Les réactions aux propos du président de la République, Michel Aoun, se sont multipliées dans la matinée du vendredi. Jeudi soir, le chef de l’État a accordé une interview télévisée à la chaîne LBCI, dans laquelle il a fait le point sur son mandat et a attaqué le premier ministre, sortant et désigné, Najib Mikati.

Réagissant à cet entretien, le député Bilal Abdallah (bloc parlementaire du Parti socialiste progressiste), a insisté sur l’importance de l’accord de Taëf. " Les propos tenus jeudi échappent à toute logique et vérité ", a-t-il écrit sur son compte Twitter. " La véritable épidémie qui sévit au Liban n’est pas le choléra que l’on peut contrer par les traitements médicamenteux, mais celle politique qui est incurable ", a-t-il commenté.

L’ambassadeur saoudien au Liban, Walid Bukhari, a, lui aussi, répondu implicitement aux propos de M. Aoun, via son compte Twitter : " Entre nier la réalité dérisoire et essayer de la justifier, un grand fossé se creuse ". Et de déclarer : " ce qui m’a le plus surpris, c’est le timing et le contenu de telles allégations, plus que les déclarations elles-mêmes ".

Pour sa part, le député de la " République forte ", Pierre Bou Assi, a établi un bilan rapide des réalisations du président Aoun. Sur son compte Twitter il a énuméré les points suivants : " A l’ère du chef de l’État, telles ont été ses réalisations : dépôts bancaires envolés, pas d’électricité, pénurie de médicaments… et un dollar qui équivaut à 40 000 livres libanaises ". À cela s’ajoute, d’après lui, " l’inaccessibilité aux services éducatifs et hospitalier et l’attente, par M. Aoun, d’un successeur qui continue sa mission ".

De son côté, dans une lettre adressée au président Michel Aoun, le député des Forces libanaises, Chawki Daccache lui a reproché d’avoir laissé tomber la région du Kesrouan, celle qui lui a " accordé sa légitimité chrétienne, l’a couronné à la tête du bloc parlementaire et lui a voué 5 députés ". Une série de questions que posent M. Daccache en guise de réquisitoire a fait l’objet de sa lettre : " Qu’avez-vous fait pour le Kesrouan, M. le président ? Cette région par laquelle vous ne passerez certainement pas au moment de votre départ du Palais présidentiel. Pourquoi n’avez-vous pas donné vie à la décentralisation administrative ? Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu dans le cadre de l’affaire de Lassa (pour mettre fin au litige qui oppose depuis des années l’Eglise maronite, propriétaire de terrains qu’elle met à la disposition d’agriculteurs, au comité des waqfs chiites, ndlr) ? Qu’est-il advenu de vos promesses à l’égard des habitants du Kesrouan qui souffrent de la pollution causée par les fumoirs de l’usine de Zouk ? Quid des projets d’assainissement et d’élargissement des routes ? Êtes-vous au courant de la dure réalité des écoles publiques de la région ? Pourquoi le seul hôpital public du Kesrouan n’est plus capable d’accueillir le nombre de patients défavorisés ? Pourquoi le port touristique de Jounieh, inauguré trois fois, est toujours inopérant ? ". Et de poursuivre : " Je ne vous poserai pas de questions au sujet de l’effondrement économique et des institutions étatiques, ni au sujet de la corruption, ni pourquoi le Liban a été isolé sur la scène régionale et internationale ". S’adressant au président en usant d’une réplique que le président avait précédemment lancée : " vous nous avez promis l’enfer. Nous y voici ", avant de marteler : " [ce Mal] ne prévaudra pas et le futur nous promet de beaux lendemains ".

Deux jours nous séparent de la fin du mandat du président Aoun. C’est dans ce sens qu’il s’est employé, jeudi, à régler ses comptes avec ses adversaires politiques pour défendre son sexennat. Au cours d’une interview qu’il a accordée à la LBCI et qu’il a voulu comme un bilan de son mandat, il a fait assumer à ses adversaires politiques, judiciaires ou administratifs, toute la responsabilité des dysfonctionnements et de la mauvaise gouvernance qui ont plongé le Liban dans des crises inextricables. Il a également annoncé qu’il est " prêt à signer le décret de démission du gouvernement " , alors que le pays s’oriente vers un vide au niveau de l’Exécutif, en raison de l’incapacité du Parlement à élire un nouveau chef de l’État dans les délais constitutionnels. Il a tiré à boulets rouges sur le Premier ministre désigné, Najib Mikati, l’accusant de  " vouloir exercer une tutelle sur le nouveau cabinet " . Ce à quoi le chef du cabinet a répondu " La mémoire trahit parfois nos aînés. Les faits sont alors confondus avec les souhaits et les vérités avec les illusions ".