L’ambiance durant la réunion, lundi, des commissions parlementaires mixtes, qui ont planché une nouvelle fois sur le texte de loi portant sur le contrôle des capitaux, était bien plus calme que lors de la précédente réunion de mercredi dernier. " Nous avançons dans la bonne direction ", ont précisé plusieurs députés, dont le vice-président du Parlement Élias Bou Saab, sous l’égide duquel se tiennent ces séances. Il a d’ailleurs eu recours à une image assez poétique pour décrire la baisse de tension : "C’est comme un navire qui, après avoir traversé une mer agitée, parvient dans des eaux calmes".

La détente a résulté de deux éléments principaux : une franche explication entre M. Bou Saab et le député Ragy Saad (Rencontre démocratique), ce qui a tourné la page d’un échange assez virulent entre eux, d’une part, et un accord sur la nécessité de préserver, non seulement les nouveaux dépôts, mais également les anciens actuellement bloqués dans les banques, d’autre part.

Plusieurs députés, dont M. Saad, avaient réclamé que les commissions examinent simultanément les projets de loi portant sur le contrôle des capitaux, la restructuration bancaire (pas encore envoyé par le gouvernement) et la régularisation financière. Ils avaient mis en garde contre le fait que l’approbation du premier texte, seul, mettait en danger les dépôts en " lollars ", et pavait la voie à leur élimination, en établissant une distinction entre " nouveaux " et " anciens " fonds.

Lors du point de presse lundi, M. Bou Saab a souligné l’importance de préserver les anciens fonds, rappelant que même si les trois textes de loi sont approuvés en commission l’un après l’autre, et non simultanément, ils allaient de nouveau être étudiés ensemble en séance plénière, où ils pouvaient être amendés. Il avait tenu les mêmes propos lors de la réunion des commissions conjointes.

Mais comment envoyer le projet de loi relatif à la restructuration des banques au Parlement, puisqu’il n’a pas été signé par l’ex-président de la République Michel Aoun avant la fin de son mandat ? Une solution serait, selon des sources parlementaires, de recourir à une proposition de loi, présentée par un ou plusieurs députés, en concertation avec le gouvernement sortant.

Photos Ali Fawaz

Préserver la valeur des dépôts

En attendant, les commissions ont enregistré lundi des progrès, qu’a expliqués M. Bou Saab. " Nous avons réalisé que la plupart des participants sont d’accord sur la nécessité d’élaborer une loi portant sur le contrôle des capitaux qui garantit les anciens dépôts dans leur valeur actuelle, sans aucune perte ", a-t-il précisé.

Rappelant qu’il est lui-même un déposant, " qui travaille dans l’intérêt des déposants ", il a souligné que " les modifications qu’on apporte visent à assurer que les dépôts garderont leur valeur même si les déposants ne peuvent pas les retirer aujourd’hui ".

En même temps, " nous voulons donner confiance à ceux qui veulent introduire de l’argent au Liban, car si l’économie s’améliore, avec l’entrée de nouveaux dépôts, les fonds qui sont dans les banques et dont on veut préserver la valeur, pourront être versés progressivement aux citoyens ", a précisé le vice-président du Parlement.

Concrètement, les commissions ont approuvé l’article 3 du projet de loi, relatif à la formation d’une commission en charge d’appliquer la loi portant sur le contrôle des capitaux. Elle sera présidée par le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale ou un de ses vice-gouverneurs, et sera composée d’experts. C’est le Conseil des ministres qui décidera du mécanisme de travail de la commission qui a été créée " afin de prendre les décisions qui, pour l’instant, sont du ressort d’une seule personne ", selon ses explications.

" Nouveaux dépôts "

M. Bou Saab a indiqué qu’au lieu du terme " nouvelles sommes ", il a été décidé d’utiliser celui de " nouveaux dépôts ou transferts ", car " certains députés estiment que si l’on parle de nouvelles sommes, les anciennes seront perdues ". Il a précisé " qu’une formulation protégeant les anciens et nouveaux dépôts a été trouvée et sera examinée la prochaine fois ".

Pour ce qui est des procès contre les banques, M. Bou Saab a indiqué : " Nous ne sommes pas là pour protéger les banques, mais en même temps, nous n’acceptons pas qu’une banque soit obligée de transférer à l’étranger cent millions de dollars en raison d’un verdict, alors que le citoyen libanais n’arrive pas à obtenir cent dollars. Il faut qu’il y ait un équilibre ".

M. Bou Saab a ensuite abordé la question de l’échange entre le député Ragy Saad et lui-même. Il a mentionné le communiqué que M. Saad avait publié il y a quelques jours, qui le critiquait durement pour l’avoir accusé, ainsi que d’autres députés, dans des propos rapportés par un journaliste, de faire partie du " parti des banques " et de refuser le contrôle des capitaux.

Il a précisé ne pas avoir utilisé ce terme, mais avoir dit que certains députés souhaitent que le contrôle des capitaux soit examiné simultanément avec les textes de loi relatifs à la restructuration bancaire et la régularisation financière. Après une franche explication, " nous avons réalisé que nous avons les mêmes intentions, et tout cela est derrière nous maintenant ", a précisé M. Bou Saab.

Ragy Saad

M. Saad, qui était assis parmi les journalistes, a rejoint M. Bou Saab et a également précisé que le problème a été résolu. Il a insisté sur le fait que les textes de loi relatifs à la restructuration bancaire et la régularisation financière devaient être discutés en même temps que le contrôle des capitaux, car ils sont liés.

Il a noté que M. Bou Saab a convenu lors de la réunion des commissions que ces trois textes seront discutés ensemble en séance plénière, et seraient amendés si nécessaire. " Nous insistons sur cela dans l’intérêt des citoyens ", a souligné M. Saad.