Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a déclaré mardi dans un discours incendiaire que "la réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue hier (lundi) était inconstitutionnelle, illégitime et contraire au Pacte national", estimant "qu’elle a porté un coup fatal à la Constitution ainsi qu’à l’accord de Taëf et constitue une atteinte grave à l’entente nationale".

À l’issue de la réunion hebdomadaire du CPL, le leader aouniste s’est lancé dans une diatribe virulente contre le Premier ministre sortant, Najib Mikati, qu’il accuse d’avoir maintenu la séance gouvernementale de lundi, en dépit du boycott des ministres proches du camp orange, ce qui, à ses yeux, la rendrait inconstitutionnelle. Le parti aouniste a en effet essuyé une défaite monumentale, lorsque le quorum a été atteint et que la réunion a suivi son cours.

"Ils (les ministres présents à la réunion du cabinet) ont annoncé hier qu’ils allaient émettre des décrets sans la signature du président de la République, jugeant que le Conseil des ministres réuni détient les compétences du chef de l’État, comme le stipule l’article 62 de la Constitution", a indiqué Gebran Bassil. "Cela est inacceptable! Ce qui s’est passé hier a démontré une volonté de mettre la main sur la présidence en créant un précédent et a révélé les vraies intentions de Najib Mikati, qui refusait jusque-là de former un nouveau gouvernement", s’est-il indigné. "Le président de la République ne peut être dissocié de ses prérogatives, car elles lui sont inhérentes. Sa signature peut être apposée par tous les ministres, comme ce fut le cas en 2014 et 2016. Cependant, le tiers du gouvernement était absent, ce qui veut dire que le cabinet n’était pas complet et ne pouvait donc être doté des prérogatives présidentielles", a martelé le député de Batroun.

Il convient de rappeler dans ce contexte que l’article 65 alinéa 5 de la Constitution stipule qu’une réunion du Conseil des ministres ne peut avoir lieu que si les 2/3 des ministres sont présents. Le gouvernement actuel est formé de 24 ministres. Seize ministres doivent en conséquence être présents pour que le quorum soit atteint. Ce nombre a été assuré lundi matin, avec la participation inattendue du ministre sortant de l’Industrie, Georges Bouchikian, qui a défié les directives du parti Tachnag (dont il est proche) et fait fi du communiqué publié dimanche dans lequel il avait assuré vouloir boycotter le Conseil des ministres.

"Certains ministres ont refusé de participer à la réunion, car ils ont considéré que celle-ci pouvait nous ramener à la période de l’avant 2005. Le retour à cette période signifierait un recours à l’exil, à la prison ou au meurtre, mais tant que nous sommes vivants, nous continuerons de lutter", a souligné le chef du CPL, se voulant agressif et combattif. "La réunion du Conseil des ministres a été convenue au préalable, sinon M. Mikati n’aurait pas osé envoyer une convocation", a-t-il asséné, tentant de sauver la face devant une classe politique exaspérée par ses frasques. "Notre problème n’est pas avec M. Mikati, mais avec ceux qui le manipulent". Une explication qui sonne creux, d’autant plus que le torchon brûle entre les deux hommes depuis des mois pour plusieurs raisons, notamment la formation du gouvernement et les nominations judiciaires et financières. Plus encore, Najib Mikati est ouvertement soutenu par le tandem Amal-Hezbollah, qui se trouve de plus en plus embarrassé par les écarts du CPL et du mandat de Michel Aoun et qui peine à justifier les actes commis par leur allié au fil des années.

"Notre rôle et notre mission sont nos seules armes et nous ne les abandonnerons pas. Il est clair qu’il existe des instructions pour nous provoquer, briser notre volonté et remettre en cause l’équilibre qui a pu être achevé sous le mandat de l’ancien président Michel Aoun, grâce au long combat du CPL", a poursuivi M. Bassil. "Certains pensent qu’ils pourront faire pression sur le parti en ce qui concerne la présidentielle, mais cela ne servira qu’à renforcer notre détermination", a-t-il martelé, faisant allusion à son unique allié, le Hezbollah. En effet, la formation chiite tenterait d’imposer à M. Bassil le choix d’un candidat à la présidentielle, chose que ce dernier refuse catégoriquement. Cela dit, le jour où le mouvement pro-iranien prendra une décision à ce sujet, il l’imposera à Gebran Bassil, que ce soit par le biais d’un compromis ou par la force, car celui-ci n’a plus d’alliés.