Le chef du Courant patriotique libre (CPL), le député Gebran Bassil, cherche à promouvoir l’idée d’une table de dialogue national qui porterait sur l’élection présidentielle. M. Bassil verrait bien cette réunion présidée par le président Michel Aoun, en présence de pôles politiques importants. Selon le chef du CPL, "nous recevons des invitations à ce propos de l’étranger, alors qu’il serait préférable que nous nous réunissions entre Libanais, sans compter que le dossier crucial de l’élection présidentielle n’est toujours pas pris au sérieux".

Certes, l’idée de Gebran Bassil découle de son souhait de torpiller l’élection présidentielle et détourner l’attention de la population des atteintes incessantes portées à la Constitution. De plus, cette table de dialogue douteuse serait un moyen d’octroyer un rôle au président de la République sortant, une fois son mandat terminé le 31 de ce mois. Mais le gendre préféré, dont les caprices ne sont plus à énumérer, aspire à ce que son beau-père endosse le rôle de guide spirituel pour contourner l’accord de Taëf. L’annulation de cet accord serait la panacée. Cependant, amender des clauses qui ne conviendraient plus à l’axe iranien et légaliser l’hypothèque de la souveraineté de l’État libanais, feraient également l’affaire.

Alors que la logique voudrait que les députés accomplissent leur devoir parlementaire en se rendant à une séance ouverte et ininterrompue jusqu’à élire un président qui ne serait pas le fruit d’un accord concocté et imposé de facto, la réalité se trouve aux antipodes de la logique et de la Constitution. Cette réalité n’est pas liée à Gebran Bassil en soi, pas plus qu’à ses plans, mais plutôt imposée par le Hezbollah, qui tient les ficelles de tous les dossiers libanais, dont celui de l’élection présidentielle. D’ailleurs, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem n’a pas mâché ses mots à ce sujet : "La formation d’un gouvernement avant l’élection présidentielle reste la priorité du Hezbollah, même à quelques jours de la fin du mandat… La première tâche de ce gouvernement étant de reprendre les prérogatives du président de la République ".  Et d’ajouter : "Il n’existe pas de président sans couleur, et cette étape requiert un président fort. Toutefois, il existe deux types de présidents : un président de défi, qui cherche la confrontation en imposant sa vision qui se recoupe avec celle des États-Unis et nuit au Liban, et un autre doté d’une vision nationale et moderne, ouvert, souple, et disposé à résoudre les problèmes épineux par le dialogue et non en se pliant aux dictats de l’étranger".

Ce constat est une réalité qui se concrétise, selon des sources bien informées qui suivent de près les tractations internes qui ont accompagné l’accord sur la démarcation des frontières maritimes avec Israël. En d’autres termes, il s’agit de concéder le succès de ce dossier au "mandat fort", en échange de la facilitation de la formation d’un gouvernement qui consacrerait le vide, et du renoncement par Gebran Bassil de sa politique obstructionniste.

Les prochains jours devront confirmer les informations avancées par ces sources. Cependant, le déroulement des évènements s’est accéléré depuis que le Liban a reçu la réponse israélienne concernant le dossier de la délimitation des frontières. Partant, l’arrivée mardi dernier d’une délégation de la société pétrolière Total au Liban a des connotations claires, qui imposent un modus operandi qui ne compromette pas la mise en œuvre de l’accord.

Certes, le Hezbollah sera le garant de ce processus, notamment en ce qui concerne le volet sécuritaire au Liban sud, surtout dans la région controversée de Ras Naqoura. Ceci étant dit, cette question ne sera exploitée que sur le plan interne, comme c’est déjà le cas pour l’ambiguïté qui entoure la libanité des fermes de Chebaa.

En l’occurrence, de telles ambiguïtés seront avantageuses au Hezbollah, qui leurre les Libanais avec son discours sur la nécessité de préserver ses armes pour affronter Israël, alors qu’il a fourni des garanties à son "ennemi juré", par le truchement des États-Unis, et effectué des concessions relatives aux droits du Liban sur son gaz et son pétrole.

Le marché a été conclu avec la bénédiction du sous-fifre de l’Iran, sachant que le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, a été le premier informé des moindres détails de l’accord. Plus précisément, avant même que les ministres concernés, dont les ministres de l’Énergie et de la Défense, soient briefés sur les derniers avancements du dossier. Et bien avant les députés libanais, qui n’arrivent pas à s’entendre sur le sexe des anges.

Non seulement Hassan Nasrallah a conclu cet accord, mais il a également reçu l’approbation des États-Unis. Il a béni ce document historique qui conduira probablement à une normalisation déguisée des relations entre le Liban et Israël, comme cela sera confirmé par les navettes des dirigeants de Total entre les deux pays, après le début de l’exploration dans le champ gazier de Cana.

En résumé, le Hezbollah et son maître ont obtenu ce qu’ils désiraient, et ce qui sert leurs intérêts. La sécurité et la stabilité du Liban, et surtout son redressement économique, devront attendre l’" hérésie " de la table de dialogue version Gebran Bassil, dont le seul objectif est de saborder la Constitution.