La polémique entre le Courant patriotique libre (CPL), dirigé par le député Gebran Bassil, et le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, qui avait été marquée par un échange de communiqués agressifs mercredi, s’est envenimée vendredi. La formation aouniste a utilisé un ton presque insultant et d’une rare virulence à l’égard de M. Mikati. Celui-ci a répondu par un communiqué court et incisif, annonçant que cette riposte sera la dernière de sa part "pour éviter de prolonger le chantage politique et les débats stériles inopportuns au regard des conditions que traverse le pays en général et le secteur électrique en particulier".

Le bureau de presse de M. Mikati s’est contenté de dire vendredi que les préoccupations du "Courant des vérités déformées" sont bien loin de celles des citoyens. Il a ajouté que le CPL "projette sur les autres ce qu’il voit en lui-même".

Soulignant qu’il suit la règle connue selon laquelle "il ne faut pas frapper un mort", le bureau de presse précise qu’il ne s’acharnera pas sur le CPL. Il a ajouté qu’il allait s’inspirer, en la modifiant, d’une célèbre citation du poète Saïd Takieddine (relative à l’éloquence de la fille légère qui donne des leçons de chasteté), pour évoquer "l’éloquence de celui qui est soumis à des sanctions internationales pour corruption, quand il donne des leçons de chasteté et d’intégrité".

Auparavant, le bureau de presse du CPL avait demandé au Premier ministre: "Qui êtes-vous, quelle est votre histoire, pleine de corruption, qui représentez-vous au niveau populaire, et quelles sont vos réalisations nationales pour vous en prendre à un courant dont l’histoire est marquée par la lutte?"

Accusant M. Mikati d’avoir passé des années "dans les affaires, les courtages et les commissions", il a affirmé que le courant aouniste a, lui, passé sa vie "sur les places à défendre la patrie, son indépendance, l’État et ses institutions face aux occupants, aux cupides et aux corrompus".

Des gains "illégaux"

Le communiqué, qui a interpelé M. Mikati par son prénom, a ajouté: "Vous accusez le Courant patriotique libre de corruption, alors que vous avez fait de la corruption un mode de vie depuis que vous avez commencé, pendant la guerre, à vendre des lignes et des communications internationales suspectes. Vous vous êtes ensuite rendu en Syrie et avez supplié son régime pour vous enrichir du secteur des télécommunications, avant de vous retourner contre lui, financièrement et politiquement, et aujourd’hui sa position envers vous est connue".

Il l’a accusé d’avoir réalisé des gains "illégaux" du réseau cellulaire et des indemnités de 220 millions de dollars, et d’avoir cherché à échapper à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour une somme d’environ 49 millions de dollars.

Le communiqué a en outre affirmé que le locataire du Sérail a profité de son influence pour obtenir le contrat de Liban Post et devenir associé dans l’une des grandes banques, ajoutant que son nom figure dans l’enquête financière et c’est pour cela qu’il défend le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé.

Le CPL a conclu: "Nous ne permettrons pas à des gens comme vous de s’en prendre à un courant politique et populaire baptisé du sang des martyrs et renforcé par la légitimité du peuple. Comment pouvez-vous vous permettre d’insulter le plus grand bloc parlementaire, simplement parce qu’il a refusé de vous désigner à la tête du gouvernement après avoir éprouvé votre incapacité et votre manque de courage, plutôt votre lâcheté, à prendre toute décision qui ne satisfait pas vos maîtres à l’intérieur, et votre halètement derrière l’extérieur pour protégér vos intérêts?"

Dans un nouveau communiqué, publié en soirée, le CPL a déclaré " être sûr " que M. Mikati n’avait pas de preuves " pour accabler le CPL ou son chef ". Il a accusé M. Mikati d’avoir peur des sanctions américaines, qu’il a qualifiées dans son communiqué de sanctions " internationales ". Soulignant que ces sanctions " n’ont pas poussé le chef du CPL à couper ses relations avec le Hezbollah ", le parti accuse M. Mikati de " craindre ces sanctions " ce qui le pousse à " refuser l’offre iranienne de fournir le Liban en carburant " et de " toucher à la structure financière en place ou l’un de ses piliers ", en allusion au gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Et le CPL de conclure : " Celui qui a bâti sa fortune sur des bases douteuses ne saurait être un jour homme d’État. "