Aux premières heures de la matinée du mercredi 28 août, l’armée israélienne annonçait lancer une opération dans le nord de la Cisjordanie occupée. Jénine, Toubas, Tulkarem… plusieurs localités sont visées, ce qui semble être la plus importante opération dans ce territoire depuis le 7 octobre.

Même si son ampleur dépasse celle des précédentes, cette opération n’en reste pas moins inscrite dans une forme de continuité. En effet, tandis que les yeux du monde entier restent rivés sur la bande de Gaza, Israël applique une pression toujours plus forte sur cette autre composante des territoires palestiniens.

Fiche technique

Située à l’ouest du fleuve Jourdain, dont elle tire son nom, la Cisjordanie forme un territoire d’environ 5.865 km², enclavé entre Israël, le royaume de Jordanie et la mer Morte. Sa situation sur la rive ouest du fleuve en fait une terre propice à l’agriculture. Environ trois millions de Palestiniens y vivent, dont l’âge médian est de 21,9 ans.

Outre Jérusalem-Est, ceux-ci sont principalement concentrés dans les villes de Naplouse, Ramallah, Jénine, Tulkarem, Qalqilya et surtout Hébron (aussi appelée Al-Khalil).

Ils y côtoient environ 470.000 colons israéliens, un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Ceux-ci y construisent des colonies et des avant-postes illégaux au regard du droit international, et ce, sur des terres prises par la force à des familles palestiniennes.

Contexte historique

Historiquement, la Cisjordanie faisait partie du mandat britannique sur la Palestine après la Première Guerre mondiale. Avec la fin de ce mandat, en 1948, la création de l’État d’Israël et la guerre de 1948-1949 qui s’ensuivit, la Cisjordanie fut annexée par la Jordanie.

Cette situaton perdura jusqu’à la guerre des Six Jours, en 1967, lorsque l’armée israélienne prit le contrôle du territoire. La Cisjordanie passa alors sous administration militaire israélienne, tandis que les colonies israéliennes commençaient à se développer dans la région.

L’augmentation de ces implantations créa des tensions croissantes avec la population palestinienne. Celles-ci culminèrent avec le déclenchement de la première Intifada, un soulèvement populaire palestinien contre l’occupation. La Cisjordanie devint alors le théâtre de manifestations, d’affrontements et de répressions par l’armée israélienne.

Mille-feuilles sécuritaire

En 1994, les Accords d’Oslo sont signés entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Ceux-ci prévoient la création d’une Autorité palestinienne autonome et la mise en place d’un processus de paix visant à aboutir à une solution à deux États. Dans ce cadre, la Cisjordanie est divisée en trois zones.

Sous contrôle palestinien total (civil et sécuritaire), la zone A représente environ 18% de la Cisjordanie. Elle comprend principalement les grandes villes palestiniennes comme Ramallah, Naplouse et Bethléem. L’Autorité palestinienne y gère les affaires civiles et de sécurité, tandis que l’accès pour les Israéliens est restreint.

La zone B présente une situation mixte, avec contrôle civil palestinien et contrôle sécuritaire israélien. Représentant environ 22% de la Cisjordanie, elle inclut les zones rurales et certaines villes. L’Autorité palestinienne y gère les affaires civiles.

Enfin, la zone C demeure sous contrôle total israélien (civil et sécuritaire), couvrant environ 60% de la Cisjordanie. Cette zone inclut les colonies israéliennes, les routes principales et de vastes zones maintenues dans un état de sous-développement par Tel-Aviv. Les Palestiniens y sont soumis à des restrictions de construction et de mouvement particulièrement discriminatoires, à l’inverse des colons israéliens.

Enjeux pour les Palestiniens

Les Palestiniens considèrent la Cisjordanie comme une partie intégrante de leur futur État indépendant, aux côtés de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est. La souveraineté sur ce territoire est donc essentielle pour leur autodétermination.

Cette souveraineté est particulièrement menacée par la construction et l’expansion des colonies israéliennes sur ce territoire. Ces dernières fragmentent la Cisjordanie, compliquant la libre circulation, et compromettent la continuité territoriale. Cette situation est aussi valable pour Jérusalem-Est, revendiquée par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État.

Les restrictions de mouvement imposées par Israël, y compris les checkpoints, le mur de séparation et autres opérations militaires, ont un lourd impact sur la vie quotidienne des Palestiniens vivant dans les zones B et C. Ces mesures affectent l’économie, l’accès aux services de base et la vie sociale.

Enjeux pour les Israéliens

Côté israélien, la Cisjordanie est perçue comme une zone stratégique pour la sécurité nationale. La crainte d’attaques provenant de ce territoire incite Israël à maintenir un contrôle militaire strict et à renforcer les colonies comme des avant-postes de sécurité. L’État hébreu cherche à maintenir le contrôle sur les zones stratégiques de la Cisjordanie, notamment la vallée du Jourdain, pour surveiller ses frontières orientales.

Aux considérations sécuritaires, s’ajoute une dimension religieuse. Pour beaucoup d’Israéliens juifs, la Cisjordanie, appelée "Judée et Samarie" dans leur discours, est considérée comme le cœur historique de la Terre d’Israël. Il s’y trouve des sites bibliques importants, comme le tombeau des Patriarches, situé à Hébron.

D’autre part, la présence massive de colons israéliens en Cisjordanie crée un fait accompli qui rend difficile toute cession de ces territoires sans provoquer un bouleversement politique interne en Israël. Les colons, soutenus par certains courants politiques, sont par ailleurs un puissant lobby en faveur du maintien du territoire sous contrôle israélien.

Au cœur de la solution à deux États

Pour les deux camps, le contrôle des ressources naturelles, notamment l’eau, est un enjeu majeur. Néanmoins, Israël contrôle actuellement une grande partie des ressources en eau de la Cisjordanie, ce qui crée des tensions autour de la gestion et de la répartition de ces ressources vitales.

Les Palestiniens revendiquent ce territoire comme une partie essentielle de leur futur État, avec Jérusalem-Est comme capitale. Cependant, la présence continue des colonies israéliennes et les politiques d’expansion d’Israël rendent de plus en plus difficile la création d’un État palestinien viable.

Les discussions pour une solution à deux États, avec Israël et un futur État palestinien coexistant côte à côte, en sont au point mort. Les négociations sont souvent paralysées par des désaccords sur les frontières, la sécurité, le statut de Jérusalem et le droit au retour des réfugiés palestiniens.