Le dernier Conseil des ministres, qui a duré vendredi plus de quatre heures, s’est achevé en queue de poisson. Un maigre bilan de réalisations et de promesses à la pelle qui n’ont pas réussi à cacher des désaccords entre le Premier ministre Nagib Mikati et son ministre de l’Énergie, Walid Fayad.

Aucune décision ferme engageant sérieusement l’avenir du pays en proie à des crises simultanées n’a été adoptée lors du Conseil des ministres qui a tenu vendredi sa dernière réunion. La mission du gouvernement présidé par Nagib Mikati sera celle de l’expédition des affaires courantes à partir de dimanche, avec l’expiration du mandat du Parlement actuel, samedi à minuit.

La réunion d’adieu a été présidée en alternance par le chef de l’État, Michel Aoun, qui s’est retiré une heure et demie après le début de la séance et y est retourné vers 18h30 pour la lever officiellement. Il aurait été prié de se ménager au lendemain de son accident de santé.

Le plan de redressement économique a été simplement discuté par les ministres présents mais il n’a pas fait l’objet de vote, selon une source ministérielle contactée par Ici Beyrouth, qui évoque juste une démarche mettant en relief les bonnes intentions du gouvernement vis-à-vis du Fonds Monétaire International. Dans ce contexte, les ministres chiites, à l’exception du ministre des Finances qui est l’auteur du Plan, ont exprimé leur opposition alors que le ministre de l’Éducation, Abbas Halabi, a exprimé des réserves. Ceci dit, leurs positions ne changent en rien la donne puisque le Plan de redressement doit être débattu et entériné par la Chambre avant de devenir exécutoire.

Le chef du gouvernement devait, à l’issue du Conseil des ministres, développer à nouveau les mêmes idées portant sur la protection des petits déposants, mais aussi des grands déposants, sans aller plus loin dans les explications alors que le temps passe et que la valeur des dépôts bancaires des uns et des autres est en train de s’effondrer.

Dossier des télécoms inachevé

Même si le principe de l’augmentation de la tarification de la téléphonie mobile et celle de la téléphonie fixe, tel qu’il a été énoncé dans le projet de loi du ministre des Télécoms, a été approuvé, le dossier des télécoms est demeuré inachevé. Le Conseil d’État, qui avait donné un avis consultatif à la demande du ministère des Télécoms sur le projet de loi, l’a considéré comme " entaché de vices de fond et de forme et incompréhensible ". À cet effet, une commission formée des ministres des Finances, des Télécoms, de la Justice et de l’Énergie a été formée afin de s’atteler à la reformulation du texte du projet de loi. Dans la pratique, les nouvelles tarifications de la téléphonie mobile entrent en vigueur à partir du 1ᵉʳ août 2022. Des forfaits de cartes de rechargement prépayées ont été prévues de manière à maintenir raccordés au réseau tous les abonnés et leur permettre de bénéficier d’au moins 500 Gigabits.

S’adressant à la presse, le ministre de la Jeunesse et des Sports Georges Kallas a résumé le nouveau paysage des télécoms en déclarant qu’"en l’absence d’une période de transition qui prendrait en compte la situation financière des étudiants, des personnes à revenu limité et le revenu moyen des ménages, j’ai peur que la facture des communications de téléphonie mobile au Liban soit la plus élevée dans le monde, alors qu’elle est destinée à l’un des peuples les plus pauvres."

Les Droits de tirage spéciaux

Pour ce qui est de la série vertigineuse de demandes de fonds émanant de différents ministères et destinée, dit-on, à assurer la continuité des services publics, celle du ministère de la Santé a été la plus saillante vue sa retombée directe sur les patients atteints de maladies chroniques, notamment ceux qui souffrent du cancer. Une avance de 140 millions de dollars a été consentie sur une période de quatre mois. Cet argent proviendrait des droits de tirage spéciaux. Le pouvoir avait déjà puisé dans ces fonds pour verser une subvention au blé importé. Un recours d’exception qu’il faudra éviter de transformer en habitude de peur de voir s’envoler l’argent des droits de tirage spéciaux pour couvrir les frais de projets de consommation au lieu qu’il ne soit dépensé sur des projets productifs.

Le désaccord   

Pour clôturer cette réunion supposée être celle des adieux, le Premier ministre a dévoilé sans ambages au grand jour son désaccord avec son ministre de l’Énergie, faisant d’une pierre deux coups. Il a voulu se disculper aux yeux du public dans l’affaire du retard mis par le gouvernement à entamer un chantier de réformes au niveau de l’électricité, en particulier. Il a aussi pointé un doigt accusateur vers le CPL en démontant le slogan "on ne nous a pas laissé faire", évoquant le retrait sans justification aucune par le ministre Walid Fayad jeudi soir, soit la veille de la réunion du Conseil des ministres, du dossier des sociétés Siemens et General Electric censées approvisionner les centrales de Deir Ammar et Zahrani avec un millier de mégawatts produits au gaz, tout en s’engageant à assurer la meilleure qualité/prix. "Je ne serai pas un faux témoin et je n’accepterai pas d’hypothéquer à nouveau l’avenir du Liban au bénéfice d’intérêts personnels ". Des mots qui ont eu l’effet d’une bombe, faisant réagir immédiatement la présidence de la République par l’intermédiaire du conseiller du chef de l’État, Antoine Constantine, et par la suite le ministre de l’Énergie lui-même qui a publié vendredi soir un flot de communiqués de précision, démentant pratiquement son Premier ministre !