À huit jours de la deuxième commémoration de l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth, le 4 août 2020, le sort des silos a rassemblé, peut-être pour la première fois, l’opposition.

L’évènement le plus marquant de la séance parlementaire de mardi soir, qui s’est ouverte à 18 heures trente, est certainement le bras-de-fer qui s’est joué entre le chef du Législatif Nabih Berry et les députés du 8 Mars d’une part, et les députés des Kataëb et du changement, rejoints par les Forces libanaises, le Parti socialiste progressiste et des indépendants, d’autre part, autour d’une proposition de loi présentée par les Kataëb visant à préserver les silos du Port de Beyrouth.

Ce texte de loi aurait pu immédiatement subir le sort de la plupart des propositions de loi revêtues du caractère de double-urgence présentées par des députés, qui ont rapidement été envoyées en commissions parlementaires, après la non-approbation du caractère de double-urgence.

Toutefois, cette proposition, que le député Elias Hancache a défendu en soulignant que les silos revêtent une importance symbolique pour les familles des victimes et ont sauvé la moitié de Beyrouth lors de l’explosion du 4 août 2020, a eu un parcours un peu différent.

M. Hancache a accusé le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, d’avoir bloqué les nominations judiciaires en ne signant pas le décret qui aurait permis au juge d’instruction en charge de l’affaire de l’explosion, Tarek Bitar, de poursuivre son enquête. Ce à quoi le président Berry, appuyé par le vice-président du Parlement Elias Bou Saab, a répondu que le décret comportait en fait des erreurs judiciaires et a été retiré aujourd’hui pour être corrigé.

À son tour, le ministre des Travaux publics Ali Hamiyé a affirmé que le juge Bitar, ainsi que des experts étrangers, ont relevé qu’il n’était pas nécessaire de préserver les silos qui, selon lui, peuvent s’écrouler à tout moment.

Aux députés Kataëb et du changement qui demandaient le renforcement des silos, M. Hamiyé a répondu que cela était couteux.

C’est à ce moment que le président Berry a soumis le caractère de double-urgence de la proposition de loi au vote. Alors que les députés Kataëb, des Forces libanaises, du Parti socialiste progressiste et du changement, ainsi que quelques indépendants comme Ashraf Rifi ont levé la main, le chef du Législatif a annoncé que le caractère de double-urgence n’a pas été approuvé. Tandis que le président Berry s’apprêtait à passer à la prochaine proposition de loi, des députés ont demandé que chaque parlementaire vote clairement, pour ou contre le caractère de double-urgence, à l’appel de son nom.

Les députés des Forces libanaises, du PSP, des Kataëb, du changement, ainsi que les députés Abdel-Rahman Bizri, Oussama Saad, Ghassan Skaff, Imad Hout, Nabil Badr, Walid Baarini, Bilal Heshaimi, Jamil Sayyed, Ashraf Rifi, Sajih Attieh, Ahmed Kheir, Abdel-Aziz Samad et Abdel-Karim Kabbara ont voté en faveur du caractère de double-urgence.

A ce moment, les députés Kataëb et du changement ont applaudi leur victoire, ayant obtenu 41 votes pour, alors que 37 députés, surtout du mouvement Amal, du Courant patriotique libre et du Hezbollah, ont voté contre.

Mais quelle a été leur surprise, et celle de plusieurs journalistes présents, lorsque le président Berry a annoncé 41-37, mais en inversant les résultats : 41 contre et 37 pour, et en annonçant l’envoi du texte en commission.

Alors que les protestations fusaient, demandant un recomptage des voix, et que le député Ali Hassan Khalil s’emportait contre la députée Paula Yacoubian qui avait dénoncé cette " falsification " des résultats, le Premier ministre sortant Najib Mikati en a profité pour rassembler ses feuilles et se lever, avec les ministres.

La séance a été rapidement levée, suivie par des conférences de presse de Ali Hassan Khalil et de Paula Yacoubian, chacun défendant sa cause et accusant l’autre.

Même si le texte n’est pas passé, les observateurs ont noté que c’est peut-être la première fois que la nouvelle majorité parlementaire se rallie à une même cause…

Hochstein

Un autre dossier intéressant a été évoqué mardi soir, celui du médiateur américain pour la délimitation des frontières maritimes avec Israël, Amos Hoschtein, attendu " ces deux jours " au Liban, selon le chef du Parlement.

Lors de l’étude d’une proposition de loi soumise par le député Hassan Mrad, appelant le gouvernement à consacrer les droits du Liban conformément à la ligne 29, le président Berry a précisé avoir évoqué ce dossier avec son bloc parlementaire, et convenu de la nécessité de délimiter les frontières sans parler des lignes 23 ou 29, mais en revenant à l’accord-cadre (conclu en 2020, au terme de négociations menées par M. Berry pour le lancement des pourparlers indirects avec Tel Aviv sous l’égide des Nations unies).

Il a précisé qu’il a été décidé, lors de la dernière réunion avec le président Michel Aoun et M. Mikati, de revenir aux négociations indirectes avec Israël.

Projets de loi

Si la séance matinale avait permis de voter plusieurs projets de loi, notamment celui régissant le secret bancaire, la séance du soir a abouti à l’approbation d’un seul projet de loi, autorisant le gouvernement à ratifier un accord de coopération avec le gouvernement japonais, en vertu duquel il fournira de l’aide technique au Liban.

Quatre propositions de loi, toutes revêtues du caractère de double urgence et présentées par les mêmes députés, ont rapidement été votées. En vertu de ces textes, le gouvernement pourra percevoir différents frais à l’aéroport et au port en dollars et non en livres libanaises. Cela augmentera les recettes de l’Etat de 371 millions de dollars par an, selon le ministre Hamiyé.

Plusieurs propositions ont été renvoyées en commission, notamment celle présentée par Nadim Gémayel et préconisant un mécanisme pour les élections présidentielles, en vertu duquel les aspirants à ce poste devraient présenter leur candidature dans certains délais, afin d’éviter tout blocage ou risque de vacance à la présidence.