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- L’éditorial – La droite israélienne et le Hamas «en danger de paix»
Il existe en Physique depuis l’Antiquité un mythe, totalement chimérique et irréalisable, connu sous le nom de «mouvement perpétuel» qui consisterait en un mouvement qui pourrait durer indéfiniment, sans être entretenu par un apport extérieur. En transposant cette notion purement théorique à notre réalité actuelle, il serait facile de relever que certains acteurs qui influent sur la conjoncture géopolitique du Proche-Orient ont «conçu» une idée un tantinet similaire, celle de la «guerre perpétuelle», donnant ainsi l’impression qu’ils jouent carrément à la guerre.
Il y a «l’art pour l’art», et désormais il y a «la guerre pour la guerre». Sans horizon, sans finalité. Comment expliquer autrement la récente décision du gouvernement Netanyahu de construire 3500 nouvelles implantations en Cisjordanie, à l’heure où l’ensemble de la communauté internationale et des pays arabes ne cessent de souligner à l’unisson que la seule issue fiable à la guerre de Gaza et la seule solution durable au conflit du Proche-Orient résident dans un processus menant à la coexistence entre deux États – israélien et palestinien? L’augmentation du nombre de colonies israéliennes dans ce qui reste de la Cisjordanie non occupée revient à réduire encore davantage le territoire (déjà exigu) devant constituer l’État palestinien, et donc à rendre le règlement final encore plus difficile.
Un ouvrage publié en 1968 par l’écrivain et journaliste Marc Hillel avait pour titre particulièrement explicite, et prophétique, Israël en danger de paix. La droite israélienne, conduite par Netanyahu, a-t-elle adopté ce titre comme devise de sa ligne de conduite politique? La question n’est pas aussi farfelue que l’on pourrait le penser à en juger par le cours des événements depuis le lancement du processus de paix d’Oslo, en 1993, sous l’audacieuse impulsion des travaillistes israéliens et de l’Organisation de libération de la Palestine de Yasser Arafat.
Parallèlement à l’assassinat le 4 novembre 1995 par un jeune Israélien d’extrême droite du principal artisan, côté israélien, de ce processus de paix, Yitzhak Rabin, la faction conduite par Netanyahu n’a épargné aucun effort pour renforcer à différents niveaux le Hamas, farouche adversaire palestinien de la paix. Objectif: torpiller le projet d’État palestinien et affaiblir l’autre partenaire du processus d’Oslo, en l’occurrence l’OLP. Les gouvernements formés par le Likoud faciliteront, au fil des ans, les transferts de fonds – plusieurs centaines de millions de dollars – effectués par le Qatar, via les circuits israéliens, au bénéfice du Hamas à Gaza.
Ces mêmes gouvernements contrôlés par le Likoud fermeront les yeux sur les vastes travaux d’infrastructures effectués au grand jour, pendant de longs mois, par le Hamas pour construire ces fameux tunnels qui serpentent de bout en bout le territoire de Gaza. Ce sont ces mêmes tunnels qui permettent aujourd’hui aux miliciens du Hamas de mener une guerre d’usure contre … l’armée israélienne! Et pour mieux mettre en place, sans encombre, cette impressionnante infrastructure, le Hamas se livrera à une élimination pure et simple, dans le sang, de la présence à Gaza du Fateh, dont plusieurs cadres seront assassinés ou impitoyablement… défenestrés!
Pour compléter ce sombre tableau, il serait légitime de se demander comment ce même Hamas a-t-il pu préparer et mener aussi facilement une attaque meurtrière de grande envergure, comme celle du 7 octobre dernier, en pénétrant comme du beurre en territoire israélien, en dépit d’un dispositif de sécurité sophistiqué, alors que plus d’une partie étrangère – notamment les Services égyptiens, selon plusieurs sources – avaient mis en garde les autorités israéliennes contre une grande opération qui se préparait. Mais qu’importe! Israël n’est-il pas en danger de paix?
Là où le bât blesse, c’est que la droite israélienne s’est employée ainsi à torpiller le processus de paix d’Oslo sans jamais proposer une solution de rechange, à l’instar d’ailleurs du Hamas. Pour l’organisation fondamentaliste palestinienne, tous les coups sont permis pour entraver les projets de règlement, sans qu’aucune proposition alternative ne soit, là aussi, avancée. L’attaque du 7 octobre a été présentée comme un coup d’éclat, comme un «formidable acte de guerre». Le résultat, dont pâtit la population de Gaza au quotidien depuis plus de cinq mois, est édifiant…
Le Hamas ne se contente pas, dans un tel contexte, de faire obstruction à tout processus de paix, mais il s’emploie aussi, fidèle à l’option de «guerre perpétuelle», à entretenir, voire à accroître, les tensions et la déstabilisation dans les pays arabes, en collusion avec les autres factions qui se qualifient d’«obstructionnistes» (l’axe de la moumana3a), mais qui sont en réalité de simples instruments télécommandés par les pasdaran iraniens. C’est dans cette optique que s’est tenue il y a quelques jours, dans la banlieue-sud (sic !), une réunion de concertation et de coordination entre le Hamas, le Jihad islamique, le Front populaire pour la libération de la Palestine (un revenant !) et les Houthis, lesquels dans cette même optique de déstabilisation à outrance étendent désormais leurs attaques à l’Océan Indien, le cas de la mer Rouge étant sans doute devenu pour eux quelque peu «banal» et routinier. La guerre pour la guerre…
Le plus dramatique dans ces épreuves vécues aujourd’hui par les populations libanaise et palestinienne est que l’action de ces va-t-en-guerre, dont le Hezbollah, a en définitive pour objectif ultime, non pas une quelconque utopique libération, mais plutôt le renforcement de la position de la République islamique iranienne dans ses négociations avec les États-Unis, en vue de se forger une place prépondérante sur l’échiquier moyen-oriental.
Le processus pragmatique de paix – celui d’Oslo – contre la stratégie de l’irrationnel et du dédain des intérêts les plus élémentaires des populations civiles: tel est le schéma que l’on pourrait dresser de la profonde crise existentielle qui ébranle actuellement la région. Il ne devrait pas être difficile pour un citoyen lambda de choisir clairement son camp dans ce cadre, surtout après les épreuves, stériles et foncièrement vaines, endurées par les Libanais, contre leur gré, depuis plus d’un demi-siècle…
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