L’interpellation lundi à Naqoura, de l’archevêque maronite de Haïfa et Jérusalem (Terre sainte), Moussa el-Hage, par la Sûreté générale alors qu’il venait d’Israël, sur base d’un mandat d’arrêt émis à son encontre par le juge d’instruction militaire, Fadi Akiki, a suscité des réactions indignées. Le prélat qui a été dépouillé de tout ce qu’il transportait comme aide matérielle aux Libanais, dont des donations en liquide aux communautés maronite et druze, avait été interrogé pendant huit heures par les agents de la SG, principalement sur ses liens avec la communauté libanaise réfugiée en Galilée.

Toux ceux qui se sont exprimés sur le sujet ont dénoncé un message politique indirect adressé à Bkerké, via le tribunal militaire, par ceux qui sont importunés par les positions patriotiques du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.

L’ancien président Amine Gemayel qui a pris contact avec Mgr Raï, pour dénoncer cette affaire, a stigmatisé " un coup porté par un esprit politico-judiciaire obsolète contre les valeurs que représente l’évêque et l’attention qu’il porte à l’ensemble des communautés en Terre Sainte ". Il a estimé que " les services politico-judiciaires, sur recommandation politique, semblent déterminées à étaler leur force et à exercer leur autorité sur une seule partie qu’ils prennent pour cible injustement, alors que les hors la loi sont soit protégés soit promus ".

" Nous rejetons le message politique adressé à Bkerké à cause de ses positions patriotiques et nous comptons sur des pressions nationales pour mettre fin à ces pratiques anormales et stériles qui dénotent un style policier ridicule menaçant la paix civile ", a affirmé le président Gemayel qui a appelé les dirigeants libanais et les responsables concernés à " mettre fin à cette mascarade scandaleuse ".

Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, est aussi monté au créneau. " Il est demandé au président du Conseil supérieur de la magistrature et au procureur général, de mettre fin aux actions du juge Fadi Akiki et de ne pas tenir compte de la convocation de l’archevêque maronite de Haïfa et Jérusalem (Terre sainte), Moussa el-Hage ", a-t-il déclaré dans un communiqué. " Il est inconcevable que la Sûreté générale procède à l’arrestation de l’archevêque au point frontalier de Ras Naqoura à son retour au Liban et de l’interroger pendant de longues heures sans interruption avant qu’il ne soit déféré devant le juge d’instruction militaire Fadi Akiki ", a-t-il poursuivi. Et de préciser que " l’une des principales fonctions de l’archevêque Moussa el-Hage est de rendre visite aux monastères maronites établis en Terre Sainte et de gérer les affaires de la communauté libanaise pluricommunautaire réfugiée en Israël depuis l’an 2000 ".

D’après M. Geagea, " cette arrestation est un message adressé au patriarche maronite, pour ses prises de position patriotiques ". Dans ce contexte, le chef des FL a dénoncé l’initiative du juge Akiki qui " a donné la preuve, et ce à plusieurs reprises, que sa présence au tribunal militaire ne sert ni la justice, ni la sécurité du pays et du peuple libanais ". " Au contraire, a-t-il insisté, ses objectifs semblent être clairement définis, ce qui a été révélé, entre autres, dans le cadre des incidents de Tayouné ", en octobre 2021, lorsque des partisans armés d’Amal et du Hezbollah avaient investi les rues de Aîn el-Remmaneh et que les affrontements qui s’étaient ensuivis avec les habitants du quartier avaient fait sept morts. Curieusement, ce sont les Forces libanaises, qui avaient été tenus pour responsables de ces incidents et M. Geagea avait été convoqué par la justice militaire.

De son côté, l’ancien député Farès Souhaid a exprimé sa solidarité avec l’archevêque : " Le problème n’est pas le juge Fadi Akiki, mais celui qui a demandé au juge d’interpeller l’archevêque Moussa el-Hage ". Il a, dans ce sens, considéré que " cette interpellation est purement politique, dépourvue de toute base juridique ou administrative ", avant d’insister sur le " droit de tout chrétien et de tout musulman de visiter les lieux saints " et sur la nécessité " de faire de Jérusalem un lieu ouvert à toutes les communautés religieuses ". Et de conclure : " Rendre visite à un prisonnier ne signifie pas sympathiser avec le geôlier ".

Sur son compte Twitter, le député Achraf Rifi a accusé nommément le Hezbollah d’être derrière les exactions dont a été victime Mgr Hage. " Comme à son habitude, le Hezbollah utilise le tribunal militaire pour faire passer des messages d’intimidation ", a-t-il écrit, estimant que l’interpellation de l’évêque était " destinée à faire passer un message à l’Église qui s’accroche à la souveraineté libanaise ", a-t-il ajouté. " La Moumanaa (l’axe syro-irano-hezbollahi) se nourrit des accusations qu’elle adresse aux chrétiens qui sont pour elle des agents, aux sunnites qu’elle assimile aux fondamentalistes du groupe Etat islamique et aux chiites libres qu’elle considère stipendiés aux ambassades ". Il a exprimé sa solidarité avec Mgr Hage ainsi qu’avec le directeur général des adjudications, Jean Ellieh, poursuivi en justice pour diffamation parce qu’il avait dénoncé des irrégularités dans des décisions officielles en rapport avec des appels d’offres.

L’ancien député Misbah Ahdab qui s’est aussi indigné du traitement réservé au prélat, a vu dans son interpellation " une conséquence inévitable du détournement du rôle premier de la magistrature, supposée faire prévaloir la justice, au profit de règlements de comptes politique, menés par un groupe qui contrôle le pays par la force des armes ".

Sur son compte Twitter, il a écrit : " Les forces souverainistes se doivent d’empêcher qu’une atteinte soit portée à ce qui reste comme institutions dans le pays et de freiner l’effondrement ". " Tout le monde est responsable à ce niveau ", a-t-il ajouté.