Après près de 6 mois de guerre à Gaza, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou semble pris en étau entre les dissensions internes et les pressions internationales, alors qu’il joue sa survie. La guerre qu’il mène contre le Hamas a progressivement perdu de sa légitimité, aux yeux de la communauté internationale, tant les victimes palestiniennes civiles s’accumulent. 

Lundi, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution exigeant "un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan" à Gaza avec 14 voix pour et une abstention notable des États-Unis. Largement salué par la communauté internationale, ce vote témoigne de l’isolement croissant d’Israël face à l’accumulation des victimes civiles à Gaza. L’abstention des États-Unis en particulier manifeste de tensions grandissantes entre les deux pays, Washington étant farouchement opposé à une offensive militaire israélienne contre Rafah.

L’opinion internationale, qui a largement témoigné son soutien à Israël après l’attaque du 7 octobre, est aujourd’hui de plus en plus solidaire avec les Palestiniens, à cause du bilan humain excessivement lourd de la guerre menée par Tel Aviv contre le Hamas. Elle redoute dans cette même perspective l’offensive contre Rafah, dernier refuge pour les Gazaouis, que Netanyahou a promis de mener, afin de pouvoir "éliminer" le groupe palestinien. Une opération rejetée aussi par l’Égypte qui refuse d’accueillir les réfugiés gazaouis sur son sol, et par la communauté internationale qui craint des victimes supplémentaires.

Des tensions croissantes avec les États-Unis

Les États-Unis, soutien traditionnel d’Israël, semblent de plus en plus perdre patience face à un Netanyahou va-t-en-guerre dont la stratégie risque d’entraîner une régionalisation du conflit. Après avoir tenté de raisonner le Premier ministre israélien et d’obtenir un nouvel accord sur les otages, la diplomatie américaine a haussé le ton en ne posant pas son veto à l’ONU.

Bien que cette résolution n’ait pas de réel impact sur les décisions du gouvernement israélien, l’absence de veto américain démontre une inflexion incontestée de la politique américaine envers son allié israélien. La Maison-Blanche souhaite désormais aboutir à un accord rapide sur la libération des otages et refuse toute opération à Rafah.

Ce n’est certes pas la première fois, que Washington hausse le ton face à l’État hébreu. Un mois plus tôt, craignant que le conflit s’étende en Cisjordanie, l’administration américaine avait mis en place des sanctions contre plusieurs colons israéliens, les accusant de mettre le feu aux poudres.

Lancé dans la course à la présidentielle, le président américain Joe Biden tente également de limiter le conflit pour éviter des retombées négatives sur sa candidature. Au sein de son propre parti, de nombreuses voix s’élèvent déjà pour soutenir les Palestiniens. Les aides supplémentaires régulièrement accordées à Israël suscitent par ailleurs de plus en plus d’opposition.

La probabilité que le soutien américain à Israël se réduise drastiquement tant sur le plan d’aides militaires qu’en termes de soutien politique reste faible tant les intérêts des deux pays sont liés. Washington pourrait à termes privilégier une alternance politique en Israël ou, du moins, accroitre la pression sur Netanyahou pour qu’il signe un accord sur les otages avec le Hamas et qu’il limite son offensive à Gaza.

Les otages avant la victoire totale

Déjà fragilisé par trois affaires de corruption et sa réforme très contestée de la justice, Benjamin Netanyahou est également critiqué dans son pays pour sa gestion de l’attaque du 7 octobre, ainsi que pour l’offensive à Gaza qui s’en est suivie.

Passé le choc de l’attaque du Hamas, l’opinion publique israélienne semble désormais prioriser la libération des otages à une "victoire totale" contre le mouvement islamiste. D’autant que les familles des otages maintiennent la pression sur le gouvernement en organisant des manifestations régulières. Selon un sondage publié fin février par l’Institut démocratique d’Israël (IDI) seuls 38,3% des Israéliens estiment "très" ou "moyennement" probable une victoire contre le Hamas.

De son côté, l’opposition israélienne multiplie les appels à organiser des élections anticipées, une solution que Netanyahou rejette vigoureusement. En effet, un autre sondage publié le 12 mars par la chaine israélienne Channel 12, révèle que le bloc anti-Netanyahou obtiendrait 74 sièges sur 120 à la Knesset contre 46 sièges pour une coalition menée par Netanyahou et 69 si cette alliance était menée par Benny Gantz. Une défaite aux élections forcerait Benjamin Netanyahou à rendre des comptes devant la justice, sans bénéficier de l’aura d’une éventuelle victoire à Gaza.

Face à ces pressions, il pourrait dans un premier temps accepter un accord avec le Hamas pour la libération des otages. Ce scénario pourrait en revanche faire exploser la coalition qui maintient Netanyahou au pouvoir. Les ministres israéliens de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et des Finances, Bezalel Smotrich, menacent de quitter le gouvernement si la guerre prend fin sans parvenir à éliminer le Hamas. Un avertissement qui s’applique également en cas d’accord de cessez-le-feu pour la libération des otages, trop favorable au mouvement islamiste.

L’ouverture du front-nord comme solution ?

Sous pression tant au niveau international que sur le plan interne, Netanyahou est au pied du mur. S’il poursuit son offensive à Rafah, il sauvegarde sa coalition et donc son avenir politique, mais il devra subir les foudres de son allié américain et de la communauté internationale. S’il signe un accord pour la libération des otages avec le Hamas, il prend le risque de faire voler en éclat sa coalition et de devoir assumer la responsabilité de ses actes, notamment au sujet du 7 octobre, l’opération militaire qu’Israël n’a pas pu prévenir.

Netanyahou pourrait cependant envisager une troisième option en ouvrant un autre front au nord. Une offensive vers le Liban-sud qui n’amoindrirait pas ou peu sa popularité au sein de la population israélienne et qui obligerait les États-Unis à revoir leurs objectifs. En effet, selon un sondage publié récemment par l’Institut démocratique d’Israël, près de 70% de la population israélienne estime qu’une guerre avec le Hezbollah est inévitable.

En prolongeant la guerre, Netanyahou sauvegarderait donc sa position, tout en espérant faire oublier à la population israélienne ses différents manquements. Il obligerait également les États-Unis à prolonger leur soutien en raison de leur opposition à l’axe iranien. Tout cela bien entendu au détriment des populations civiles…