L’assassinat lundi soir de Saïd Alaeddine, responsable de liaison au sein des forces de sécurité palestinienne au camp des réfugiés de Aïn el-Héloué, s’inscrit dans un contexte de dérapage sécuritaire qui serait favorable au Hamas et au Hezbollah.

Un officier-cadre du Fateh (le groupe du président palestinien Mahmoud Abbas), Saïd Alaëddine, alias Abou Nader al-Assous, a été tué lundi soir par balles dans le camp des réfugiés de Aïn el-Héloué, près de Saïda au Liban-Sud. Transporté à l’hôpital al-Raï dans un état critique, il a vite succombé à ses blessures. Non officiellement identifié, "le tireur a ouvert le feu dans sa direction plusieurs fois, alors qu’il priait chez un ami dans le camp", a précisé à l’AFP le chef militaire local Mounir al-Maqdah.

Saïd Alaëddine était le responsable de liaison au sein des forces de sécurité palestinienne au camp des réfugiés de Aïn el-Héloué. Selon M. Maqdah, il était en charge des relations avec les forces de sécurité libanaises.

Selon nos informations, son travail de coordination de l’intérieur du camp avec les renseignements et l’armée présents à l’extérieur avait abouti à l’arrestation d’éléments recherchés par les autorités libanaises.

Face au Hamas pro-iranien et aux groupuscules terroristes pro-syriens, le mouvement Fateh se pose tant bien que mal comme garant de la réconciliation libano-palestinienne scellée au lendemain de la chute du camp de Nahr el-Bared, en 2007. Cette position souhaitée par l’Autorité palestinienne se traduit par une coordination préventive entre les autorités libanaise et palestinienne, dont les difficultés ont toujours porté sur la dimension sécuritaire de la coordination. Un expert du dossier rappelle que cette coordination vise à contenir tout dérapage qui serait sujet à une instrumentalisation politique des parties ayant le pouvoir de maintenir des foyers d’instabilité, principalement le Hezbollah.

Liquidation caractérisée

Ce n’est pas un hasard, affirme l’expert précité, que les cadres du Fateh dans les camps palestiniens du Liban soient éliminés d’une manière chronique, selon "une logique milicienne" à laquelle le Fateh ne riposte pas puisque défendant une logique d’État. L’assassinat dans ce contexte de Saïd Alaëddine "a tout d’une liquidation commanditée par le Hamas et le Hezbollah, et couverte par les groupes infiltrés par l’axe irano-syrien", ajoute l’expert.

L’action progressive visant à fragiliser le commandement du Fateh serait désormais à un stade avancé, croit savoir cet expert. "Le Fateh a toujours une certaine autonomie, mais ses capacités de liaison avec l’État s’amenuisent", dit-il.

Jusque-là, le Hamas a suivi une méthode de rappel à l’ordre des factions au sein des camps, par des étalages de force régulières, parfois en présence de cadres du Hezbollah. Précédés ou accompagnés d’incidents sécuritaires, comme cela a été le cas dans le camp palestinien de Borj el-Chemali, à l’est de Tyr en janvier dernier, ces actes se veulent aussi des manifestations de présence face au Fateh. Le message est que celui-ci n’est pas seul sur le terrain palestinien au Liban, et que ce n’est donc pas à lui de donner le ton dans la gestion de la situation politique et sécuritaire des camps.

Glissement du politique au sécuritaire

Désormais, une nouvelle étape semble avoir été franchie en faveur du Hezbollah. L’assassinat de Saïd Alaëddine est révélateur de deux phénomènes corollaires. "D’abord, l’état de détérioration de la sécurité à l’intérieur des camps palestiniens perdure et il est plus que jamais livré à toute forme d’infiltrations, constate l’expert. Ensuite, l’équilibre des forces à l’intérieur des camps semble en train de basculer en faveur du Hamas et du Jihad islamique."
Deux phénomènes catalysés par le délitement de l’État libanais lui-même: l’incident confirme l’incapacité de l’État de gérer le dossier des armes relevant des Palestiniens aussi bien au sein des camps qu’à l’extérieur (des bases hors-camp relevant du Front populaire, Fateh-Intifada et du Commandement général de Ahmad Jibril se trouvent à Oussaya et Nahmé, et le dossier de leur désarmement a été confié au Hezbollah, à la demande de ce dernier, à l’issue du dialogue national en 2006, rappelle l’expert). En parallèle, l’État libanais opérerait, dans ses rapports avec les factions palestiniennes, un glissement d’une approche stratégique du dossier, centré sur l’élaboration de politiques publiques, à une approche sécuritaire, sur laquelle le Hezbollah, parti fort du pays, a manifestement la haute main.

"Un lien d’interdépendance prend forme entre les armes à l’intérieur des camps, et à l’extérieur, avec l’arsenal militaire du Hezbollah, le tout, à quelques semaines d’une échéance présidentielle cruciale, dont certains voudront nous distraire par des incidents sécuritaires sporadiques", conclut l’expert.

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