Les échanges de menaces réciproques entre le Hezbollah et Israël, sur fond de négociations frontalières entre le Liban et l’État hébreu via la médiation américaine, vont crescendo et laissent augurer du pire.

D’emblée, force est de constater que ces négociations entre les deux pays voisins ne répondent à aucun paramètre habituel! De plus, le Liban étant toujours en état de guerre avec Israël, ces négociations n’ont pas pour finalité la conclusion d’un accord de paix, mais la délimitation des frontières maritimes uniquement. Ce qui mènera de facto à un partenariat entre les deux parties en dépit de la guerre larvée qu’elles se livrent, indépendamment des mécanismes et des appellations dont l’accord sera estampillé.

Par ailleurs, le Liban négocie sur fond du tempo des menaces brandies par le Hezbollah à tout bout de champ et distillées à coups de libération de Jérusalem ou encore de suppression d’Israël de la carte, alors que les forces israéliennes ciblent régulièrement les positions de la formation pro-iranienne et celles de l’Iran en Syrie.

Cependant, cette réalité n’a pas empêché les négociations de se poursuivre depuis que le président du Parlement Nabih Berry a annoncé leur reprise il y a deux ans, même si elles restent bancales et régies par l’agenda iranien et ses exigences.

Il faut dire que les messages envoyés par le Hezbollah sont pour le moins contradictoires.  Tantôt le parti chiite indique soutenir l’État libanais dans les négociations, et tantôt il envoie des drones pour contraindre Israël à ne pas extraire de gaz du champ de Karish avant la conclusion de l’accord.

Israël, quant à lui, a toujours affirmé son attachement à ses conditions, ce qui a incité la partie libanaise à faire des concessions, à commencer par celle sur la ligne 29. Néanmoins, on ignore ce que l’État libanais concèdera encore, notamment après l’objection israélienne aux observations de Beyrouth.

Certes, les négociations se poursuivent toujours par l’intermédiaire du médiateur américain Amos Hochstein. De même que les observations formulées par les deux parties aux négociations vont de soi, chacune améliorant ses positions. Mais il est vrai aussi que chaque partie dispose de ses propres calculs qui répondent à ses spécificités dans la question de la démarcation.

Alors que les Israéliens décortiquent chaque lettre de l’accord pour en connaître les tenants et aboutissants, il semblerait qu’ils ne prendront pas leur décision avant de soumettre le document à l’ensemble du gouvernement et à la Knesset aussi, précisément parce que le Premier ministre Yaïr Lapid n’est pas pressé, avec l’approche des élections israéliennes qui scelleront son sort. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne souhaiterait pas que cet accord devienne son talon d’Achille et soit utilisé par son adversaire Benjamin Netanyahu, pour lui asséner le coup de grâce.

Au Liban, la donne est complètement inverse.  Ni le gouvernement ni le Parlement n’ont montré le moindre engagement au sujet de ce que stipule la Constitution concernant les accords internationaux. Plus encore, les responsables évitent de qualifier ce qui se passe d’accord entre deux pays.

Dans un prisme plus large, d’aucuns évoquent l’intérêt de l’Iran à faciliter l’accord en échange d’une augmentation de sa production de pétrole, et comme un geste de bonne volonté à l’égard des États-Unis dans le dossier des négociations sur l’accord nucléaire. Cependant, l’Iran n’hésite pas à évoquer les victoires fictives du Hezbollah afin que le parti chiite garde le contrôle du Liban et serve les intérêts iraniens.

Sur la scène locale, le besoin pressant du président Michel Aoun et de son équipe de conclure l’accord avant la fin de son mandat n’est plus à prouver. À vrai dire, le chef de l’État cherche à s’attribuer le crédit de cet aboutissement afin de relativiser l’échec de son mandat, qui a conduit à l’effondrement économique et financier du Liban et à la désintégration de ses institutions et de son administration.

Partant, les divergences dans l’approche adoptée par les deux parties vis-à-vis des négociations est claire.  D’une part, les Libanais ont traité le dossier de manière farfelue en liant l’approbation de l’accord à l’aval des trois pôles du pouvoir, à savoir le président de la République, le président du Parlement et le chef du gouvernement, au lieu de passer par les voies constitutionnelles et légales. En effet, les autorités libanaises ont retiré le dossier des mains de l’armée libanaise et des experts qui négociaient indirectement avec la partie technique israélienne à Naqoura, pour le confier aux représentants des différentes communautés qui, eux, appliquent la volonté du Hezbollah à la lettre.

D’autre part, le gouvernement israélien a travaillé d’arrache-pied pour préserver ses gains dans l’accord. Il est resté intransigeant au sujet de ce qu’il considère comme ses droits, et il a indiqué parallèlement qu’il était prêt à riposter à toute agression et à répondre à la surenchère du Hezbollah qui met en péril les chances du Liban d’extraire son gaz et son pétrole, selon les déclarations israéliennes.

Par conséquent, face aux tactiques du Liban qui fait primer les intérêts privés, Israël a opté pour une stratégie qui privilégie l’intérêt public. Aussi, le rêve d’aboutir à une réalisation concrète côté libanais, menée à la manière de chefs tribaux et de leur maître, suppôt de l’axe iranien, se heurte à la temporisation israélienne calculée sur base d’objectifs à long terme, quels que soient les résultats des élections, et peu importe le nom du futur Premier ministre. Parmi ses objectifs figurent la normalisation et l’obtention de garanties pour sécuriser le pétrole et le gaz israéliens, de manière à le mettre à l’abri des aventures auxquelles l’axe iranien pourrait recourir pour servir son agenda et ses exigences.

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