Des sources judiciaires ont démenti des informations relayées par le CPL sur une altercation verbale entre un de ses députés et le président du CSM, Souheil Abboud .

Le Courant patriotique libre a-t-il lancé ouvertement sa bataille contre le président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, qu’il souhaite déloger en même temps que d’autres responsables administratifs?

Deux éléments justifient cette question. Le premier se rapporte aux informations infondées diffusées par le CPL au sujet de la teneur de l’entretien de cinq de ses députés avec M. Abboud à la faveur d’un sit-in organisé mardi, en matinée, par les parents des personnes toujours détenues dans le cadre de l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth et le deuxième est relatif aux propos tenus par le chef du CPL, Gebran Bassil, dans sa conférence de presse en fin d’après-midi.

Le sit-in organisé devant le Palais de justice était à peine terminé que le CPL faisait état sur son compte Twitter d’une altercation verbale entre un de ses députés, Charbel Maroun (Békaa-Ouest-Rachaya), et le président du CSM. Souheil Abboud avait reçu dans son bureau une délégation du bloc parlementaire du CPL composée des députés Charbel Maroun, Jimmy Jabbour (Akkar), Nada Boustany (Kesrouan-Jbeil), Georges Atallah (Aley-Chouf), Samer el-Toum (Baalback el-Hermel) et César Abi Khalil (Aley-Chouf). La délégation souhaitait discuter avec lui du cas de Badri Daher, ancien directeur général des douanes libanaises et proche du camp présidentiel. Ce dernier avait été arrêté en août 2020 dans le cadre de l’enquête sur l’explosion du 4 août en raison de sa responsabilité administrative présumée dans l’entrée et le stockage des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium dont l’explosion avait pulvérisé une partie de Beyrouth, tué 234 personnes, blessé plus de 7.000 autres et laissé des dizaines de milliers sans abris.

Le CPL ne donne pas les raisons de l’altercation verbale mais a fait savoir sur son compte Twitter qu’il compte recourir à l’escalade après l’entretien de ses députés avec le juge Abboud. Au Palais de justice, on est resté sans voix devant l’information pour la simple raison que l’entretien s’est déroulé le plus naturellement au monde, confie une source judiciaire informée à Ici Beyrouth. "Les députés étaient très courtois. Il n’y a eu ni échanges acerbes ni querelle. Ce n’est d’ailleurs pas “le style” du président du CSM et personne ne peut de toute façon lever la voix en sa présence", souligne la source, en ajoutant: "Ils ont évoqué l’affaire de Badri Daher et exprimé le souhait d’un règlement, chose que le président Abboud souhaite aussi, mais il leur a expliqué qu’il ne détient pas la clé de la solution, en raison du blocage au niveau de l’enquête".

La procédure judiciaire est bloquée à deux niveaux: au niveau de l’enquête, avec les nombreux recours contre le juge d’instruction Tarek Bitar, et au niveau de l’assemblée générale de la Cour de cassation qui ne peut pas se réunir pour statuer sur les recours pour cause de défaut de quorum, alors que le décret de nominations judiciaires est bloqué par le ministre sortant des Finances, Youssef Khalil, qui refuse de le signer.

Quelques heures plus tard, le chef du CPL, Gebran Bassil, tirait à boulets rouges contre la magistrature et plus particulièrement contre le CSM et Souheil Abboud au cours de la première conférence de presse qu’il a tenue après son retour de vacances en Grèce. Il leur a fait assumer la responsabilité du blocage de l’enquête dans l’affaire du port et de "l’arrestation arbitraire et injuste, voire le rapt d’un certain nombre de fonctionnaires qui effectuaient leur travail", après avoir vivement critiqué la grève observée par les magistrats en signe d’appui à leur revendication salariale. "La négligence judiciaire est devenue de la vengeance politique contre des groupes politiques déterminés", a-t-il accusé en menaçant de "recourir à une justice non libanaise".