Pour le patriarche maronite Béchara Raï, il n’est pas normal que l’échéance présidentielle ne soit pas organisée dans les délais.

C’est un discours virulent envers la classe politique, notamment envers le chef du Parlement, Nabih Berry, que le patriarche maronite Béchara Raï a tenu dimanche, à un peu plus d’un mois de la fin du mandat de Michel Aoun, alors que la Chambre n’a pas encore été convoquée pour l’élection d’un président.

«Toute tentative de torpiller l’échéance présidentielle vise à provoquer la chute de la République, d’un côté, et à marginaliser le rôle chrétien, notamment maronite, au niveau du pouvoir, d’un autre, alors que nous sommes les pères de cette République et les porte-étendards du partenariat national», a ainsi martelé Mgr Raï, dans son homélie. «S’il est normal d’un point de vue constitutionnel, que les prérogatives du président de la République soient assurés à un gouvernement ayant les pleins pouvoirs, il n’est pas du tout normal que l’échéance présidentielle ne soit pas organisée dans les délais et que le pouvoir ne soit pas transmis d’un président à un autre», a poursuivi Mgr Raï, en référence aux deux dernières échéances présidentielles, lorsque Michel Sleiman a été élu à la tête de l’État, en mai 2008, plus de sept mois après la fin du mandat de son prédécesseur, Émile Lahoud, et que son successeur, Michel Aoun, a été élu en octobre 2016, au terme de plus de deux ans et demi de vacance présidentielle.

«Il n’est pas non plus normal que l’élection d’un président soit entravée de manière à ce que ses prérogatives soient transmises, à chaque fois, au Conseil des ministres, a poursuivi Mgr Raï. L’échéance présidentielle n’est-elle plus donc une nécessité impérieuse? Elle l’est. Il s’agit même d’une obligation, pour éviter qu’on s’engage dans des aventures concoctées secrètement derrière des portes.»

Respect des échéances

Soulignant que «l’entente interne sur le prochain président est une bonne idée», Mgr Raï a affirmé que «la priorité reste au mécanisme démocratique et au respect des échéances, parce que l’attente d’un consensus est une arme à double tranchant, d’autant que les grandes lignes d’une telle entente ne sont pas encore claires». Pour lui, il est inconcevable que «le premier mois du délai constitutionnel touche à sa fin, alors que la Chambre n’a pas encore été convoquée à la séance pour l’élection d’un chef de l’État et que le monde est le théâtre de développements importants et l’émergence d’un nouveau rapport de force qui ne manqueront pas d’avoir un impact sur la région et le Liban».


Pour le patriarche, l’élection d’un président est «une condition vitale pour préserver la République et éviter qu’elle ne soit entraînée sur la voie de l’effondrement, comme c’est le cas de certains pays de la région». «Il n’existe qu’une seule voie pour le salut national et la préservation de l’unité du Liban, a-t-il insisté. C’est l’élection d’un président de la République par le vote et non par désignation, et sans que cette échéance existentielle ne soit contournée.» Et Mgr Raï de lancer: «Les Constitutions ont été faites pour élire un président de la République, non pour provoquer une vacance présidentielle. Celle-ci est-elle devenue chez nous la norme, plutôt que l’élection?»

Gouvernement souverainiste et rassembleur

Mgr Raï a estimé en outre que pour se redresser, le Liban a besoin d’un «nouveau gouvernement qui ne soit pas basé sur le clivage politique entre les forces du 8 et du 14 Mars, mais qui reflète le sentiment populaire qui a émané de la contestation du 17 octobre et de la diversité politique apparue à la suite des législatives du 15 mai». Pour le patriarche, les circonstances actuelles nécessitent la formation d’un gouvernement « national, souverainiste et rassembleur qui bénéficie d’une représentativité qui lui permet de garantir l’unité du pays, d’œuvrer à l’essor économique et de mener les réformes nécessaires». «Il n’est plus possible que le gouvernement revête un caractère sectaire au sein duquel la représentation est limitée à un seul axe politique, en lien avec un axe régional», a-t-il dit, en allusion au Hezbollah et l’Iran. «L’État ne peut pas redresser la barre avec un gouvernement démissionnaire, ni avec un gouvernement renfloué, ni à l’ombre d’une vacance présidentielle, parce que cela serait un crime revêtant un aspect politique, national et existentiel», a encore affirmé Mgr Raï.

«Confier le pays à un gouvernement démissionnaire ou renfloué ne reflète-t-il pas une volonté de modifier le système et la Constitution et de provoquer une rivalité artificielle entre la première magistrature et la présidence du Conseil, alors que le problème est ailleurs et entre d’autres parties?» s’est interrogé Mgr Raï. «Le sauvetage du Liban ne nécessite-t-il pas la présence d’un nouveau président qui rétablirait les relations cordiales avec les pays frères et amis et les organismes internationaux?», a-t-il poursuivi.

Déplorant le naufrage récent d’une embarcation de fortune au large de Tartous, en Syrie, Mgr Raï s’est interrogé sur les mesures sécuritaires préventives que devraient prendre l’État pour empêcher l’émigration clandestine par voie de mer. «L’État est responsable de ces drames, parce qu’il a failli à sortir le pays de sa crise économique, financière et sociale», a-t-il martelé.

Enfin, Mgr Raï a condamné les braquages contre les banques. Il a appelé, à ce égard, les autorités concernées à assurer la protection de ces établissements, parce qu’il est inadmissible qu’ils restent fermés.
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