Il devient évident que les séances pour l’élection d’un président de la République – convoquées par le président du Parlement Nabih Berry – vont s’enchaîner, dans le contexte actuel du pays, où la vacance à la tête de l’État semble inévitable si l’on se fie aux données présentes et aux positions des forces politiques. À vrai dire, le camp du 8 Mars n’a toujours pas choisi son candidat, tandis que la confusion règne dans les rangs de l’opposition, incapable de s’unir derrière un seul présidentiable.

Ainsi, la séance parlementaire du 13 octobre risque d’être la réplique de celle tenue le 29 septembre, et connaîtra la même issue. Au mieux, le quorum sera assuré, avec une différence de quelques votes supplémentaires en faveur du député et candidat Michel Moawad.

Dans ce cadre, le patriarche maronite Béchara Raï a lancé depuis Bkerké une critique cinglante: "Le peuple attend de sortir de ses crises cumulées pour restaurer son rôle. Mais les slogans au sujet du changement qui pourrait intervenir ne rassurent pas la population qui craint que le pays se trouve devant l’alternative suivante: changer les noms sans pour autant parer aux failles du système, ou modifier le système historique et démocratique sans pouvoir renverser le régime".

Les propos du patriarche renferment un message de changement, à qui veut bien lire et bien assimiler ses buts et ses objectifs. Mais l’opposition, les forces du changement et les indépendants, qui désirent vraiment le changement, saisiront-ils ce message au vol ? Ou la division continuera-t-elle de dominer le camp de l’opposition, alors que chaque parti attend l’arrivée improbable de son candidat favori?

Une lecture donnée par une source politique de l’opposition via le site d’information al-Markaziya présente une explication détaillée sur les raisons du consensus des partis de l’opposition autour de la candidature du député Michel Moawad. Selon cette analyse, l’héritier de cette famille réputée pour son sens patriotique et fils du président assassiné René Moawad est l’une des figures les plus modérées dans l’étape actuelle, ainsi que la personne la plus apte à pouvoir gérer aujourd’hui les dossiers internes aussi bien qu’externes, vu l’étendue de son réseau de connaissance sur le plan international qui va de l’Occident jusqu’aux pays arabes et les monarchies du Golfe.

Ces atouts ne sont pas perceptibles chez les candidats du camp qu’on peut qualifier d’obstructionniste qui, eux, sont considérés comme des candidats de défi. Force est de relever à ce propos que le président de la Chambre Nabih Berry aspirait même avant l’échéance à des candidats consensuels. Les partis ont alors choisi cette option qui correspond le plus à leur vision, contrairement à l’approche prônée par certaines forces du changement ou autres qui s’obstinent jusqu’à présent à avancer des candidats qui eux-mêmes n’ont pas exprimé la volonté de briguer la magistrature suprême.

En tout état de cause, Michel Moawad est aujourd’hui perçu comme une figure souverainiste, non-provocatrice, n’appartenant à aucun axe. Pour rappel, durant les élections législatives de 2018, le député de Zghorta s’est allié avec le Courant patriotique libre. Puis en 2022 il a mis sur pied une coalition avec les candidats indépendants dans le but de faire face au camp du 14 Mars, notamment les Forces libanaises, le plus grand parti chrétien du Liban-Nord. C’est ce même parti qui aujourd’hui, avec le parti Kataëb, le Parti socialiste progressiste, et le Bloc du Renouveau, soutient sa candidature à la présidence. Les Forces libanaises l’ont choisi, étant convaincues de ses capacités et de ses qualifications, et non pas dans un but tactique visant à le " griller ", comme certains tentent de le faire croire.

En conséquence, cette même source politique ajoute que Michel Moawad n’est ni provocateur ni partisan, mais plutôt un pur patriote qui remplit les critères d’une figure nationaliste et souverainiste et qui, de plus, est pressé de mettre en place un projet de sauvetage du Liban, démarche à laquelle son père aspirait également. Mais les forces du mal ont réussi à l’en empêcher, comme ils l’ont fait pour chaque figure souverainiste désireuse de reconstruire le pays.

Ces mêmes forces du mal ont entrepris de saper tous les fondements de la prospérité du Liban, transformant le pays du Cèdre d’un pays jadis qualifié de " banque du Moyen-Orient " en un pays qui mendie aux portes du Fonds monétaire international. D’un pays reconnu pour la qualité de ses hôpitaux et de ses soins médicaux, en un pays où il ne reste plus que quelques établissements médicaux qui résistent et luttent après l’émigration massive de médecins et du personnel infirmier, sans compter la pénurie de médicaments. Finalement, d’un Liban réputé pour ses établissements scolaires et universitaires de haut niveau, en un pays où les écoles n’arrivent plus à assurer un enseignement de qualité parce qu’une grande partie du personnel éducatif et des étudiants ont préféré partir ailleurs.

Cela n’est qu’un échantillon de ce que certaines forces se sont acharnées à torpiller et persistent à le faire ; et c’est ce plan que Michel Moawad souhaiterait contrer. Ce dernier est quasiment le seul candidat sérieux capable d’engendrer une dynamique présidentielle qui s’opposerait au projet de vide à la tête de l’État souhaité par l’axe de l’obstruction et par tous les partis affiliés au mandat Aoun.

Entre-temps, les noms des candidats mis en évidence dans le bazar présidentiel par certaines forces du changement manquent de sérieux et sont inaptes à réaliser un changement réel. Et la source politique de conclure: "Est-ce là le meilleur moyen d’élire un président de la République capable de sortir le pays de sa crise profonde? Ou le but serait de permettre au Hezbollah de créer la surprise en ‘faisant passer’ un président, ou encore de permettre au vide de s’étendre"?

*Rédactrice en chef de l’agence Al-Markaziya