Un scandale de plus ébranle les Libanais et montre à quel point la corruption est ancrée dans le pays. Il s’agit de l’affaire du blé et du riz introduits sur le marché libanais alors qu’ils étaient avariés et nocifs pour la santé.
Un communiqué de l’Association du consommateur au Liban mettant en garde contre du «riz cancérigène» et du «blé moisi» a semé la panique parmi les consommateurs au Liban.
D’après le communiqué, «24 tonnes de riz cancérigène et 4.506 tonnes de blé moisi auraient été distribuées au Liban, malgré une décision des autorités concernées (ministère de l’Agriculture) interdisant leur mise sur le marché». Ce qui montre à quel point la gangrène qu’est la corruption mine les différents secteurs du pays, et à tous les niveaux, chacun agissant pour servir ses propres intérêts, faisant fi de la santé des citoyens.
L’Association du consommateur au Liban affirme qu’elle «se prépare, avec un groupe d’avocats, à engager des poursuites contre les entreprises responsables du délit d’empoisonnement de milliers de citoyens». Dans son communiqué, elle appelle «les autorités judiciaires et exécutives, notamment les ministères de l’Agriculture, de l’Économie et de la Santé, à révéler le nom de l’importateur, à retrouver les commerces auxquels ce riz a été distribué, à retirer la quantité restante du marché et à interdire l’importation de cette marque».
Les faits
Mais que s’est-il réellement passé? Concernant le blé, le président du syndicat des minotiers, Ahmad Hoteit, explique à Ici Beyrouth que «le navire chargé de cette céréale a accosté au Liban, il y a de cela quatorze mois, et était destiné au minotier Chabarek». Selon la procédure suivie au Liban, «la cargaison est vidée dans des silos que les douanes scellent après avoir prélevé un échantillon. L’importateur ne peut disposer de sa marchandise qu’une fois obtenus les résultats des tests effectués par le ministère de l’Agriculture», poursuit M. Hoteit.
«Les résultats des analyses ont montré que la cargaison était altérée et, par conséquent, son déchargement a été interdit, raconte M. Hoteit. Le minotier a demandé de refaire les tests au laboratoire, mais le ministère de l’Agriculture a refusé. Le minotier s’est donc adressé au juge des référés du Metn qui, accompagné de représentants des douanes et d’un expert du ministère de l’Agriculture, a prélevé un nouvel échantillon pour de nouveaux tests qui ont été effectués dans un second laboratoire accrédité par l’État.»
Selon les résultats, «le blé était bon à la consommation», affirme M. Hoteit. «Mais le ministère de l’Agriculture a de nouveau refusé que la cargaison soit déchargée», poursuit-il, relevant que ces différentes procédures prennent du temps.
Il ajoute que «sur une autre demande du juge des référés, une troisième analyse a été effectuée sur la marchandise». Là aussi, «les résultats ont montré que le blé était de bonne qualité». Mais le ministère de l’Agriculture a une fois de plus refusé le déchargement de la cargaison.
Or, comme «la décision du juge des référés est une ordonnance et qu’il peut par conséquent statuer, le magistrat chargé du dossier a ordonné, le 29 février 2024, le déchargement de la cargaison et a fait part de sa décision au ministère de l’Agriculture». Il s’est basé, pour ce faire, «sur les deux analyses qui ont conclu que le blé était de bonne qualité», rapporte M. Hoteit. Il estime que «c’est à ce moment-là que l’information a été divulguée afin de remuer l’opinion publique».
Du côté du riz…
Pour ce qui est du riz, il semblerait qu’«un importateur ait distribué cette céréale sur le marché, alors qu’elle ne répond pas aux normes en vigueur au Liban», selon une source du proche du dossier.
Interrogé par Ici Beyrouth, le président du syndicat des importateurs de produits alimentaires, Hani Bohsali, affirme qu’un échantillon du «riz cancérigène», évoqué dans le communiqué de l’Association du consommateur au Liban, «est en train d’être analysé» et que, par conséquent, «il n’est pas encore possible de commenter». Il contiendrait du tricyclazole, un résidu de pesticides.
M. Bohsali considère, dans ce contexte, que «les niveaux requis par le Liban pour la spécification des dépôts de pesticides agricoles sont quasiment impossibles à atteindre. En effet, les normes libanaises sont calquées sur celles de l’Union européenne, qui sont très restrictives (0.01 ppm), alors que dans des pays comme le Japon et les États-Unis, la norme est de 3.00 ppm». «Elle est donc 300 fois plus élevée que la norme européenne», constate-t-il.
Pour lui, «le Liban devrait ajuster ses normes relatives aux dépôts de pesticides agricoles de manière à servir les intérêts du Liban et non ceux des autres pays».
Se voulant rassurant, M. Bohsali affirme que, selon «des documents des États-Unis et du Japon, le tricyclazole n’est pas cancérigène». «Dire que les Libanais consomment des aliments et des céréales importés cancérigènes reste une exagération».
Même son de cloche du côté des supermarchés qui assurent qu’ils vendent la marchandise après l’aval du ministère de l’Économie. Dans les milieux des supermarchés, on affirme que «les normes appliquées au Liban sont plus dures que celles en vigueur en Europe et aux États-Unis» et on estime que dire que les produits sont «cancérigènes» est «exagéré et injustifié».
Sollicité par Ici Beyrouth, le ministère de l’Agriculture n’a pas souhaité commenter les deux affaires.
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