Il est difficile de dissocier la situation en Irak de celle au Liban, au regard des nombreuses similarités entre les deux pays, malgré leurs spécificités respectives. C’est que les deux pays sont liés par une ligne de feu qui prend sa source à Téhéran et qui évolue au gré des intérêts du Wali el-Faqih jusqu’aux rives de la Méditerranée.

La mission première de cette ligne de feu est de paralyser entièrement la société pour neutraliser toute initiative ou tout esprit d’initiative afin que les instruments de l’Iran puissent exécuter l’agenda qui leur est imposé et investir dans la violence et la corruption, en Irak comme au Liban, prétextant comme à l’accoutumée une lutte contre le terrorisme. Un comble lorsque les cautions d’un certain terrorisme prétendent lutter contre un autre genre de terrorisme!

Dans cette ligne de feu s’engage qui veut. Cependant, cet engagement se traduit différemment selon que l’on est à Beyrouth ou à Bagdad. Le principe premier reste le despotisme, qui peut éventuellement s’assouplir selon les situations, mais pas au point de compromettre les desseins de l’axe iranien.

De ce fait, les bénéficiaires de cet autoritarisme se rendent utiles en protégeant la violence et les armes, et en distribuant des miettes du gâteau aux corrompus et à ceux qui sont prêts à se battre pour eux.

Partant, l’action du chef de la "Coalition de l’État de droit", Nouri al-Maliki, prend tout son sens. Ce dernier tente, une fois de plus, de préparer le terrain à la liquidation morale du leader chiite irakien, Moqtada al-Sadr, après l’annonce de ce dernier de son retrait de la vie politique. D’ailleurs, Nouri al-Maliki qui a permis, grâce à sa complaisance bien étudiée et délibérée, l’évasion d’extrémistes notoires des prisons irakiennes qui devaient par la suite former le groupe État islamique, n’en est pas à son coup d’essai.

Un tel service est suffisant pour faire disparaître du site WikiLeaks des documents prouvant le détournement par Maliki de milliards de dollars de fonds publics irakiens, notamment l’argent du pétrole, qui étaient alors déposés dans les banques libanaises en son nom et au nom de son fils.

C’est à travers le même prisme qu’il est possible d’interpréter l’action délibérée de certains députés aounistes, lanceurs de pierres à la frontière sud avec Israël contre le nord de la Galilée. Leurs prouesses en matière de "résistance" n’ont rien à voir avec la consolidation de la position du Liban aux négociations sur la démarcation des frontières maritimes avec Israël.

Il est évident que "l’ordre" de lancer des pierres contre l’ennemi a été donné par le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, qui cherche perpétuellement à prouver sa loyauté au Hezbollah, alors qu’il couvre tous les agissements du parti chiite au Liban depuis l’accord de Mar Mikhaël, en 2006. D’autant que le Hezbollah semble – du moins en public – toujours hésitant quant au choix de son candidat à la présidentielle, alors que Gebran Bassil nourrit l’espoir de se voir élire à la tête de l’Etat, même s’il paraît par moments avoir abandonné ce rêve. Preuve en est son récent entretien donné à un média proche de la formation chiite et à l’axe iranien.

Il est de plus en plus clair que le Hezbollah a besoin de cette petite saynète pour renforcer sa position, parce que ses prouesses de Don Quichotte ne s’avèrent plus aussi impressionnantes qu’auparavant,  et ce pour plusieurs raisons: la fébrilité des Libanais qui peinent à faire face à la succession d’épreuves auxquelles ils sont soumis, le flou qui prévaut sur les scènes régionale et internationale, sans compter le fait que les négociations sur le dossier du nucléaire entre les États-Unis et l’Iran sont liées à la guerre en Ukraine et à la crise du gaz, et peut-être au dossier de la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël.

Ainsi, le spectacle offert par ces deux ministres lançant des pierres contre l’ennemi répond au besoin fondamental du parti chiite de justifier sa priorité majeure qui est d’affronter Israël, qui, de surcroît, pille les richesses pétrolières potentielles du Liban. Ce besoin se fait encore plus pressant à l’aune de la vacance à la première magistrature qui se profile à l’horizon, sans compter la polémique constitutionnelle qui bat son plein concernant la capacité d’un gouvernement d’expédition des affaires courantes à diriger le pays. Ce qui laisse présager de nouveaux dérapages encore plus clivants dans l’enfer actuel, qui pourraient conduire à un chaos généralisé susceptible de remettre en cause l’accord de Taëf et de déboucher sur une modification de la Constitution.

Pour en revenir à ce virus iranien qui sévit de Bagdad à Beyrouth, il semble que l’éventualité qu’un nouvel accord nucléaire, qui couperait les ailes de l’État de "Wilayat al-Fakih" dans la région, a imposé une réponse immédiate en Irak, dont l’objectif est de soumettre l’instance religieuse irakienne de Najaf  au guide suprême de la République islamique d’Iran, l’Ayatollah Ali Khameneï.

Au Liban, les répercussions ont été moins sanglantes, mais plus théâtrales, avec le jet de pierres des ministres, un acte estampillé de la marque aouniste.

Toutefois, les effets du virus réservent encore bien des surprises et pas des plus agréables… Nous ferions mieux de patienter, non sans peur, et nous soumettre aux chantages, au lieu de nous lancer dans une aventure guerrière que nous regretterons certainement à postériori.  Les porteurs du virus le savent, et nous, les deux peuples libanais et irakien, en sommes également conscients. Il n’en demeure pas moins que nous restons incapables de déclencher une révolution salvatrice qui nous affranchirait de l’axe iranien et de ses lignes de feu.