convention collective et s’abstenir d’actions arbitraires concernant la promotion de certains employés ou l’augmentation de leurs salaires.