Le rideau vient de tomber sur le sexennat de Michel Aoun.  D’aucuns le considèrent comme le meilleur des mandats, d’autres le perçoivent comme le pire des régimes que le pays ait connus. C’est selon où l’on se place. Cependant, une chose est certaine: il n’y a pas de demi-teinte lorsqu’il s’agit de Michel Aoun!

La fin de ce mandat ne signe pas pour autant la fin du parcours politique de Michel Aoun, qui reste intrinsèquement lié à ses guerres. Contrairement à d’autres vieux roublards de la politique, la survie politique de Michel Aoun ne dépend pas de son état de santé, mais des guerres qu’il mène et que son gendre, le député Gebran Bassil, se chargera de perpétuer.

En réalité, Michel Aoun s’est toujours nourri de ses guerres. Du temps où il officiait comme commandant de la huitième Brigade de l’armée, avant de devenir le chef du gouvernement militaire et de mener sa "guerre de libération", perdue d’avance, qui a entraîné destruction, mort et déplacements… À l’époque, il voulait faire plier Hafez al-Assad, comme le président du Venezuela cherche à faire plier les États-Unis.

Cela sans compter la guerre contre les Forces libanaises, dont le slogan était d’unifier les armes, alors que Michel Aoun savait pertinemment que c’était mission impossible, d’autant que ses armes ainsi que celles des Forces libanaises provenaient du même fournisseur. Le bilan de cette équipée était catastrophique pour ce que l’on appelait à l’époque la région "est". Des morts à la pelle, des familles brisées par des guerres fratricides, entre frères aounistes combattant leurs frères FL. De plus, sur le plan politique, les chrétiens ont également laissé beaucoup de plumes, avec la modification de la Constitution et les accords de Taëf qui ont considérablement réduit les prérogatives du chef de l’État. Sans compter que le pays a été complètement livré à la Syrie.

Certes, la popularité de Michel Aoun a augmenté parce qu’il a combattu les Syriens. Puis il a fait le choix de combattre la milice (FL), en s’appuyant – c’est le comble – sur d’autres milices dans cette guerre. De son exil parisien, Michel Aoun a par ailleurs combattu la Syrie, puis attaqué le Hezbollah, avant de rentrer au bercail sur décision syrienne et avec l’approbation du président Emile Lahoud, et de conclure l’entente de Mar Mikhaël avec le Hezbollah, qui a fourni à ce dernier la couverture (chrétienne) pour ses armes.

Par la suite, Michel Aoun a changé de cible pour s’attaquer au " haririsme politique " et aux forces du 14 Mars, à un moment où il a forgé une alliance avec le Hezbollah, le mouvement Amal, Sleiman Frangieh, Michel Murr, et les divers symboles de la Syrie au Liban. Le slogan " vert, jaune, orange, nous voulons renverser le gouvernement " a ainsi été lancé, menant au fameux sit-in qui a paralysé le centre-ville de Beyrouth et frappé l’économie libanaise, deux ans durant.

À vrai dire, les guerres de Michel Aoun s’enchaînent sans répit. Lorsque Nabih Berry s’est opposé à sa candidature à la présidence de la République, ce dernier est devenu le symbole de la corruption. Par ailleurs, après la proposition de Michel Aoun de renouveler le mandat du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé est devenu l’homme à abattre et la cause de l’effondrement du pays. Lorsque l’entente avec les Forces libanaises a volé en éclat, Samir Geagea est devenu un criminel. Enfin, quand le peuple s’est soulevé, les ambassades et les ONG ont été pointées du doigt.

Des guerres à n’en plus finir semant la mort, la division dans les rangs chrétiens et provoquant une vague d’émigration sans précédent, notamment parmi la population chrétienne. Cet homme ne lâche rien et la relève est assurée avec Gebran Bassil. Il faut dire qu’il a été à bonne école. Un autre guerrier qui se lâche contre Riad Salamé, Joseph Aoun, Souhail Abboud, et tout maronite fort, fut-il aouniste.  D’ailleurs, ce dernier n’a pas hésité à exclure et à neutraliser ceux qui constituaient une menace pour lui au sein de son propre parti, le CPL.

À Rabieh, comme à Baabda, les guerres de Michel Aoun se poursuivront, avec ceux qui l’applaudissent, chantent ses louanges et l’idolâtrent. Ceux-là mêmes qui ont été qualifiés un jour par Michel Aoun de " grand peuple du Liban ". Or  en ce dimanche 30 octobre, les propos tenus par certains de ses partisans nous ont laissé cois. C’est à se demander de quelle grandeur il s’agit lorsque l’on parle de "grand peuple" du Liban ?