Le chef de l’État Michel Aoun a expliqué lundi devant la directrice du département Afrique du nord et Moyen-Orient au ministère français des Affaires étrangères, Anna Gueguen, que les contacts sont en cours pour la formation d’un nouveau gouvernement "après l’aplanissement des obstacles qui empêchaient sa mise en place".

Il est vrai que les tractations ont repris, mais les obstacles sont en revanche loin d’être aplanis avec le retour en force des exigences du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil. Alors que la fin du mandat de son beau-père à la tête de l’État approche, il semble vouloir jouer le tout pour le tout, afin de garantir son ancrage au sein de l’Exécutif et de se poser, après la fin du sexennat, en acteur politique incontournable.

Comment expliquer autrement son insistance, alors que le pays s’enfonce dans la crise, à vouloir obtenir la minorité de blocage à travers la nomination de la majorité des ministres chrétiens et à exiger du nouveau gouvernement qu’il procède en priorité à un train de nominations administratives, juridiques et diplomatiques? D’autant plus que ces nominations ne sont pas envisagées dans une logique de réformes à laquelle la formation aouniste est réfractaire, sauf bien entendu au plan rhétorique. Si Gebran Bassil insiste, c’est seulement parce qu’elles lui permettront de renforcer ses assises au sein de l’État.

Ce dernier veut ainsi que le Premier ministre désigné, Najib Mikati, lui concède le droit ainsi qu’à son beau-père Michel Aoun de changer les ministres qui leur sont proches, notamment parmi les chrétiens. Najib Mikati, qui refuse une atteinte à l’équilibre politique au sein de son équipe, s’oppose à ce que le camp présidentiel ait le tiers de blocage ou qu’il lui impose ses conditions pour un déblocage gouvernemental. Il a ainsi informé les personnalités engagées dans une médiation entre Baabda et le Sérail, notamment le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qu’il rejetait en bloc les demandes de Gebran Bassil.

En plus du nouveau train de nominations diplomatiques, juridiques et administratives, ce dernier souhaite que le nouveau gouvernement Mikati  signe un décret de promotion des officiers de la session de 1972, ainsi qu’un nouveau décret de naturalisations (on parle de 5.000 bénéficiaires, alors que la Libanaise n’est toujours pas autorisée à accorder sa nationalité à ses enfants).

Pour ce qui est des nominations administratives et judiciaires, Gebran Bassil voudrait que la nouvelle équipe ministérielle limoge le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, pour nommer à sa place le directeur actuel de la présidence de la République, Antoine Choucair, et remplace à la tête de l’armée, le général Joseph Aoun (qui prendra sa retraite en mars 2024) par le général Maroun al-Kobayati. Il voudrait aussi que le juge Fadi Akiki, qui avait donné en juillet dernier l’ordre d’interpeller l’évêque de Terre Sainte Moussa el-Hage à son arrivée au Liban venant d’Israël, remplace le juge Souheil Abboud à la tête du Conseil supérieur de la magistrature. De manière générale, il souhaiterait parvenir à remplacer au sein de l’Administration, tous "les symboles du haririsme" ce que M. Mikati n’acceptera pas.

Et ce n’est pas tout: au nombre des revendications du chef du CPL, le remplacement de la ministre d’État pour la réforme administrative, Najla Riachi, par un ministre chrétien qui serait nommé par le camp présidentiel, sachant que Mme Riachi est considérée comme proche du chef du gouvernement. Najib Mikati a déjà refusé cette option. Gebran Bassil aurait en outre proposé le remplacement des ministres du Tourisme Walid Nassar, et de l’Énergie Walid Fayad, et s’est dit favorable au maintien de celui des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib. Il semble tenir à la nomination d’Amal Abou Zeid, ancien député et conseiller actuel du président pour les affaires russes et exigerait qu’un nouveau ministre soit nommé à la place de Ziad Makari (Information) ou de Victor Corm (Télécoms), ces deux derniers étant affiliés au chef des Marada Sleiman Frangié, lequel selon M. Bassil ne devrait être représenté que par un seul ministre, après sa défaite aux législatives de mai 2022. Et ce n’est pas tout. À la place de Georges Kallas (Jeunesse et Sport), il voudrait nommer l’ancien député Eddy Maalouf.

Ceci étant dit, dans les cercles proches du Hezbollah, on continue de faire montre d’optimisme et d’affirmer que le gouvernement serait formé cette semaine.